Grand prix du jury, 1er prix

Charles-Henri Tachon, architecture & paysage

En Bourgogne, à Saint-Léger-sur-Dheune, un nouvel équipement public attire les regards. Son auteur ? Charles-Henri Tachon, architecture & paysage, agence récipiendaire, en 2019, de la prestigieuse Équerre d’Argent pour la résidence Julia-Bartet située à Paris.

La modestie d’une commande et le contexte pittoresque d’un village n’ont nullement contraint cet architecte. Il y poursuit, comme à chaque projet, sa réflexion sur la matérialité.

« Il s’agissait d’abord de construire un lieu où les enfants du village et des environs pourraient passer le plus grand moment de détente de leur journée », rappelle-t-il. « Aussi, nous avons imaginé ce restaurant scolaire comme une maison, avec un toit, où il fait bon se réfugier lorsqu’il fait froid et que le brouillard de la Dheune se lève. »

« Ce n’est toutefois pas une maison comme les autres. Il fallait qu’elle puisse être reconnaissable dans le bourg pour montrer qu’il s’agit d’un bâtiment public. De fait, sa forme devait être lisible, autonome, repérable », dit-il. Cette singularité a été travaillée avec la volonté de proposer un bâtiment qui s’inscrive dans la continuité de l’existant, notamment par un travail en dessin ; les toitures en tuiles adoptent des formes simples, qui viennent ainsi en écho avec celles du village.

Sur les quatre corps de bâtiment, trois ont été couverts de tuiles mécaniques et un de tuiles plates vieillies. « Sous une apparente simplicité, le travail sur les toits est sophistiqué à la fois par le jeu des pentes et par les tuiles utilisées. Nous avons joué sur la mixité des formes et des tuiles qui rappellent les assemblages parfois hétérogènes des toitures que l’on peut observer autour de nous », indique l’architecte.

Une attention particulière a été portée sur les détails de mise en œuvre, notamment avec des arêtiers corniers encastrés posés à sec pour la tuile plate et des arêtiers à emboîtement pour la tuile losangée. Ces couvertures reposent soit sur une charpente en bois contrecollé pour les toitures hautes des deux salles de restaurant, soit sur des fermettes industrielles pour le corps de bâtiment abritant les vestiaires et les locaux techniques.

« La perception intérieure du volume de chaque toiture donne un sentiment d’unité et d’identité spécifique à chaque salle, souligne Charles-Henri Tachon. En plan, elles se désaxent l’une par rapport à l’autre de manière à créer une vue diagonale qui offre une sensation de profondeur. Ce déhanchement permet de créer différentes vues vers l’extérieur ».

Techniquement, cet équipement a été conçu à partir d’une trame structurelle en béton. Son remplissage, de manière inattendue, est fait de tuiles. « Nous avons choisi d’utiliser un dispositif singulier, très présent le long du canal de la Dheune : le mur de tuiles. Des tuileries locales, notamment la tuilerie Perrusson à Écuisses (1860) et la Grande Tuilerie de Bourgogne de Montchanin (1858), fournissaient en abondance et à bas prix dans toute la région des tuiles mécaniques. Pour cette raison – et contre toute attente ou toute logique structurelle – des murs composés de tuiles mécaniques ont été édifiés. Cette mise en œuvre présente parfois, suivant l’appareillage imaginé, des motifs inattendus », souligne-t-il. Cet assemblage inhabituel et pourtant caractéristique des environs a été le thème choisi par l’agence pour affirmer l’identité du nouvel équipement. La tuile utilisée est un matériau de récupération trouvé dans un village voisin situé à une vingtaine de kilomètres. Les éléments collectés ont été par la suite sciés pour réduire leur largeur et donc l’épaisseur du parement. Leur calepinage a, quant à lui, été étudié avec l’entreprise de gros œuvre grâce à plusieurs prototypes réalisés à sec. Ils ont été ensuite, en phase de réalisation, hourdés au mortier dont la teinte est en écho avec le béton.

Ce projet vient ainsi compléter un travail sensible sur la matière, que l’architecte pense comme un moyen de trouver une forme de justesse. « Le paysage aujourd’hui a besoin d’être soigné et accompagné. La démarche contemporaine, c’est de trouver la position juste dans le lieu dans lequel on s’inscrit » conclut Charles-Henri Tachon.

© Charles-Henri Tachon, architecture & paysage

2e prix pateyarchitectes

Ce projet sonne comme un symbole mais aussi comme un hommage. Il importe donc d’évoquer l’histoire des parcelles qu’il occupe. Le tout automobile a éventré bien des villages. Novalaise n’échappe pas à la règle et une ancienne bâtisse n’avait pas résisté au rouleau compresseur des traceurs de routes. L’espace public s’en était retrouvé réduit et la place centrale avait pris des allures de carrefour. Les confettis d’emprises laissés de part et d’autre de l’axe passant avaient éveillé la convoitise de quelques constructeurs sans toutefois satisfaire les élus. Le conseil municipal s’est donc engagé dans un appel à projets ; chaque équipe étant alors libre de proposer une architecture mais aussi un programme.

Pour l’occasion, l’agence pateyarchitectes s’est associée à La Compagnie d’Architecture Nouvelle, maître d’ouvrage, pour penser une proposition associant un commerce, une halle de marché et des logements. La composition imaginée est à bien des égards surprenante. « Nous avons pris le parti de bâtir des limites à l’espace public, de créer de nouveaux usages et de canaliser la circulation pour en inverser les priorités : les piétons d’abord, les véhicules ensuite. Le bâtiment a été conçu comme une composition monolithique tranchée par une voie qui pouvait ainsi retrouver son lit d’origine », indique Christian Patey, associé de l’agence.

De chaque côté de la route, deux volumes aux lignes archétypales forment un tout unique. Pour ce faire, les architectes ont privilégié une « matérialité brute », commune aux deux édifices, faite de béton lavé à haute pression en façade et de tuiles en terre cuite en toiture. « De par le passé, Novalaise comptait plusieurs tuileries. Il n’était que justice de couronner ces édifices contemporains avec des tuiles de terre cuite pour rappeler le lien avec les usages vernaculaires du territoire », affirme Léa Viricel, architecte de l’agence.

© Nicolas Waltefaugle

Aux yeux de pateyarchitectes, l’idéal d’intégration réside dans le respect et la révélation de la mémoire du lieu. « Il avait même été envisagé, un temps, de réutiliser les tuiles issues de la déconstruction du bâtiment situé en lieu et place du nouvel ensemble. Les Novalaisans ont, par ailleurs, tous, quelques vieilles tuiles qui traînent au fond de leurs jardins. Nous désirions que chacun puisse apporter sa tuile à l’édifice, pour compléter la toiture de la halle communale. Mais la voie du « faire avec ce qui est » n’a pas pu aboutir pour des questions économiques et techniques », indique-t-elle.

La raison l’emportant, pateyarchitectes a opté pour une tuile plate à petit moule dont la forme typique et reconnaissable produit un motif en écaille. Les tuiles forment, les unes associées aux autres, un toit original. Plus avant, elles protègent un complexe isolant.

Ainsi, la tuile fait l’identité de ce projet, qui réveille le souvenir d’un passé productif et qui répare, en outre, les espaces publics de ce village de l’Avant-Pays Savoyard.

Une réalisation exemplaire, forte et radicale, véritable signature architecturale où la tuile tisse une relation de proximité, tout en accompagnant la singularité de la proposition.

 

Texte : Jean-Philippe Hugron
Visuel : © Nicolas Waltefaugle

— Retrouvez l’intégralité du dossier dans le numéro spécial Terre d’architecture, Architecture et Terre Cuite, Grand Prix la Tuile Terre Cuite, Architendance 2022.