Une piscine, à Reims ; une patinoire, à Meudon ; une gare, à Montpellier ; un pont sur le Danube, à Linz. Mais encore : le campus Agro Paris-Saclay ; une école de design, à Nantes ; une passerelle, à Bath ; une autre sur le plateau de Kirchberg, au Luxembourg… Le nombre des projets, des lieux, des paysages, des types d’ouvrages : la production de Marc Mimram Architecture et Ingénierie se déploie en embrassant les situations les plus diverses.  Et si chaque projet est unique, l’agence transmet de l’un à l’autre une expérience, une culture, un acquis d’autant plus fécond que leurs sources et leurs occasions sont de toutes natures.

La ville généreuse

Notre travail se trouve à la croisée de préoccupations que l’on voudrait séparer voire opposer. L’architecture se construit, s’habite. L’infrastructure forme un lieu autant qu’un lien. La ville se partage. Si le projet traduit un programme fonctionnel, il ne peut se satisfaire d’être la transcription spatiale d’un organigramme de commodités. Le récit qui le porte doit offrir davantage.
La ville ne peut être la juxtaposition de projets autocentrés, elle doit offrir à tous un espace partagé, public, commun aux acteurs de la cité. Ainsi, nous proposons d’élargir le regard sur le projet à toutes les échelles, du bâtiment à la ville, du logement à l’infrastructure, de l’espace du travail à l’horizon du paysage.
Pour ce faire, nous interrogeons les pratiques à travers les mises en oeuvre construites.
L’architecture, sa construction, sa matérialisation ne sont pas indépendantes des modes d’habiter.
Nous voulons que le projet architectural dépasse le cadre de son programme pour autoriser un dialogue avec son voisinage et plus largement qu’il autorise des pratiques plurielles au-delà de son rôle initial.
Un bâtiment, un ouvrage d’art, une infrastructure doit toujours se dépasser pour offrir davantage, une ouverture sur l’espace public, une invite à être parcouru, traversé. Une invite au dialogue, au partage.
La sous-face d’un ouvrage d’art peut devenir un toit, une rambla couverte, une protection.
La structure habitée par des pratiques urbaines toujours renouvelées. Le vide qui la signifie peut être parcouru et former le filtre de parcours multiples. Comme le harpage en pierre des bâtiments qui prévoyait le lien avec leur mitoyen à venir, il nous faut accueillir la ville qui se transforme, faire en sorte que l’architecture ne soit, ni le manifeste d’objets solitaires, ni le camouflage stylisé d’une copie historicisée.

COMPLEXE AQUALUDIQUE DE REIMS : Le nouvel équipement doit être ouvert sur la ville, tout en préservant l’intimité des sports nautiques. Nous souhaitons donner une lecture généreuse de l’ensemble sportif, ouvert, visible, accueillant, depuis le boulevard Joffre et en articulation avec le parvis du futur Palais des Congrès.

Nouveaux usages

L’architecture est un art de la transformation du monde. À ce titre notre responsabilité en matière environnementale est majeure. L’empreinte carbone de nos projets est considérable et chaque décision constructive emporte un processus radical d’extraction, de transformation, de production, de mutation matérielle et sociale.
Cette responsabilité nous engage, elle implique une attention renouvelée non seulement sur les manières de construire mais également sur le devenir des bâtiments, sur leurs temporalités, sur leurs fonctionnalités en interrogeant la programmation présente et potentiellement en devenir. Pour ce faire, il s’agit de reconnaître les moyens d’une plus grande mixité d’usage mais également d’une plus grande transformabilité des espaces construits.
Les projets que nous développons réinterrogent cette capacité d’être transformables grâce notamment à la place de la structure dans le projet. Il ne s’agit pas de figer les bâtiments dans une configuration unique mais à contrario d’user de toutes les capacités qu’offrent les structures construites pour ouvrir le champ des possibles, pour ne pas figer la programmation, l’occupation et laisser ouvertes les capacités de réappropriation des espaces bâtis.
Les structures des bâtiments de logements ont été jusque très récemment, extrêmement consommatrices de matière notamment avec les systèmes de planchers et voiles en béton armé, mais elles ont figé les modes d’habiter autant que les destinations des locaux. Il nous faut aujourd’hui non seulement permettre, mais favoriser une réappropriation et une transformation des logements au long de la vie des occupants.
La structure construite doit pouvoir accompagner ces mutations potentielles.
C’est pourquoi nous avons privilégié les structures linéaires et ponctuelles, les structures d’accueil qui offrent un ordre gravitaire principal qui peut être complété par des structures secondaires totalement industrialisées et modifiables. Ce dispositif permet également d’adapter l’usage des matériaux à leurs caractéristiques : le béton pour la pérennité, le bois pour l’adaptabilité grâce au « balloon frame » ou aux composants ne nécessitant plus d’encapsulage coupe-feu.
C’est la destination des locaux qui est rendue ainsi possible, les bureaux en logements, les lieux de production en coworking. Par cette attitude libérée sur la structure, nous avons pu expérimenter une ouverture de l’espace tertiaire vers plus de domesticité.

COMPLEXE MULTISPORT DE MEUDON : Le projet pour l’équipement multisports de Meudon Pointe de Trivaux s’inscrit dans le développement d’un nouveau quartier sur l’emprise de terrains et d’équipements sportifs vieillissants. Ici, la ville souhaitait créer un nouveau quartier tout en maintenant une partie des équipements sportifs.

La fabrique

L’architecture est une pensée construite.
Dissocier le projet de sa fabrique suppose une vision de l’architecture éthérée, coupée du réel, dissociant la pensée du faire, la raison du monde. L’architecture ne peut être entrevue comme une succession d’étapes disjointes qui situerait le projet dans un cadre intellectuel fondé sur la discipline théorisée auquel serait joint à posteriori une action constructive, une mise en oeuvre de la pensée, réalisée par des entreprises de construction.
Nous pensons à contrario, que construire permet de penser le projet, que la matérialité donne sens au projet
et ne peut être distinguée de la phase projectuelle.
Le projet architectural ne peut s’abstraire du chantier.
Et ce, pour au moins deux raisons :
− Le projet construit est la mémoire révélée du travail
nécessaire à son édification ;
− Le projet développe une expérience matérielle qui, bien que souvent expérimentale, n’en reste pas moins reproductible et inspirante.
Nous avons toujours considéré l’hypothèse constructive comme une condition initiale du projet. Elle peut être liée à la mise en oeuvre exceptionnelle d’une pièce particulière : Pour le prolongement de la ligne 11 du métro, nous avons renoué avec la tradition historique de pièces moulées de grandes dimensions, mais en usant de modélisations mathématiques nouvelles. Les poteaux supports de 7.50 m de hauteur et de 12 tonnes pièce, trouvent un élancement exceptionnel et une mise en oeuvre unique qui qualifie l’ouvrage et le transforme en un espace public majeur.
Elle peut être liée à l’usage innovant et expérimental d’un matériau : Pour la gare de Montpellier, le Béton de Fibres Ultra Performant BFUP, permet de réaliser une structure extrêmement élégie (5 cm d’épaisseur pour 18 mètres de portée) de voiles minces plissés, étanches, autoportants et préfabriqués, façonnant une couverture d’ombres et de lumières.

NARBONNE ARENA : L’Arena de Narbonne, d’une capacité de 5 000 places est la première pièce d’un chapelet d’équipements publics marquant l’entrée Est de la ville. Le bâtiment s’affiche comme le signal de l’entrée de ville, se projette sur l’espace public qu’il surplombe.
L’attention portée à la géométrie et la facture de la grande coque en aluminium qualifie le parvis et l’entrée de ville. La surface complexe est discrétisée en modules pliés plans, agencés avec précision en fonction de familles de tailles et des inclinaisons des modules.

(…)

Texte :
Photos : Erieta Attali

— Retrouvez l’intégralité du Hors Série sur Marc Mimram Architecture et Ingénierie en libriaires spécialisées et au sein du daté numéro 115 daté juillet – aout 2022 pour les abonnés