Par amour de l’art, du design et de la mode, l’Américain Britt Moran, graphiste originaire de Caroline du Nord, et l’Italien Emiliano Salci, fabricant de meubles né en Toscane, fondent Dimorestudio en 2003, au sein même de leur appartement, situé au cœur du design milanais 11 via Solferino, et ce, après avoir exploré, éprouvé, avec raffinement, le thème du design intérieur sous toutes ses facettes, à titre privé. Dimore vient de l’italien « dimora », « maison » ou « résidence » en français, telle l’intimité à l’épreuve du savoir-vivre.

Aujourd’hui, fort de 42 collaborateurs, Dimorestudio œuvre autant en architecture d’intérieur, qu’en Art, en design de mobilier, de luminaire et de textile. Sa réputation mondiale l’emmène aux quatre coins du monde réaliser ses projets d’hôtels, de résidences ou de boutiques. Pour exemples, le Palazzo Privé de Fendi à Rome, Ceresio 7 à Milan, Casa Habita à Guadalajara au Mexique, en plus de collaborations avec Dior et Lanvin ainsi que de nombreuses résidences privées européennes de premier plan. Face à ces réalisations prestigieuses, l’esprit de Maison n’est en rien oublié. Les fondateurs s’impliquent dans chaque projet et lorsque l’on évoque l’équipe, on la qualifie de ruche !

La structure agit comme un système proliférant : l’appartement originel du deuxième étage du palazzo milanais du XIXe siècle est devenu, en 2014, Dimoregallery où tous les trimestres la scénographie change, offrant, au fil des six pièces, un parcours initiatique à travers le design « maison » ou chinés et/ou historiques. Les pièces de design sont protégées par le label Dimoremilano depuis 2019 (faisant suite à Progetto Non Finito depuis 2003) : collections de meubles, de tissus, d’aménagements. Ancrées dans la prestigieuse réputation mondiale du design milanais, et s’appuyant sur un réseau des meilleurs artisans et fabricants traditionnels d’Italie, ces pièces sont un clin d’œil à la culture artisanale du pays, mais tirées vers le haut de manière audacieuse avec, paradoxalement, fidélité au style et à l’identité originels. Bientôt, un nouveau siège va ouvrir avec une nouvelle galerie, un bar, une programmation de nombreux évènements. La galerie via Solferino gardera son statut de showroom aux scénographies inlassablement renouvelées.

Langosteria Cucina, Milan, Italie. Dimorestudio © Paola Pansini

CRÉATIONS

Les créations de Dimorestudio sont audacieuses, inattendues, saturées de couleurs et remplies d’atmosphères et d’espaces combinés. L’esthétique est résolument sophistiquée. Chaque projet repose sur l’art de la confrontation : entre le clair et l’obscur, la maîtrise et le drame, l’opulence mais le contrôle, sans peur et enracinée dans le classicisme froid des antiquités du XXe siècle, ainsi que dans l’architecture rationaliste, radicale, milanaise, et dans la tradition du design du milieu du siècle ; sous-jacents : la rigueur anglo-saxonne et la fantaisie latine, à l’image d’une vague de plaisir qui se retient, jusqu’à la dernière limite, d’envahir le champ de l’austérité. Des projets, donc, tout en matières nobles et confortables infiltrées par le disruptif ; toujours beaucoup de goût, dirait-on communément.

Pour exemple, l’approche contemporaine et sophistiquée se reflète dans chaque recoin d’un appartement privé, livré en 2017, et situé dans le cœur de Berlin. Les couleurs affluent dès le premier regard : rose pâle et bleu poudré. Des panneaux sont faits de bois de noyer ondulé et d’éléments en marbre, élégants et nostalgiques. Un imaginaire pétri d’histoire(s) qui est visible et perceptible dans toute la salle à manger, de la table en marbre d’Angelo Mangiarotti à l’ensemble de cinq chaises « Rising Sun » de Gabriella Crespi.

The Arts Club Dubaï, Émirats arabes unis. Dimorestudio © Ingrid Rasmussen

FOCALE

La mythique Maison française Lanvin ouvre, fin 2019, son nouveau concept store à Shanghai dans le Bund Finance Center (BFC), un HOPSCA expérientiel situé dans le cœur des affaires de la ville, et conçu par Dimorestudio. L’espace de 280 m² exprime une fusion naturelle, réalisée au cordeau, entre la mode et l’art, en accord avec la vision créative du directeur artistique de la Maison Lanvin, Bruno Sialelli. Ce concept de magasin exclusif sera progressivement déployé dans d’autres espaces de vente Lanvin dans le monde, reflétant la nouvelle direction créative de la marque.

Des clins d’œil au travail de Donald Judd sont présents dans les volumes, tandis que des panneaux ondulés placés dans tout le magasin peuvent être considérés comme une réinterprétation des sculptures métalliques abstraites à grande échelle de Richard Serra. Tapissées de tissu, ces structures créent un parcours pour les visiteurs et sont également utilisées comme présentoirs de produits. Les surfaces solides sont perçues comme des rideaux lisses, créant un effet d’illusion.

L’idée de légèreté et de fluidité s’oppose élégamment à la rigidité de la coque architecturale qui dessine les contours de la boutique. Sa silhouette cubique dialogue avec les cloisons ondulées, qui finissent par délimiter des micro-espaces à l’intérieur de la surface de vente. Les espaces VIP comportent des meubles historiques tels qu’un canapé en soie violette des années 1960, un ensemble de quatre plafonniers de Franca Petroli, des écrans géométriques dorés et argentés en laiton et chrome de Paul Evans, une paire de poufs conçus sur mesure par Dimorestudio.

D’un plafond peint en noir, tombent de véritables rideaux drapés. Des barres transversales suspendues mettant en valeur les derniers articles de prêt-à-porter conçus par Bruno Sialelli, un éclairage homogène assuré par des spots rectangulaires fixés au plafond par de fins bras métalliques, de l’acier poli et de l’acier brossé : c’est l’harmonie dans la disparité qui régit le projet !

Le mobilier décoratif comprend la table basse Tavolo Basso Piper et le fauteuil Poltrona Patty de Dimoremilano, tous deux en tissu Alcantara aux couleurs pastel, des canapés et des fauteuils blancs de la série Mantilla de Paradisoterrestre et les emblématiques tables d’appoint T1 de Tecno. Les bancs fabriqués sur commande attirent l’attention par leur base sculpturale en ciment. Des tapis sur mesure mêlant lignes et formes circulaires complètent l’équation.

Enfin, le thème de la linéarité est maintenu en façade. Le nom LANVIN, écrit en lettres de laiton, se détache dans le coin supérieur droit d’un cadre géométrique dans différentes nuances de bleu pétrole.

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Texte : Anne-Charlotte Depondt
Visuel à la une : Appartement à Berlin, Allemagne, Dimorestudio © Beppe Brancato

— retrouvez l’intégralité de l’article de la rubrique Architecture d’intérieur, Par amour, Dimorestudio dans Archistorm 114 daté mai – juin 2022