PATRIMOINE

RÉFLEXIONS SUR L’ARCHITECTURE MODERNE

La multiplication des événements, tel le colloque tenu près de Nancy début octobre (« Le devenir des églises. Les collectivités face aux défis de mutation du patrimoine religieux ») ou, prochainement, les Cours publics de la Cité de l’architecture et du patrimoine à Paris (« Construire pour le culte. Projets artistiques et techniques au XXe siècle »), expriment une même préoccupation : il y a urgence à penser le devenir du patrimoine religieux contemporain. Pour de multiples raisons (sociétales, économiques, géographiques), ce corpus est d’une grande fragilité. Mais la désertion de nombreux lieux de culte doit-elle fatalement s’accompagner d’une disparition des œuvres parmi les plus remarquables de la culture ?

En 2014, la démolition de l’église Sainte-Bernadette au Grand-Quevilly, construite en 1962 sur les plans d’Henri Caron, avait révélé la difficulté de conserver des œuvres remarquables, dès lors notamment que leur architecte ne jouissait pas d’une renommée importante. Sa voûte de béton armé recouverte de fusées céramiques, pas plus que les décors de l’artiste Pierre Székely et les vitraux d’Odette Ducarre et Véra Székely, n’ont donc suffi à éviter une décision radicale. Car ce sont bien, en effet, des œuvres d’art et d’architecture, mais encore des éléments structurants du territoire qui disparaissent, pas seulement des lieux de culte. Faudra-t-il alors mettre en évidence la dimension sociale et urbaine de ces lieux édifices pour les sauver ? Le chemin est long, en tout cas, pour qu’advienne une reconnaissance globale de l’architecture religieuse contemporaine.

Église Sainre-Thérèse-de-l’enfant-Jésus à Metz, 1954, Roger-Henri Expert, classée MH en 1998 © Simon Texier

L’histoire de cette production est en effet révélatrice du regard moderniste qui a longtemps prévalu pour évaluer l’architecture du XXe siècle. Et cette discrimination s’est opérée à double titre : parce que, d’une part, l’architecture moderne n’aurait pas été concernée par le programme religieux ; parce que, d’autre part, l’essentiel de la création en la matière serait marquée, jusqu’aux années 1950, du sceau du passéisme. La réalité est évidemment plus complexe et surtout plus riche ; aussi la réévaluation du contemporain implique-t-elle un intérêt croissant pour l’édifice religieux, toutes confessions confondues. Le corpus est immense et les lieux de culte moins centraux qu’auparavant : leur place a évolué, tout comme celle, particulièrement en Europe, du fait religieux dans la société. Tout au long du XXe siècle, la revue L’Architecture d’aujourd’hui s’est fait l’écho de cette question, ses rédacteurs exprimant parfois leurs doutes quant à l’utilité de nouveaux lieux de culte : en 1934 Pierre Vago regrettait le matérialisme de ses contemporains, tandis qu’en 1957 Rémi Le Caisne jugeait l’architecture religieuse incapable d’exprimer les drames de son temps. (…)

Texte : Simon Texier
Visuel à la une : Église Notre-Dame-de-la-Pais à Suresnes, 1932-1934, Dom Paul Bellot © Simon Texier

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