À la suite de ses études en design, et de dix ans de pratique en design mobilier en particulier au sein d’une agence d’architecture d’intérieur parisienne, au service de clients prestigieux, de lieux immersifs et contemporains, Jean Baptiste Auvray a décidé de monter sa propre structure en 2010. L’agence Faire a pour but de mettre en avant une méthodologie de projet spécifique, héritée de son parcours, de son analyse de la pratique des métiers du design et de l’architecture d’intérieur. Et de son enfance passée en grande partie dans l’atelier de son père, artisan tapissier décorateur.

Rapidement, l’agence Faire rencontre l’univers de l’événementiel, de la scénographie, ainsi que celui du luxe au service de Maisons de joaillerie ou d’horlogerie. Cela a permis à Jean Baptiste Auvray d’aborder la pratique de l’événementiel avec le sens du détail et de la qualité de l’architecture d’intérieur pérenne. (en photo, exemple du vitrail dans une boutique)

Jean Baptiste Auvray a toujours pensé que la matérialité qui compose un lieu était le principal vecteur de l’émotion ressentie lorsque l’on y pénètre. Que le dessin venait en complémentarité, au service des matériaux. Et que son rôle consistait autant que possible à souligner ce qui est manuel, la trace laissée par l’artisan dans la matière. Cette vision lui a permis de définir la méthodologie propre à l’agence Faire, reposant d’abord sur le choix de la juste matière, le savoir-faire adéquat, l’expression de la main, au service du dessin de l’espace.

Cette méthodologie nécessite un échange régulier avec les artisans, afin de comprendre leur mode opératoire, et d’être capable de dessiner au mieux en fonction des possibilités, contraintes, opportunités qu’offre leur travail. Elle nécessite d’entretenir et d’enrichir en permanence un réseau d’artisans composant l’écosystème de l’agence. C’est une partie passionnante de la pratique du métier par Faire qui implique d’être sans cesse en train d’apprendre de nouvelles techniques de fabrication aux côtés de ceux qui maîtrisent la matière.

En outre, grâce à ce travail de co-conception avec certains artisans, les designers de l’agence apprennent à dessiner en connaissant les possibilités, les contraintes de la matière. Chaque artisanat se dessine spécifiquement. Une pièce en verre se dessine différemment d’une pièce en céramique. Une structure en bois autrement qu’une structure en métal. Un dessin interprété par de la tapisserie différemment d’une interprétation par le vitrail. Le respect des contraintes imposées par la matière permet de créer de nouveaux codes esthétiques, graphiques, spécifiques pour chaque maison, chaque exposition, qui enrichissent les codes graphiques que Faire crée pour ses clients. Enfin, interroger l’artisanat, c’est aussi, selon Jean Baptiste Auvray, un puissant bras de levier créatif. Le designer apporte son recul et son analyse culturelle sur le travail de l’artisan basé sur son apprentissage et son expérience. Cette complémentarité est régulièrement facteur d’innovation.

Conception des feuilles en verre à l’atelier de Mattéo Gonnet, 2022 © Loïc Salfati

Cette méthodologie venant de l’artisanat permet à l’agence Faire de maîtriser à qui les clients confient la production des projets. Eux-mêmes y trouvent leur compte en termes de RSE. Le volet social est identifiable et valorisable, local par rapport aux projets. Le volet environnemental se voit amélioré par les choix des matériaux. Impliquer l’artisanat permet de travailler avec des matériaux moins transformés. Par exemple, pour le verre, Faire fait produire à Bâle, en Suisse, ou à Murano, en Italie. L’agence sait quel type d’énergie est utilisé pour la production, et que le recyclage des éléments de décor s’effectuera par les mêmes artisans qui réutiliseront cette matière.

L’agence Faire travaille également sur la possibilité de réutilisation des décors, offrant aux Maisons une conception des décors des expositions pouvant être recyclés dans d’autres expositions, boutiques ou pop-ups. Cela nécessite une bonne connaissance des habitudes de communications événementielles des clients. Cette démarche a permis d’aménager des boutiques, de créer des expositions avec des décors existants, en ne refabriquant quasiment rien.

Finalement, un concept d’exposition peut aller très loin dans l’immersion, la narration de l’univers des marques, sans jamais donner le sentiment d’esthétique gratuite. En choisissant les justes matériaux et en restant dans une matérialité architecturale. Faire a créé une forêt de 350 m² pour l’exposition d’une Maison joaillère. Les arbres de cette forêt sont recouverts de marqueterie, comme les boiseries d’un appartement ancien. Les panneaux décoratifs dessinant la forêt sont laqués et tracés à la feuille d’or. Le plafond est en éléments de verre représentant les feuilles, comme les pampilles d’un immense lustre. Uniquement des matières que l’œil est habitué à voir dans l’architecture. La narration devient forte. Pourtant, l’œil ne lit que qualité et justesse de réalisation. L’espace fait sens.

Texte : Jean Baptiste Auvray, fondateur et directeur de création, Agence Faire
Visuel à la une : Scénographie pour une maison de haute joaillerie. 12 000 éléments réalisés en verre coulé artisanalement composent le feuillage d’une forêt, 2023. © Loïc Salfati

— Retrouvez l’article dans Archistorm 125 daté mars – avril 2024