Agréée comme structure de recherche indépendante par le Ministère de l’enseignement supérieur et de la recherche depuis le début de l’année 2024, l’agence Philippe Rizzotti Architecte poursuit, à travers l’élaboration d’un Atlas numérique d’architecture post-carbone, les travaux qu’elle avait engagés pour l’exposition « L’empreinte d’un habitat – Construire léger et décarboné », présentée en 2021 au Pavillon de l’Arsenal à Paris.

Aperçu du futur site internet en cours de développement de l’Atlas Numérique d’Architecture Post-Carbone – Comparaison du Tétrodon et de l’Hexacube – © PRA

Comment êtes-vous passés d’une exposition sur l’habitat léger décarboné à la création d’un atlas numérique ?

Dans le cadre du projet de recherche présenté au Pavillon de l’Arsenal en 2021, nous avons élaboré avec la Chaire de Construction durable de l’ETH de Zürich un protocole d’analyse permettant, à travers la création de maquettes numériques, d’évaluer la quantité de l’ensemble des matériaux mis en œuvre dans la construction d’un bâtiment pour estimer l’empreinte carbone de différentes solutions constructives et pouvoir les comparer. Après l’exposition parisienne de notre première collection de modèles numériques, nous avons souhaité constituer un atlas numérique avec pour ambition de rendre accessible l’intégralité de notre base de données à la communauté enseignante et aux étudiants en école d’architecture à travers la création d’un outil en open data. L’idée pour nous est de démocratiser les connaissances – non seulement sur le bas carbone mais aussi et surtout sur la diversité des solutions constructives existantes – accumulées au cours des milliers d’heure de recherche réalisées depuis le début du projet en 2018. Forts de cette expérience, nous avons sollicité le soutien du PIA (Plan d’Investissement d’Avenir) dans le cadre du programme France 2030 et avons réuni un panel de partenaires. Nous avons bien sûr poursuivi notre partenariat avec l’ETH de Zürich, mais nous nous sommes également associés au bureau d’études Arcora spécialisé dans les outils numériques qui développe la solution Ecale dans le cadre de son incubateur. Nous avons aussi pu compter sur le soutien de l’entreprise Holcim qui avait déjà soutenu nos travaux grâce à la Fondation Holcim pour la Contruction durable. Accompagnés par cette équipe, nous avons été désignés lauréats du programme Numérisation de l’architecture et du patrimoine en juin 2023. Cela nous a donné un nouvel élan pour continuer à étoffer la collection de maquettes numériques !

Comment sélectionnez-vous les bâtiments de l’Atlas ?

La collection s’étend pour l’instant de 1730 à nos jours à l’échelle nationale. Nous aimerions à terme pouvoir créer des collections thématiques et les développer par pays. Si nous nous intéressons davantage au système constructif qu’à l’esthétique des bâtiments, le comité scientifique qui les sélectionne fait preuve d’une réelle exigence vis-à-vis de la qualité architecturale et d’usage des projets choisis. La précision des données auxquelles nous avons accès est également un critère de choix.

L’Atlas est-il déjà accessible ?

Démocratiser l’accès à la construction est l’un des principaux enjeux de l’Atlas. Au sein de l’École d’architecture et paysage de Lille où j’enseigne, certains étudiants ont déjà accès au protocole. Pour l’instant nous nous contentons de le tester avec eux pour voir combien de temps leur prend la création de la maquette numérique d’un bâtiment. Il nous faut aujourd’hui entre 150 et 600 heures pour réaliser une modélisation et une analyse exhaustive d’un édifice. À terme, notre étude doit aussi permettre aux ingénieurs et aux industriels d’avoir une vision plus large des solutions constructives proposées ou à proposer justement. À travers ces analyses nous avons en effet compris que les meilleures solutions constructives sont souvent hybrides et que les bâtiments construits avec le moins de matière possible ont de fortes chances d’être moins carbonés que les autres ! L’ambition de ce projet de recherche c’est finalement d’aller au-delà de la question du bas-carbone et de travailler sur une compilation d’informations qui nous permette d’aller vers des architectures qui survivront aux énergies fossiles.

Interview : Coline Jacquet
Visuel à la une : Axonométrie de la Maison Locative 1730, d’après le Type II élaboré par Jacques Fredet, Types courants de l’architecture mineure parisienne de la fin de l’époque médiévale à nos jours avec l’anatomie de leur construction, éditions La Villette, 824 p.,2020

— retrouvez l’article dans Archistorm 126 daté mai – juin 2024