TRIBUNE LIBRE

LE TRAVAIL DE DEMAIN SERA ÉLASTIQUE !
ALEXANDRA VILLEGAS, KRISTIN GRATACAP, HIDEKAZU MORITANI,
ABIGAIL TUTTLE, ARCHITECTES CHEZ STUDIOS ARCHITECTURE

Depuis le confinement, chacun de nous a fait l’expérience de bouleversements majeurs dans sa pratique du travail. La généralisation des visioconférences et des réseaux sociaux d’entreprise, comme le plébiscite du vélo pour se rendre au bureau, sont autant de tendances de fond qui préexistaient à la crise de la Covid-19, que celle-ci a nettement accentuées.

Face à ces signes annonciateurs d’un « changement d’ère », les interrogations sont : Où travaillerai-je demain ? Avec qui ? Et grâce à quels outils ? Pour les employeurs, c’est une formidable chance de renforcer la cohésion au sein de l’entreprise… à condition d’apporter les bonnes réponses !

Chez STUDIOS, près de 30 années d’expérience au service de Google et d’Airbnb, mais aussi d’EDF et de Safran, nous ont permis de nous forger une conviction essentielle : l’espace de travail de demain sera… élastique ! Élastique, il devra être suffisamment souple pour se déployer de toutes ses forces vers une attente ou un usage spécifique, puis vers un autre qui semblera radicalement opposé. Élastique, il sera un élément malléable que chaque employeur et collaborateur modèlera tous les jours, en fonction de ses besoins.

La clé pour relever ce défi sera de passer d’une logique de lieux contraints à une logique d’usage individuel : chaque matin, nous ne devrons plus seulement nous demander Où ai-je rendez-vous aujourd’hui ? mais aussi Où serai-je le mieux pour réaliser mes tâches du jour ?

Metropolitan © Sébastien Siraudeau

Plus économe de notre temps et de notre énergie, le télétravail semble bien sûr promis à un avenir radieux. Mais dans cette nouvelle ère où chacun de nous réinvente sa propre pratique du travail, le domicile ne sera que l’un des multiples lieux possibles pour le travail à distance. Les tâches individuelles et linéaires, qui requièrent de la concentration, se prêtent idéalement au travail chez soi, tandis que les tiers-lieux (espaces de coworking, cafés proposant de nouveaux services, etc.) apportent un cadre stimulant à ceux qui ont besoin de mettre leurs idées à l’épreuve, et de puiser leur inspiration dans de nouvelles rencontres ou expériences.

Au sein de ce nouvel équilibre à construire, le bureau n’est pas mort, bien au contraire ! Nous y viendrons moins souvent, et moins nombreux, mais il sera encore plus utile à la première ressource de l’entreprise : son capital humain. La présence au bureau nourrit un lien social irremplaçable, car spontané. L’innovation naît de microéchanges, d’extrapolations et d’heureux hasards que ne permettent pas les échanges « programmés » en visioconférence et consacrés avant tout à la productivité immédiate. La culture d’entreprise, elle aussi, se transmet par des comportements non verbaux, des habitudes et des règles tacites qui se vivent plus quand nous sommes réunis dans une même pièce que par écran interposé.

Néanmoins, le bureau doit lui aussi faire sa révolution, et répondre aux nouvelles attentes.

À l’image du travail réalisé par STUDIOS pour BearingPoint, le bureau élastique accueillera des flux très variables — 120 personnes un jour, 220 le lendemain —, proposera des parcours adaptés à chaque type de visiteurs — collaborateurs, clients, candidats —, et il répondra à la variété des usages par une variété d’espaces : des espaces de vie en commun, de collaboration informelle, de concentration, ou encore des espaces de réunion modulables en fonction des besoins. De ce point de vue, notre recommandation pour BearingPoint consacrait une véritable révolution : alors que la tendance des dernières années était de privilégier les zones de  pause café au détriment du plateau de bureaux, nous avons choisi de réconcilier ces deux éléments essentiels… en faisant du plateau de bureaux l’espace café, qui devient ainsi l’espace le plus attirant !

Microsoft © Sébastien Siraudeau

Le bureau élastique pourra prendre de nombreuses formes, mais une chose est sûre : l’employeur ne pourra décider seul de la manière dont ses collaborateurs travaillent ! Il lui faudra au contraire bien identifier leurs besoins, parce que le bureau est la « maison commune » de l’entreprise, et un levier essentiel pour l’attractivité de sa marque. Génération X ou millennial, créatif ou analytique, chaque profil cognitif et sociologique influe sur notre comportement et notre fonctionnement individuel, nous montrent chaque jour les neurosciences. C’est pourquoi la coconstruction des espaces sera déterminante, en associant les collaborateurs aux décisions très tôt… et sur la durée ! Leurs usages de demain n’étant pas forcément ceux d’aujourd’hui, les bureaux ont vocation à évoluer de mois en mois, d’année en année. Cette exigence d’adaptation suppose, en particulier, de renforcer la « réversibilité » de nos bâtiments de bureaux. Quand STUDIOS a imaginé le campus de Silicon Graphics, une start-up prometteuse de la Silicon Valley, en 1997, nous ne pouvions pas deviner que, 20 ans plus tard, ce serait le siège du géant de la tech’ Google. Nous y avions développé les fondamentaux d’un campus réussi autour des dimensions « Live, eat, work, play and learn », qui restent d’actualité aujourd’hui et ont permis la pérennité de notre travail.

Partagé entre le domicile, le bureau et les tiers-lieux, le travail élastique sera ce que nous en ferons, ensemble. Plutôt que d’inventer un impossible (et dangereux) « travail de demain » uniforme, qui s’appliquerait de la même manière partout et pour tous, l’enjeu est de réinventer tous les jours notre manière de travailler. Chez STUDIOS, nous explorons les usages de demain, et les nouvelles solutions pour y répondre, à travers nos ateliers internes de prospective, baptisés Futur Thinking, portant par exemple sur la regénération de la ville ou l’impact de la technologie. Nous sommes convaincus que ce type d’initiatives a vocation à se développer dans les entreprises, et peut contribuer à nourrir une démarche partagée d’écoute, d’empathie et de dialogue, qui rassemble en interne. Car demain encore plus qu’aujourd’hui l’entreprise ne sera pas seulement une communauté d’intérêts économiques, mais avant tout une communauté et une aventure humaines.

Visuel à la une Nike NYC Headquarters© Garrett Rowland

Retrouvez la tribune libre de l’agence Studios Architecture dans le daté Septembre-Octobre d’Archistorm