Une couronne dorée au cœur d’un parc. Le nouveau stade d’Oran, à l’aube d’accueillir les Jeux Méditerranéens 2022, s’inscrit dans un complexe sportif imaginé par l’agence Origin (anciennement ATSP). Ce projet, aux yeux de ses concepteurs, est « la photographie d’un pays qui s’ouvre au monde ».

De l’autre côté de la Méditerranée

Fort de ses références, notamment d’avoir été plusieurs années chef de projet au côté d’Aymeric Zublena et de Michel Macary au moment de la construction du Stade de France dont ils sont les auteurs à la fin des années 1990, Tom Sheehan développe sa propre activité en parallèle de quelques amitiés professionnelles. Parmi elles, Salah-Eddine Saïdoune qui avait, quant à lui, profité de plusieurs années chez Olivier-Clément Cacoub, notamment d’une expérience outremer et internationale, pour asseoir son autorité. Ensemble, ils font, en 2005, agence commune. En mire de cette association : un concours d’architecture. L’appel d’offres porte alors sur la réalisation de plusieurs équipements sportifs au sein d’un complexe olympique, à Oran.

L’Algérie sort à peine de la guerre civile (1991-2002) et les agences qui, dans le monde, s’évertuent à bâtir les plus grandes arènes, se révèlent des plus frileuses ; beaucoup jugent la situation du pays encore instable. Salah-Eddine Saïdoune, enfant d’Alger, ne s’inquiète pas outre mesure et s’engage dans une association, baptisée ATSP, dans ce concours. « L’État avait imaginé réaliser sur plusieurs années d’importants investissements en matière d’infrastructures et d’équipements publics. Quatre grands ensembles sportifs devaient être réalisés comprenant chacun un stade de 40 000 à 50 000 places. Oran devait être le second d’entre eux », se souvient-il. Face à une concurrence qui manque de s’impliquer réellement, ATSP peaufine avec sérieux son dessin. Alliant au réalisme, l’esthétique, le projet est tout logiquement choisi par les autorités.

Six mois plus tard, d’autres concours sont lancés. Face aux succès remportés par l’agence française, Allemands, Britanniques et Américains se pressent enfin. ATSP, qui devient Origin, de son côté, remporte le Stade d’Alger-Est et décide, pour marquer l’occasion, d’investir en ouvrant des bureaux au cœur de la capitale algérienne – que Christian Bonnaud, associé depuis 2005, dirige – pour étendre son influence en Afrique du Nord et au Moyen-Orient.

« À Oran, l’enjeu était de cré er un ensemble sportif selon une architecture capable de symboliser une ouverture démocratique. Autrement dit, ce complexe composé d’un stade de f ootball et d’athlétisme, d’un centre nautique et d’un stade plus modeste d’athlétisme se devait d’être ouvert à tous types de publics. »
Tom Sheehan et Salah-Eddine Saïdoune, archite ctes, associés fondateurs de l’agence Origin Archite cts

Stades ultimes

Oran fait ainsi date ! Pour Origin mais aussi pour l’Algérie. Il n’y avait eu, après tout, de la part de l’État algérien, d’investissement aussi significatif dans le sport depuis plusieurs décennies. Le dernier grand projet, le stade du 5-Juillet-1962, date de l’indépendance, a été inauguré, à Alger, en 1972 par Houari Boumédiène.

Cette spectaculaire enceinte avait accueilli en 1975 les Jeux Méditerranéens ; 85 000 spectateurs avaient applaudi les athlètes venus de pays voisins. Ils ont été encore plus nombreux en 1990 : 110 000 personnes ont assisté à la finale de la Coupe d’Afrique des Nations, événement opposant l’équipe d’Algérie – finalement victorieuse, 1 à 0 – à celle du Nigeria.

La sécurité a depuis montré des failles, et les investissements consentis au mitan des années 2000 sont dès lors plus que bienvenus.

En outre, Oran souffre d’un déficit d’équipements publics. La ville connaît depuis plusieurs décennies un développement urbain sans précédent, lequel réclame de nouvelles aménités. « Nous devions imaginer ce nouveau complexe aux portes de la ville, sur une réserve foncière située le long de la route d’Arzew, municipalité portuaire située à quelque dix kilomètres, connue, entre autres, pour son important complexe pétrolier », débute Salah-Eddine Saïdoune. Quatre entités sont imaginées : un grand stade de 40 000 places, un centre omnisport dont la capacité peut varier, selon les configurations, entre 6 000 et 7 000 spectateurs, un stade d’athlétisme de 5 000 places et, enfin, un centre nautique composé de deux bassins olympiques. « Oran ressemble, dans sa géographie, à Tanger, Bejaïa, Alger… en bénéficiant d’une large baie creusée naturellement et ponctuée à ses extrémités de pointes rocheuses où les villes antiques et arabes se sont historiquement implantées et épanouies. L’urbanisation, siècle après siècle, a gagné l’est. Ce complexe sportif marque ainsi une nouvelle étape dans l’essor de la ville vers l’orient », soutient-il.

Un tremplin pour une ville démocratique

À l’heure du concours, en 2005, les terrains alentour ne sont pas encore bâtis. Ils sont aujourd’hui rattrapés par le tempo soutenu de promoteurs et d’investisseurs. « Ce quartier sera bientôt dominé par un grand campus universitaire et un centre de recherche », précise Salah-Eddine Saïdoune. En 2005, il n’y avait encore rien de ces nouvelles ambitions. Pour autant, Origin a su deviner l’avenir de ce site pour lui accorder une dimension urbaine, et la maîtrise d’ouvrage a su saisir de cette stratégie pour amputer la surface allouée de 25 hectares.

« Nous avons malgré tout imaginé articuler l’ensemble des constructions autour d’une promenade publique », expliquent Tom Sheehan et Saleh Eddine Saidoune. À terme, les architectes souhaitent que le lieu s’apparente à une véritable « rambla » piétonne parsemée de kiosques, comme à Barcelone.

« L’enjeu de ce projet était aussi de proposer une nouvelle expérience du stade. Trop nombreux sont les Algériens à ne pas venir assister à une compétition sportive de peur d’avoir à subir les conséquences d’une sécurité défaillante. Nous voulions, à travers ce projet, exprimer bien-être et confort afin que tous types de publics viennent au spectacle, notamment femmes et enfants ».

Des plans rationnels et efficaces…

Les plans de l’agence sont cependant simples et le fonctionnement de l’ensemble est résolument rationnel. Ils s’inspirent, en coupe, des solutions étudiées pour le Stade de France où une dalle aux allures de parvis encercle l’arène à mi-hauteur. L’enjeu de cette configuration est simple : faciliter l’accès aux tribunes hautes et aux tribunes basses sans jamais engorger escaliers ni vomitoires. Le dispositif est, à Oran, facilité par la déclivité d’un site, et la nouvelle enceinte sportive vient subtilement s’encastrer dans la topographie.

Cette solution permet également quelques économies importantes : moins de terrassement, moins de façade et moins de structure. La réglementation sismique réclame néanmoins la plus grande exigence quant à la stabilité de l’ensemble.

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« L’enjeu de ce projet était a ussi de proposer une nouvelle expérience du stade. Trop nombreux sont les Algériens à ne pas venir assister à une compétition sportive de peur d’avoir à subir les conséquences d’une sécurité défaillante. Nous voulions, à travers ce projet, exprimer bien-être et confort afin que tous t ypes de publics viennent a u spectacle, notamment femmes et enfants. »
Tom Sheehan et Salah-Eddine Saïdoune, archite ctes, associés fondateurs de l’agence Origin

Fiche technique 

MOA : Le ministère de l’Habitat, de l’Urbanisme et de La Ville / Wilaya d’Oran

MOA Déléguée : DEP d’Oran

Programme :
– 1re tranche livraison septembre 2021 : Grand Stade de 40 000 places couvertes avec terrain de football et pistes d’athlétisme, centre de formation des sports 4 000 m², terrain réplique, gazonnière, stade d’athlétisme 5 000 places, parking 3 000 places, parvis olympique ou Ramblas des Sports

– 2e tranche livraison mai 2022 : Centre nautique de 2 500 places, 2 bassins de 50 mètres et1 bassin de 25 mètres, aréna omnisport de 6 000 places extensible à 7 200 places, terrain omnisport annexe, esplanade haute, parking

 Surface utile : Grand stade : 47 825 m²
Stade d’athlétisme : 2 985 m²
Centre nautique : 6 230 m²
Centre omnisports : 10 365 m²

Inauguration : Juin 2022 (ouverture des jeux méditerranéens)

Texte : Jean-Philippe Hugron
Photos : Jared Chulski

— retrouvez la réalisation sur le Complexe Olympique d’Oran par Origin Architects das Archistorm 117 daté novembre – décembre 2022