En avril 2022, le musée Albert-Kahn de Boulogne-Billancourt a rouvert ses portes après six années de travaux de restauration et d’extension. Le concours lancé en 2012 par le Conseil départemental des Hauts-de-Seine avait reçu 92 propositions, parmi lesquelles le projet formulé par l’équipe de l’architecte japonais Kengo Kuma remporte à l’unanimité l’adhésion du jury. L’œuvre de l’architecte de renommée internationale allie savoir-faire et méthodes extrême-orientales et occidentales dans la recherche d’un résultat juste, oscillant entre techniques traditionnelles et contemporaines. Soucieux d’intégrer de façon harmonieuse ses constructions dans le paysage, Kengo Kuma accorde une place essentielle à l’environnement, qu’il soit urbain ou naturel.

Dans son projet pour le musée de Boulogne-Billancourt, la réinterprétation des éléments de l’architecture japonaise, omniprésents dans les jardins du site, se développe sur l’ensemble du bâtiment édifié par le choix des matériaux et de leur utilisation.

« L’identité du nouveau musée est donc plurielle : celle d’un musée d’images, tourné vers les questions de société, profondément ancré dans un lieu autour d’une promesse centrale, « partager le monde »
Nathalie Doury, Musée Départemental Albert-Kahn

D’un idéal de paix universelle à la naissance du musée

Héritage du banquier philanthrope Albert Kahn, le musée départemental éponyme conserve une collection d’autochromes et de films muets réunis au début du XXe siècle dans ce que son initiateur nomme « Les Archives de la Planète ».

Lorsqu’il acquiert son hôtel particulier en 1895, il confie l’aménagement du parc au paysagiste Eugène Deny, créant de toutes pièces un jardin dit « de scènes » où neuf scènes paysagères d’inspirations culturelles diverses se côtoient et reflètent la pensée humaniste de leur propriétaire.

Il ouvre au public en 1990. À cette occasion, des travaux de restauration sont menés. Le site de quatre hectares, ses édifices et pavillons, sont inscrits au titre des Monuments historiques en 2015.

Respect du patrimoine bâti

Le projet de réhabilitation engagé à partir de 2016 concerne l’ancien musée et les édifices du jardin, soit plusieurs bâtiments dont chacun possède son histoire et ses matériaux propres. L’objectif tenu consistait à minimiser les interventions sur ces bâtiments tout en assurant leur pérennité et leur accessibilité.

La serre, restaurée dans sa partie centrale et restructurée au niveau des ailes latérales, abrite désormais des salles d’exposition.

L’édifice de l’ancien musée conserve sa forme extérieure. Les volumes et les installations d’origine demeurent lisibles. L’intérieur est habillé de tiges de bambou de trois diamètres différents, matière transversale présente dans les pavillons historiques tout comme dans le jardin. Le rez-de-chaussée possède une salle de réunion ou de conférence. À l’étage, sous les toits, un grand auditorium est aménagé afin d’accueillir des conférences ou des projections de films sonorisés issus de la collection.

« Au Japon, l’harmonie est préférée à la monumentalité, l’architecture est pensée à l’échelle humaine et selon les dimensions des éléments qui l’entourent. »
Kengo Kuma Architecte, KKAA

Respect du site et intégration discrète

La structure en béton et la charpente métallique sont habillées de bois, de verre et d’aluminium. Conçu pour marquer une distance avec la ville, l’édifice endosse le rôle d’une muraille minérale protégeant en son enceinte les collections du musée et les jardins historiques. Des bambous plantés le long de la façade, dans le prolongement côté rue du Port, permettent d’atténuer la minéralité du bâti.

Côté jardin, la façade longitudinale de l’édifice est couverte de sudare. Cet élément architectural traditionnellement en bois dialogue ici dans un esprit contemporain avec des lames métalliques faisant écho à la façade côté rue. En débord de l’édifice, un engawa, espace traditionnel de déambulation installé autour des maisons japonaises, sert de transition entre le musée et le jardin. Ainsi, l’architecture absorbe les rayons tamisés du soleil et dialogue harmonieusement avec les jardins.

Entre l’engawa et le jardin historique, un espace de lisière a été aménagé par le paysagiste Michel Desvigne avec de la végétation et des éléments issus de l’architecture traditionnelle japonaise tels que les pas japonais.

Le bâti mêle influence japonaise et savoir-faire occidental, architecture traditionnelle et bâti contemporain, dans un dialogue entre l’esprit originel du jardin élaboré au tournant du siècle et le geste presque invisible posé par Kengo Kuma. Malgré sa hauteur de trois étages, l’édifice se fond entièrement dans la végétation.

Prenant comme point de départ l’histoire du site et la collection d’Albert Kahn, le musée est pensé comme un véritable musée-jardin de l’altérité. La multiplication des points de vue et les ouvertures amplifient la relation entre le bâtiment et les espaces végétalisés. Le parcours force l’usager à prendre en considération son environnement direct et à regarder la nature.

Fiche technique

Maîtrise d’Ouvrage : Département des Hauts-de-Seine
Mandataire : Kengo Kuma and Associates Architects
Localisation : 2 rue du Port, 92100 Boulogne-Billancourt
Programme : Musée, un bâtiment nouvelle construction, neuf bâtiments restructuration
Surface du site : 43 634 m²
Surface des bâtiments : 4 980 m²
Entreprises (liste non exhaustive) : Euro-Vert, Groupe Monti

Texte : Clea Calderoni
Photos : Julia Brechler, Michel Denancé

— retrouvez l’article Réalisation sur le musée Albert-Kahn par Kengo Kuma & Associates dans Archistorm 117 daté novembre – décembre 2022