CHRONIQUE

APRÈS LA PANDÉMIE

Avant même que ne soit définitivement passée la pandémie qui s’étend aujourd’hui sur une grande partie du monde, le bouleversement des modes de vie qu’ont engendré le confinement des populations, la peur que la maladie suscite et l’inquiétude sur l’avenir qu’elle renforce ne peuvent laisser indifférents celles et ceux qui cherchent à appréhender notre actualité et notre futur. Mais au-delà des analyses hâtives ou conjoncturelles et des injonctions du type « Plus rien ne doit être comme avant », il convient d’essayer de comprendre et de distinguer ce qui risque de changer, ce qu’on aimerait voir changer et les changements que certains rêveraient d’imposer à la faveur de la crise Covid-19 et post-Covid-19, sans parler des fantasmes qui relient cette pandémie à la dégradation de l’environnement, au réchauffement climatique, voire à un dérèglement généralisé de la planète.

Ce n’est ni la première ni la dernière crise de ce genre que l’humanité affronte et affrontera. Sans remonter aux épidémies de peste qu’ont connues l’Antiquité et le Moyen-Âge (un tiers de la population européenne a été décimée au XIVe siècle), celle de « grippe espagnole » entre 1917 et 1919, partie des États-Unis et qui s’est propagée sur le globe par suite de mouvements de troupes, a tout de même fait plusieurs dizaines de millions de victimes, dont 240 000 en France. La pandémie actuelle, qui a émergé en Chine, se caractérise par sa forte contagiosité, car transmise par voie aérienne, et sa relative virulence, dangereuse avant tout pour les personnes âgées ou vulnérables du fait de certains facteurs de comorbidité.

Une société résiliente

La résilience de notre organisation spatiale, économique et sociale s’est révélée surprenante. Électricité, énergie, eau, enlèvement des ordures ménagères, réseaux téléphoniques, Internet, presse écrite, radio et télévision, système bancaire n’ont jamais failli. Les magasins d’alimentation sont toujours restés pleins, si l’on excepte quelques pénuries ponctuelles de pâtes ou de farine générées par des réflexes irraisonnés de panique. Même les livraisons à domicile ont continué à être assurées. Et n’oublions pas, bien sûr, le dévouement sans faille des personnels soignants, justement célébrés chaque jour par des salves d’applaudissements. En revanche, certains secteurs de l’économie souffrent terriblement, entre autres celui du bâtiment du fait de l’arrêt des chantiers et du ralentissement des projets, ce qui entraînera faillites et chômage accru dans un contexte de récession économique.

Trois modalités de la vie quotidienne ont quoi qu’il en soit été fortement affectées par la pandémie, momentanément transformées : la mobilité, très réduite par les consignes de confinement sans être pour autant totalement supprimée, en tous cas limitée à un court rayon d’action autour de son domicile ; le rapport au travail (y compris celui des élèves et étudiants), avec le chômage partiel, le télétravail généralisé pour ceux dont le métier le permet, la mise à l’arrêt des lieux de production et l’annulation des événements, manifestations touristiques et culturelles ; la vie sociale, avec la fermeture des espaces propices à l’intimité sociale (cafés et restaurants, théâtres et cinémas, parcs et jardins, jusqu’aux plages), l’obligation de respect d’une « distanciation » et de « gestes barrières ».

Sur un chantier à Kuala Lumpur avec les tours Petronas (1998, architecte Cesar Pelli) en arrière-plan © Muhammad Faiz Zulkeflee

Quels enseignements tirer de cet état de fait ?

L’aspiration à la mobilité ne va certes pas disparaître, et elle est aujourd’hui mondiale. Sans doute la valorisation du local et du proche — par exemple, le renouveau du petit commerce alimentaire à domicile ou à proximité de chez soi — va-t-elle induire une réduction de nos déplacements, de même qu’une extension du domaine du télétravail. Les modes de transports vont-ils changer ? Les transports publics demeurent indispensables, à la fois dans les métropoles et à l’échelle du territoire. Mais ils posent clairement la question du risque lié au confinement collectif qu’ils impliquent. La voiture reste le moyen de transport le plus confortable, le plus direct et même le plus sûr dans un contexte de pandémie. Mais la circulation automobile consomme de l’espace et de l’énergie, génère de la pollution, favorise l’étalement urbain. Le vélo, réservé à ceux qui ont le privilège de l’âge et des villes plates, comme aux Pays-Bas ou au Danemark, n’offre une solution qu’à des trajets courts et reste dangereux. La marche a regagné des partisans, mais son rayon d’action est également limité. Sans doute faut-il plutôt agir sur les motivations de la mobilité puisqu’on sait aujourd’hui qu’un tiers seulement des déplacements sont liés au travail. (…)

Texte : Bertrand Lemoine
Visuel à la une : Chaque secteur professionnel doit réinventer sa pratique en intégrant les gestes-barrières © Luke Jones

Retrouvez l’intégralité de la chronique dans le daté Juillet Aout d’Archistorm