PATRIMOINE

REFLEXIONS SUR L’ARCHITECTURE MODERNE

 

Avec la livraison en 2016 de la Fondation Stavros Niarchos, conçue dix ans plus tôt par Renzo Piano Building Workshop, Athènes et la Grèce voient deux institutions de taille (l’Opéra national grec et la Bibliothèque nationale) s’éloigner du centre historique pour caresser les rives de la mer Egée. Il y a près de deux siècles, la géographie des grands équipements de cette ville neuve avait donné lieu à une épique lutte d’influence entre les plus grands architectes allemands. Point commun entre les deux situations : l’Acropole, point de repère structurant, au sud comme au nord de la capitale grecque.

La colline des Muses et, un peu en contrebas, la Pnyx où se situait l’assemblée des citoyens dans l’Athènes classique offrent parmi les plus belles vues sur l’Acropole et le mont Lycabette ; un panorama quasi similaire, de surcroît, à celui que pouvaient admirer les visiteurs lors de leur voyage pittoresque à la fin du xviiie siècle. Celui qui se déploie à l’ouest et au sud présente au contraire une métropole semblable à une nappe homogène, où la limite entre Athènes, Le Pirée, Phalère et Kallithea, qui abrite la Fondation Stavros Niarchos, n’est aucunement perceptible. À quatre kilomètres de distance, on aperçoit cependant, comme un point d’orgue avant la mer, la pente douce engazonnée et l’immense toiture (10 000 m2) du bâtiment de Renzo Piano. Inversement, depuis la place haute et le jardin offerts aux Athéniens par le célèbre armateur, la silhouette de l’Acropole se lit aisément, comme un immanquable point de fuite. Joindre monumentalement l’Acropole et la mer, déplacer le centre de gravité culturel d’Athènes vers un site entièrement dédié à l’activité portuaire, voilà un choix qui constitue un tournant dans l’histoire de la ville, tournant amorcé en 2004 avec l’implantation d’équipements sportifs pour les Jeux olympiques.

Karl Friedrich Schinkel, Palais du roi Othon sur l’Acropole, 1834, élévations ouest et sud.
Staatliche Graphische
Sammmlung, Munich

Jusqu’alors, et d’une manière qui surprend encore certains spécialistes, Athènes s’était développée exclusivement au nord de l’Acropole. Avant l’indépendance de la Grèce et le choix, en juin 1833, d’en faire la capitale d’un État-nation indépendant, Athènes était un bourg parmi d’autres, sous domination ottomane, compris dans une enceinte qui formait un polygone ayant l’Acropole pour base. Les deux architectes chargés d’étudier le plan de la ville, Stamatios Kleanthis et Gustav Eduard Schaubert, anciens élèves de Karl Friedrich Schinkel à la Bauakademie de Berlin, prennent alors acte de cette implantation, quand d’autres l’auraient volontiers remise en cause : « Devant l’éventualité d’une extension de la ville, nous devions la prévoir seulement vers le côté nord de manière à ce que la nouvelle ville se développe en demi-lune d’est en ouest », plaident-ils dans leur explication du plan. Archéologique et prospectif à la fois, leur projet n’oublie pas, toutefois, de relier Athènes au port du Pirée, au sud-ouest. Avec les Propylées de l’Acropole, le Stade antique et l’église de Kapnikarea (xie siècle) pour principaux point de repère, une triangulation se dessine au propre comme au figuré : savoir, pouvoir et mémoire ponctuent l’espace et inspirent le dessin des futurs places et monuments athéniens (…)

Texte & Photo: Simon Texier
Visuel à la une : Florimond Boulanger et Theophil Hansen, le Zappeion (palais des expositions) d’Athènes, 1874-1888 : vue de la cour intérieure

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