ARCHITECTURE 3.0

DIGITAL, MULTIMÉDIA, VIRTUEL AU SERVICE DE L’ARCHITECTURE ET DE L’URBANISME

 

 

Dans le sillage des smart grids (capteurs et autres compteurs intelligents développés pour la ville numérique de demain, voir Archistorm #85) et des composants de construction connectés (comme le béton, voir Archistorm #87), les réseaux de communication routiers font également leur révolution technologique à travers des modalités de connexion touchant autant aux infrastructures qu’à la circulation de l’information ou aux véhicules eux-mêmes.

 

À une époque où les réseaux de communication « virtuels » de l’internet investissent notre quotidien et participent à la configuration de la ville intelligente de demain, connectée et durable, les réseaux routiers ne pouvaient pas rester sur le bas-côté.

Pointées du doigt pour leur impact environnemental – notamment en ce qui concerne les autoroutes, sources de nombreuses pollutions – les infrastructures routières expérimentent déjà des principes de recyclage de matériaux (dans les chantiers de rénovation) et des solutions plus économes en énergie (remplacement du pétrole par de la biomasse pour fabriquer le bitume, généralisation des éclairages LEDs dans les lampadaires et en bordure de chaussée) tout en renforçant la sécurité (dalles hexagonales intégrant des cellules photovoltaïques et des diodes pour dynamiser et rendre plus visible l’éclairage au sol).
Des techniques onéreuses et donc essentiellement envisagées dans la construction de nouveaux axes, mais qui ouvrent la porte à de véritables nouvelles stratégies de construction où la route pourrait par exemple produire elle-même l’énergie dont elle a besoin. C’est là l’une des réflexions de l’IFSTTAR (l’Institut Français des Sciences et Technologies des Transports, de l’Aménagement et des Réseaux) à travers son projet R5G (ou route de la 5ème Génération) qui envisage notamment de récupérer l’énergie thermique produite par la route en été (par absorption du rayonnement solaire), de la stocker puis de la réutiliser en hiver pour palier aux problèmes de neige ou de verglas. L’Institut envisage également un projet à partir de panneaux photovoltaïques recouvrant la chaussée autoroutière qui permettrait la fabrication d’électricité. Les entreprises privées ne sont pas en reste, notamment Eurovia, filiale routière de Vinci, dont le projet Power Road procède du même principe de récupération de la chaleur du bitume chauffé par le soleil et pour lequel plusieurs tests concluants ont été effectués depuis 2013.

 

Une route capable de traiter un maximum de datas

Mais une autre piste technologique essentielle se distingue derrière tous ces projets : celle de la connectivité.  En l’introduisant directement sur la chaussée grâce à différents capteurs (caméras, radars, boucles de comptage au sol, mais aussi capteurs « flottants » type smartphones ou GPS interne de voitures), elle permettrait en effet de valoriser un réseau routier intelligent, capable de s’auto-diagnostiquer, mais aussi d’envoyer en temps réel tout un tas d’informations utiles aux usagers.
Dans le premier cas de figure, Eurovia a déjà conçu la technologie Smartvia, permettant d’anticiper des travaux de maintenance avec une acuité très numérique, puisque le matériau se révèle lui-même capable de détecter ses déformations ou anomalies potentielles, puis de les transmettre. La société a déjà commercialisé ce procédé en France (LGV Sud Europe-Atlantique, Métropole de Lille) et à l’étranger (Regina Bypass au Canada).
L’IFSTTAR planche également sur des innovations similaires, en plaçant « la communication entre l’infrastructure, le véhicule et le gestionnaire du réseau » au premier rang de ses priorités. Pour affiner cette recherche, plusieurs initiatives publiques sont déjà en cours. À Grenoble par exemple, la plateforme Grenoble Traffic Lab, développée par l’équipe NeCS affiliée au CNRS en partenariat avec la direction interdépartementale des routes Centre-Est, a été ouverte au public en décembre dernier et permet de visualiser en temps réel l’état du trafic sur la rocade sud de Grenoble à partir de 120 capteurs de débit et de vitesse.

Mais le projet le plus ambitieux est sans doute le projet Scoop@F lancé en 2017 par le ministère de l’Écologie, du Développement durable et de l’Énergie. Celui-ci prévoit le déploiement d’ici à fin 2018 de 3000 véhicules intelligents sur 2 000 km de routes connectées réparties sur cinq sites pilotes. Et cette fois-ci l’information, puisée à partir d’un réseau de bornes et de boîtiers GPS embarqués, interagira directement entre les différents véhicules (et plus seulement en transitant par les gestionnaires routiers). Une manière de préparer la route à un autre enjeu majeur de la ville intelligente de demain : celui des véhicules connectés et autonomes.

 

 

Texte : Laurent Catala

Visuels : © Eurovia

Retrouvez cet article au sein d’ArchiSTORM #91