CHRONIQUE

COVID-19 : GÉOGRAPHIE ET SURMORTALITÉ

La pandémie de Covid-19, dont nous vivons actuellement la deuxième vague, se caractérise par son fort impact sur les personnes âgées ou présentant des facteurs de comorbidité. En France, 93 % des décès imputables au covid-19 sont ceux de personnes de plus de 65 ans. La répartition territoriale des cas et des décès montre néanmoins de fortes disparités, à la fois à l’échelle nationale et à l’échelle locale.

La carte des hospitalisations au 8 novembre 2020, qui concernait 30 243 personnes, confirmait l’impact de la deuxième vague de la pandémie sur la région Auvergne-Rhône-Alpes et sur l’Île-de-France, mais plus généralement sur une zone s’étendant à l’est d’une diagonale qui irait de Cherbourg à Marseille. Les grands centres urbains sont les plus touchés. Si l’on cherche à comprendre les causes de l’impact avéré de cette deuxième vague de la pandémie, la densité humaine est l’un des facteurs possibles. Plus il y a d’habitants dans un territoire donné, plus il y a de risques de contamination. La région Île-de-France déjà touchée lors de la première vague est encore au centre des préoccupations. En regardant de plus près les hospitalisations au 9 novembre, on s’aperçoit que les 6 500 patients hospitalisés de la région parisienne se répartissaient de façon décroissante en fonction des densités urbaines : 1 383 cas à Paris (0,63 hospitalisé pour 1 000 habitants), entre 859 et 962 dans les trois départements de petite couronne (de 0,52 ‰ à 0,69 ‰), entre 532 et 696 dans les quatre autres départements de la région (de 0,4 ‰ à 0,51 ‰)[1].

Les études de l’Insee montrent par ailleurs que lors de la première vague le surcroît de mortalité a été de 49 % dans les communes denses, par rapport à une moyenne de 26 % en France. Cela reste vrai même si l’on exclut l’Île-de-France qui concentre 40 % de la population habitant des zones denses. Toutes les communes denses de France ne sont pas cependant touchées, les plus forts excédents se situant à Saint-Denis et à Mulhouse, suivies par Strasbourg, Argenteuil, Paris et Montreuil.

Taux d’incidence de la pandémie de Covid-19 en nombre de cas pour 100 000 habitants par commune et par quartier au 5 novembre 2020. Doc. Santé publique France GÉODES.

Le cas de la métropole du Grand Paris

Mais la densité urbaine n’est pas le seul facteur explicatif de ces disparités locales. Une étude menée par Guy Burgel, professeur de géographie urbaine à l’université Paris-Nanterre, publiée dans Le Monde du 4 novembre, met en évidence une surmortalité par rapport à l’année précédente dans les communes les plus pauvres de la métropole du Grand Paris. Elle fait ressortir la coïncidence — ce qui ne signifie pas nécessairement corrélation, comme le précisent les auteurs — entre surmortalité et nombre de pièces rapporté au nombre de personnes par logement ou revenu moyen des ménages par unité de consommation. Cette étude titre sur « la fracture épidémique », en montrant que « la carte des inégalités sociales coïncide avec celle des zones de surmortalité », notamment dans le département de Seine-Saint-Denis. L’une des hypothèses avancées est que « dans les quartiers défavorisés, les chaînes de contagion passent par les actifs qui rapportent le virus dans la cellule familiale et contaminent, dans des logements exigus, leurs aînés en raison d’une forte cohabitation intergénérationnelle. » (…)

Répartition des hospitalisations dans la région parisienne dues au Covid-19 au 9 novembre 2020, soit 6 502 hospitalisations. Doc. Santé publique France/gouvernement.fr/info-coronavirus

  1. 1. Source : www.gouvernement.fr/inf-coronavirus

Texte Bertrand Lemoine
Visuel à la une La mortalité due à la pandémie de la grippe espagnole en 1918-1919 dans quatre grandes capitales : New-York, Londres, Paris et Berlin, montrant des progressions similaires quoique décalées avec un rebond cinq mois plus tard. Cette pandémie a causé 240 000 morts en France et plusieurs dizaines de millions à l’échelle mondiale. Doc. National Museum of Health and Medicine.

Retrouvez l’intégralité de la chronique Covid-19 : Géographie et surmortalité dans Archistorm daté janvier – février 2021