DOSSIER SOCIÉTAL

 

 

« L’architecture est une expression de la culture », ainsi énoncée, la loi sur l’architecture de 1977 créait un cadre propice pour que la qualité de la construction se déploie sur tout le territoire en généralisant le recours à l’architecte et en déclarant la création architecturale d’intérêt public. En parallèle, se mettaient en place les nouvelles écoles nationales supérieures d’architecture, émancipées du système de l’École des Beaux-Arts.

Huit années plus tard, portant une volonté d’indépendance de la maîtrise d’œuvre, la loi MOP instaurait le concours d’architecture. Leur existence n’était pas nouvelle – pour la construction du Palais du Louvre, Colbert organisait en 1664, ce que l’on peut considérer comme le premier concours international d’architecture – mais la procédure n’était pas encore encadrée.

 

Projets phares

La fameuse loi MOP de 1985 amenait la France à se doter d’équipements publics de très grande qualité. Le concours pour la Bibliothèque nationale de France, dans le 13arrondissement de Paris, est un exemple probant de l’enjeu que représentaient pour les créateurs ces nouveaux modes d’accès à la commande publique. Dernier grand projet des travaux d’envergure lancés durant les deux septennats du Président François Mitterrand, l’édifice devait répondre à la demande qu’il formulait ainsi le 14 juillet 1988 : « Je veux que soient entrepris la construction et l’aménagement de l’une des, ou de la, plus grande bibliothèque du monde, d’un genre entièrement nouveau ». Âgé de seulement 36 ans, Dominique Perrault remportait le concours avec sa proposition de quatre tours, se faisant face comme des livres ouverts, organisés autour d’un grand jardin. Vingt années plus tard, le projet salué par l’ensemble de ses utilisateurs1, n’a en rien perdu de sa superbe et a su parfaitement évoluer dans le temps. Le roman de sa création retracé dans l’exposition que la BnF consacre à l’édifice jusqu’au 22 juillet 2018 permet de comprendre l’expérimentation portée par l’architecture. Dominique Perrault et Gaëlle Lauriot-Prévost, y développaient, entre autres, l’utilisation de matériaux industriels tels que la maille d’acier ou les luminaires d’atelier retravaillés.

Ce concours faisait date et constitue toujours une référence aujourd’hui pour les vingt agences d’architectes qui y avaient participé (choix de 20 équipes sur 244 candidats). Les plus importantes d’entre elles avaient développé un projet support de leur théorie architecturale. Ainsi par exemple de la proposition de Rem Koolhaas, une œuvre phare pour l’agence OMA qui fut même exposé en 2012 au Centre Canadien d’architecture. Le concept d’OMA était de créer l’espace des bibliothèques comme des vides, des espaces non construits dans un cube compact de 100 mètres de hauteur, posé au bord de la Seine et contenant les archives. Ce principe offrait une grande liberté architecturale, les espaces publics – les vides – n’étant plus contraints par une forme ou une structure prédéfinies.

 

 

Expérimentation urbaine

Ce rendez-vous manqué sur le territoire parisien par le créateur Néerlandais se déroulait en parallèle d’une expérimentation à l’échelle urbaine, quelques kilomètres plus au nord. Le concours pour le quartier de ville Euralille, en 1988, représentait également un concours symbolique, notamment avec la mise en place d’une nouvelle modalité. Jean-Paul Baïetto, directeur général d’Euralille, ne voulait fixer aucune image sur le centre d’affaires international. Huit architectes2 seront invités à développer oralement leur vision de la ville, sans maquettes, ni dessins. Il recherchait tant une personnalité qu’un processus de fabrication, capables d’assumer l’évolution des programmes et les changements tout au long du chantier. Rem Koolhaas et l’OMA répondront à ces critères en développant un concept fort reposant sur l’orchestration des infrastructures et l’utilisation des « potentialités » qu’elles génèrent. Par ailleurs, leur vision proposait des volumes théoriques restant le plus neutre possible et laissant les architectes d’opération livrer leur interprétation des programmes.

 

 

Texte : Sophie Trelcat

Visuel à la une : © Agence AAVP

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