PORTRAIT D’AGENCE

Ateliers 2/3/4/, dixit 2020 !

 

Ici, tout est mis à plat ; de l’efficacité avant tout, faire simple. Nous sommes au 234 de la rue du Faubourg-Saint-Antoine, dans le XIIe arrondissement de Paris, où siègent les Ateliers 2/3/4/, issus de l’association Arene & Edeikins, Bolze & Rodriguez-Pagès, Mas & Roux et d’une fusion avec Faubourg 2/3/4/. Les Ateliers sont orchestrés depuis 2019 par 13 associés, pour un effectif de 120 personnes.

Le « look » d’agence est clair et net, comme les « books » remis d’entrée de jeu. Laure Mériaud, architecte associée et présidente, Olivier Arène, architecte fondateur associé, Florian Luneau, urbaniste associé, répondent aux questions. L’histoire d’agence, son envergure et les échelles de projets sont d’emblée incarnées pour cette interview. À noter, l’ensemble des collaborateurs de l’agence sont implicitement présents : tous leurs portraits sont affichés sur les murs de la salle de réunion. Comme pour rappeler, sous le registre de la reconnaissance, qu’ici, chacun joue un rôle tangible.

 

 

Anne-Charlotte Depondt : Comment résumeriez-vous l’histoire humaine de votre agence ? Vos fondements ? Votre philosophie ?

Olivier Arène : Je suis bavard, il faudra donc m’arrêter pour laisser la place aux jeunes ! La transmission m’obsède depuis très longtemps. Sans nos collaborateurs, nous n’existons pas. Ils sont l’essence du moteur que constitue l’entreprise.

Florian Luneau : La question du « collaborateur » est fondamentale, dans ce sens où l’agence travaille sur l’humain, et les nouveaux associés embrassent pleinement cette idée. Les associés fondateurs (au nombre de six) étaient précurseurs, parce qu’ils avaient fondé une entreprise, et non un collectif, à une époque où le métier fonctionnait beaucoup sur le mode « intuitu personae ».

OA : Pour transmettre, il n’est pas souhaitable d’adopter le nom des fondateurs. Nous avons choisi un nom le moins ésotérique possible, nous sommes au 234, et voilà…

Laure Mériaud : Nous, les jeunes associés, nous sommes tous issus de 2/3/4/. Nous avons cette « formation » commune. Nous n’avons pas fait d’études ensemble. Nous avons des profils assez différents. Et nous nous sommes trouvés à travers l’entreprise. Nous avons eu envie de nous inscrire dans la transmission, dans la continuité et de reprendre l’agence.

OA : Le terme « entreprise » est aussi essentiel.

LM : En plus des quatre nouveaux architectes associés, dont il était question dans le numéro 83 d’Archistorm en 2017 : Arnaud Devillers, moi-même – Laure Mériaud -, Eric Puzenat et Franck Tillequin ; il y a trois nouveaux associés aux profils différents : un urbaniste-paysagiste, Florian Luneau, une architecte en charge du développement, Anne-Laure Lucas-Grandsir, et une architecte, Anne Rouzée.

Ainsi, parmi les sept nouveaux associés, nous sommes trois femmes. Nous sommes tous les sept pleinement associés, et en responsabilité.

OA : Je pense que nous sommes la première entreprise de France, en architecture, dans laquelle les six associés fondateurs ont cédé la majorité de leurs parts, avant l’âge du départ à la retraite. Et je le revendique haut et fort, tous les jours, parce que c’est ça l’avenir des architectes.

 

LM : Évidemment nous venons d’arriver. Mais nous pensons déjà à la question de pouvoir transmettre aussi.

OA : Il faut souligner une chose importante : cette transmission est très longue. Cela représente a minima dix ans, c’est aussi la mémoire d’entreprise. C’est aussi le temps pour les associés fondateurs de s’assurer que la relève est la bonne. Nous avons réussi de manière assez magistrale, car les sept nouveaux associés se sont cooptés eux-mêmes. 

FL : Il s’agissait d’un groupe de jeunes associés qui se retrouvaient sur le partage des valeurs de 2/3/4/, sur une ambition d’entreprise. Cela rejoint la question philosophique, notamment la question du temps. Parce que je pense que nous avons pour dessein des matières, qui travaillent beaucoup avec le temps.

LM : Sans transparence, il n’y a pas de possibilité de rachat, cela part de là.

Les questions s’enchaînent.

ACD : Y-a-t-il une méthodologie d’agence ? Quelle place est laissée à l’outil ? Comment s’articulent les équipes ? Y-a-t-il des spécificités programmatiques ? Comment jongler avec le changement d’échelles (de l’urbanisme à l’intérieur en passant par l’architecture) et le changement de « matières » (construction-paysage) ? Parle-t-on d’« agilité » ?

De manière agile justement, les réponses se succèdent et s’imbriquent les unes dans les autres.

LM : Comprendre le contexte est très important. Il représente la première matière, à partir de laquelle nous créons un projet. Mais aussi, prendre de la distance et dépasser les contraintes. Ainsi, nous rendons le projet plus fort. Nous sommes forcés à rentrer dans une « essence », une simplicité, et d’énoncer quelques fondamentaux, que l’on doit tenir pendant que le projet avance, que ce soit juste de façon spatiale ou au sujet des matériaux, au gré des différentes conjonctures complexes. Aujourd’hui, vous nous interrogez sur la question de l’agilité, à un moment où cette question-là est très contemporaine. Je pense qu’elle a été portée par tous les associés de l’agence, et par tous nos projets depuis longtemps.

OA : Il existe une expression qui qualifie cela, c’est le parti architectural. Je ne l’aime pas beaucoup. Nous, nous avons été formés à l’hypothèse. « C’est quoi ton hypothèse ? » interrogeait Henri Ciriani. L’hypothèse est le fil conducteur du projet, le seul moyen de donner une colonne vertébrale au milieu d’un jeu de pistes. Nos jeunes collaborateurs ont vu l’intérêt et la force qu’il y avait à tenir ce fil conducteur jusqu’au bout du projet. Avoir un argumentaire, ce mot m’obsède depuis 35 ans. Comment justifie-t-on un certain travail ? Nous essayons de communiquer notre travail avec la rigueur, avec des mots simples, que peut comprendre n’importe quel conseil municipal ou conseil syndical. C’est très important de convaincre les gens qui ne connaissent pas notre discipline. Il faut être assez pertinent pour faire passer certaines idées, qui sont peut-être difficiles à comprendre.

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Texte : Anne-Charlotte Depondt
Crédits photos : JFalsimagne

Retrouvez l’intégralité de cet entretien au sein du numéro 100 du magazine Archistorm, disponible en kiosque.