La tour Aurore, signée par l’agence d’architecture DVW, est inaugurée en 1970. Témoin majeur de la naissance du quartier de La Défense, la tour est le sixième des sept IGH de première génération du secteur. Laissé vacant à la fin des années 1990, l’édifice échappe à la démolition et fait l’objet d’un projet de restructuration et de réhabilitation lourde porté par le nouveau propriétaire Aermont. Le vaste projet est conduit sous la maîtrise d’œuvre des agences Viguier architecture urbanisme paysage et Sisto Studios. Réunissant deux bâtiments dénommés « Tour » et « Pavillon », le projet intègre la réhabilitation de la tour existante, surélevée de six étages, le remplacement du bâtiment adjacent et le réaménagement des abords du site.

Naissance du projet de réhabilitation

En 2017, après l’abandon de plusieurs projets par les anciens propriétaires, la tour Aurore est mise en vente, et Aermont rachète l’ensemble immobilier. Le nouveau propriétaire, assisté d’Orfeo Développement (AMO), missionne alors une équipe de maîtrise d’oeuvre autour des agences Viguier et Sisto Studios pour la conception d’un projet de réhabilitation et d’extension de la tour Aurore. Cette équipe composée de Setec TPI, Atys, AE75 en membres principaux, développe un projet ambitieux s’appuyant sur une réutilisation raisonnée de l’existant repositionnant la tour et son quartier. Le projet prévoit une tour de bureaux, ainsi qu’un pavillon ERP, nouveau bâtiment, accueillant des services destinés aux usagers de la tour, mais aussi au quartier. Le chantier débute fin 2019 et est confié à un groupement d’entreprises de VINCI Construction (Petit DPr, Tunzini, Phibor, Saga et Uxello).  La livraison a lieu en 2022.

Au global, l’ensemble du projet se sera déroulé sur cinq ans, une durée relativement courte dans le cadre d’un chantier sur un immeuble de grande hauteur (IGH).

Une tour emblématique du quartier des affaires

Ainsi, la tour Aurore conserve sa place à La Défense. Témoin de la naissance du quartier en chantier depuis douze ans, le sixième des sept IGH de première génération du secteur est inauguré en 1970. L’implantation en quinconce des différentes tours dans le projet urbain découle de leur position par rapport à l’axe majeur de l’Esplanade de La Défense. Leur dessin répond aux exigences du schéma directeur mis en place par l’Établissement Public Paris La Défense (EPAD, devenu Paris La Défense) en 1958. Une norme, déterminée par les architectes Robert Camelot et Jean de Mailly, impose 24 mètres de large pour 42 mètres de long, limitant la hauteur des constructions à cent mètres.

« Le projet intègre des espaces et des volumes exceptionnels sur plusieurs niveaux pour lesquels des solutions de façades double, voire triple, hauteur, ont été conçues avec les enjeux de dimensionnement mécanique et de contrainte de levage et installation associés. C’est l’occasion de souligner toute la singularité du bâtiment pavillon dont les trames resserrées et élancées, rythmées par des lamelles vitrées, ont représenté un défi pour assurer, avec le minimum d’emprise visuelle, la reprise d’efforts conséquents (vent) et la prise en compte des mouvements et déformations des structures. »
Groupe Kyotec

Nouvelle génération de tours

Le projet Aurore intègre la nouvelle génération de tours restructurées, qui répond aux ambitions de Paris La Défense visant à réduire l’impact environnemental de l’expansion du quartier.

Réunissant deux corps de bâtiment aujourd’hui dénommés « Tour » et « Pavillon », le chantier comprend la réhabilitation de la tour, surélevée de six étages, le remplacement du bâtiment adjacent et le réaménagement des abords du site. Les nouvelles liaisons établies entre les trois niveaux urbains qui encadrent l’édifice participent à reconnecter les différents niveaux de circulation. Par sa position en bordure de dalle, la tour connecte les trois niveaux piétonniers, raison de la mise en place de trois entrées distinctes.

Une entrée secondaire mène du boulevard circulaire vers l’entrée basse du bâtiment. Le niveau de la dalle de la place de l’Iris, dalle inférieure à celle de la place des Reflets, donne accès au pavillon. L’entrée principale via la dalle supérieure s’effectue par un portique, marqué par un retour de l’auvent au niveau de la jonction entre la tour et le pavillon. Cet espace de transition, en faible retrait par rapport à la façade, donne sur un hall d’accueil commun, conçu à l’image d’une rue intérieure. Lieu de transition entre l’espace public et la sphère privée, ce volume connecte les deux entités réparties de part et d’autre et mène aux ascenseurs desservant les étages. Il accueille également un restaurant d’entreprise dans l’étage de socle intermédiaire.

Une écriture réinterprétée dans un langage contemporain

La restructuration respecte la géométrie originelle de la tour, appliquée aussi au dessin de la surélévation. Les verres irisés de teintes orangées ont été déposés et remplacés par des vitres de teinte neutre. Les façades réhabilitées bénéficient d’une surface vitrée plus importante, permettant l’éclairage naturel des bureaux, également protégés par un système de stores intérieurs. Les bandeaux en béton ont été démontés et remplacés par des menuiseries plus légères, en inox brossé, à l’exception de l’auvent qui se démarque par sa teinte noire. Le traitement en transparence du verre au niveau du soubassement apporte une certaine porosité visuelle entre l’intérieur et l’extérieur.

Les niveaux dédiés aux bureaux, du premier au 32e étage, sont desservis par deux batteries d’ascenseurs. À chaque niveau, le palier d’accès, vitré et traversant, bénéficie de luminosité naturelle et offre une visibilité des lieux afin que l’on s’y oriente plus aisément.

Avec une surélévation de six niveaux, le bâtiment de la tour atteint 130 mètres de haut. Les poteaux de façade ont été surélevés d’une fine structure métallique. Les poteaux situés juste en arrière des façades de verre deviennent invisibles depuis l’extérieur grâce à leur teinte foncée qui s’harmonise avec celle des façades. Le 33e étage, étage noble entièrement décloisonné et ouvert par une loggia, est destiné à accueillir un lieu de réception. Au sommet de la tour, la toiture-terrasse accessible a fait l’objet d’un traitement paysager, conçu par les paysagistes de l’agence Viguier. Le choix a porté sur des aromates et des bambous, végétaux ne développant pas de racines profondes, nécessitant peu d’arrosage et faciles d’entretien.

Principes architecturaux du Pavillon

L’architecture du pavillon, édifice de huit niveaux relativement bas dans le quartier, joue de contrastes avec la tour. Son implantation répond aux règles énoncées par le PLU, mais découle aussi d’une proposition de dialogue avec les immeubles voisins.

Privilégier une construction plus haute que le bâtiment initial permet de créer davantage d’espaces ouverts aux publics. Ce bâtiment, entièrement classé comme établissement recevant du public (ERP, inséré dans l’immeuble de grande hauteur), accueille un restaurant au rez-de-dalle. Les étages intermédiaires logent un drugstore, un auditorium, et des espaces de travail individuel ou collaboratif. Le niveau de bureaux situé directement au-dessus de l’auditorium peut être aménagé en espaces de réunion. Les deux derniers étages accueillent plusieurs salons privatifs, une brasserie et un bar ouvert en terrasse.

L’ossature se compose d’une charpente métallique posée sur les voiles des parkings en sous-sol. La façade sud, légèrement en retrait par rapport à la place, permet de créer un dégagement et participe d’une lecture urbaine plus aérée. L’inflexion de la façade nord permet de dessiner un parvis au niveau du boulevard.

Des lamelles verticales de 60 centimètres de profondeur entourent l’enveloppe entièrement transparente des façades, protégées par ces brise-soleil en verre sablé. Ce matériau translucide crée une protection tout en diffusant une lumière en partie filtrée vers l’intérieur des plateaux.

Disposées selon une trame régulière d’un mètre, ces ailettes apportent un rythme visuel à la façade, entrant en contraste avec l’aspect lisse et réfléchissant des vitrages des IGH. Symbole architectural matérialisant l’entrée au sein du pavillon, une porte monumentale en métal foncé située sur la façade mène du parvis de la place de l’Iris vers le restaurant. À l’intérieur, les matériaux non transformés laissés bruts dialoguent avec la façade.

Chaque niveau possède une esthétique propre qui se révèle par une différenciation des matériaux appliqués aux revêtements. Afin de créer une esthétique d’inspiration industrielle, les techniques logées aux plafonds, seulement recouvertes de peinture noire, demeurent apparentes.

Entretien, Jean-Paul Viguier, Fondateur et architecte, Laure Barthelot, Architecte et Thomas Poletti, Architecte, Viguier architecture urbanisme paysage

Paris La Défense a consenti à conserver la tour existante plutôt que de la remplacer. Que pensez-vous de cette alternative ?

JPV : La transformation du bâti est un sujet majeur de l’actualité architecturale. C’est pourquoi l’agence s’intéresse aux opérations de transformation à grande échelle et s’oriente vers elles.

Nous partagions ce point de vue avec l’investisseur qui a pris le risque de ne pas détruire. Le principe de réhabilitation correspond aussi au désir de Paris La Défense de transformer ces quartiers pour les adapter aux normes actuelles.

LB : Le projet précédent prévoyait la démolition totale d’Aurore et son remplacement par un édifice beaucoup plus haut et dont l’emprise était plus importante, ce qui avait suscité de vives réactions et des oppositions des riverains. La conservation du bâti existant a permis une insertion moins violente dans le paysage urbain de La Défense et une adhésion plus certaine de la population.

TP : L’intérêt de travailler à partir de l’existant était avant tout patrimonial. Sur un plan environnemental, cela a également permis d’employer moins de ressources et de produire moins de déchets.

Entretien, Nicolas Sisto, Architecte, Sisto Studios

Pour quels espaces votre agence a-t-elle plus particulièrement œuvré ?

J’ai agi en tant que consultant de l’agence Viguier jusqu’au permis de construire du projet d’ensemble, et en tant qu’architecte en charge de la construction de la tour basse limitrophe, dite « pavillon ». Nous réalisons, par ailleurs, certains intérieurs des espaces communs de la tour, c’est-à-dire le hall d’accueil, le salon de thé, ainsi que l’espace partagé, d’inspiration penthouse, situé au dernier étage.

Nous avons conçu l’architecture et l’aménagement intérieur du pavillon. Notre équipe réalise de nombreuses opérations de rénovation et mène systématiquement des enquêtes visant à connaître l’histoire du bâtiment afin d’en déduire ce qu’il est souhaitable, ou non, de conserver. À partir de ces éléments, nous concevons un projet en phase avec l’existant, tout en construisant quelque chose de nouveau, capable de traverser les époques.

En lieu et place de l’ancienne banque située au pied de la tour, nous avons pris la décision de bâtir un pavillon destiné à accueillir du public. L’ancien édifice de la banque, haut de deux étages, ne possédait pas de fondations « indépendantes », mais profitait de la structure du parking souterrain. Il a été possible de conserver cette liaison et de construire l’ensemble des étages du pavillon.

Entretien, Alexandre Petit et Morgane Koenig, Orfeo Développement

La réalisation consiste en deux projets portés respectivement par les agences Viguier et Sisto, l’un de restructuration et l’autre de construction neuve. Comment avez-vous organisé le croisement de deux chantiers ?

Il a fallu avant tout organiser la conception d’un ouvrage unique (l’ensemble Aurore forme un unique immeuble de grande hauteur) avec deux architectes : l’agence Viguier et Sisto Studios.  Si ce projet a pu naître, c’est entre autres par la collaboration et le dialogue entre les architectes, appuyés par une maîtrise d’œuvre technique unique.

La mise en chantier des deux parties du projet s’est effectuée par le biais d’un seul marché de travaux avec un groupement d’entreprises constitué de sociétés VINCI Construction (Petit, Tunzini, PHIBOR, SAGA, UXELLO) dont l’entreprise Petit a été mandataire.

Il a par la suite fallu suivre deux sous-chantiers, chacun avec ses spécificités et ses contraintes, ainsi que les interfaces avec les travaux entrepris par Paris La Défense sur les abords de l’immeuble.

La Commission de Sécurité, intervenue en octobre 2022, a permis de valider la bonne réalisation des travaux et d’acter le démarrage de l’exploitation de l’immeuble.

Entretien, François Lebrun, Directeur d’Activité, setec tpi

Ce projet mêlait à la fois construction neuve et surélévation d’une structure existante. Quelles sont les particularités de ces deux constructions ?

La surélévation de la tour et le pavillon ont donc tous deux été réalisés sur des structures existantes. Dans les deux cas, il a fallu concevoir des structures les plus légères possibles (une ossature métallique supportant des planchers mixtes acier / béton) afin de limiter les renforcements nécessaires sur les structures existantes, et optimiser ainsi le coût de construction et l’empreinte carbone du projet.

En plus de l’augmentation de poids, il nous a aussi fallu gérer l’augmentation de prise au vent du projet ; si, pour la tour, nous avons profité du fait qu’elle possédait un noyau de contreventement avec un peu de marge de résistance, pour le pavillon aucun noyau n’existait, et en créer un aurait obligé à le fonder à travers le parking existant, ce qui aurait alors fortement impacté le fonctionnement de ce dernier. Nous avons donc imaginé un bâtiment atypique, sans noyau, et venant se buter sur la tour via des planchers communs pour s’équilibrer vis-à-vis des efforts de vent.

Fiche technique

Maîtrise d’ouvrage : Aermont – SNC AER 2
Assistant au maître d’ouvrage :  Orfeo Développement
Architecte mandataire : Viguier architecture urbanisme paysage
Architecte associé :  Sisto Studios – architecte du pavillon de l’ensemble Aurore et des espaces communs de la tour.£
Maître d’œuvre et conseils  : setec tpi (Structure), ATYS Engineering (Fluides) Bollinger+Grohmann (Façade), ACV (Acoustique), Seulsoleil (Éclairage), Artelia (Maître d’oeuvre d’exécution), G-ON (AMO Environnement), CSD & Associés (Préventionniste SI), Cap-SSI (Coordonnateur SSI) Socotec (Bureau de contrôle), AE75 (Économiste de la construction)
Entreprises : Groupement VINCI Construction France (Petit DPr / Uxello / Phibor / Tunzini / Saga), Kyotec (façades)
Programme : Réhabilitation et extension d’une tour de bureaux des années 1970 à La Défense. Construction d’un pavillon neuf. Auditorium, services associés et commerces.
Surface : 39 000 m2
Budget : 100 M€ HT
Certifications : NF HQE Excellent, BREEAM Excellent, WELL Gold, WiredScore Platinum, Ready to OsmoZ, ALDREN, Well Health & Safety
Livraison : Novembre 2022

Par Cléa Calderoni
Toutes les photographies sont de : © Nicolas Castets

— Retrouvez l’article dans Archistorm 130 daté janvier – février 2025