Sally Gabori
La Fondation Cartier
Jusqu’au 6 novembre 2022

La Fondation Cartier pour l’art contemporain expose du 3 juillet au 6 novembre 2022 l’artiste aborigène Mirdidingkingathi Juwarnda Sally Gabori (1927-2015) pour sa première exposition personnelle hors de l’Australie. Réunissant une trentaine de peintures monumentales, la Fondation Cartier rend hommage à une créatrice à la carrière courte et fulgurante.

Un peuple exilé

Rien ou si peu ne prédestinait Sally Gobori à une reconnaissance artistique internationale.

Sally Gabori (nom tribal Mirdidingkingathi Juwarnda, qui signifie dauphin né à Mirdidingki) est née sur l’île Bentinck située dans le golfe de Carpentarie, au nord de l’Australie. Elle appartient au peuple kaiadilt et parle la langue kayaldid.

Les Kaiadilt sont la dernière tribu aborigène côtière d’Australie à avoir eu un contact prolongé avec les colons européens. Leur population était de 125 personnes en 1944. Sally Gabori et sa famille ont maintenu une existence traditionnelle pendant de nombreuses années, dépendant presque entièrement des ressources naturelles de l’île. Sally Gabori, comme d’autres femmes, était chargée de la pêche, de l’entretien des pièges à poissons le long des côtes de l’île, et de la création de paniers en fibres naturelles.

Les missionnaires presbytériens qui vivaient sur l’île Mornington, au nord de l’île Bentinck, depuis 1919, ont essayé en vain de persuader les Kaiadilt de se joindre à leur mission à partir du début des années 1940. Les 63 derniers Kaiadilt, dont Sally Gabori et toute sa famille, ont été évacués vers la mission presbytérienne de l’île Mornington en 1948, à la suite d’un ouragan et d’un raz-de-marée qui ont submergé une grande partie de leurs terres et contaminé la source d’eau douce. Leur exil, qu’ils espéraient bref, allait durer des décennies. C’est finalement à partir des années 1990 que Sally Gabori reverra son île natale.

Vue de l’exposition « Campo di Marte » de Nathalie Du Pasquier, Mrac Occitanie à Sérignan, 2022 © Aurélien Mole.

Une artiste sur le tard

Sally Gabori est connue pour ses peintures abstraites vibrantes inspirées de Bentinck, son île natale. Avant sa mort en 2015, l’artiste kaiadilt a commencé à peindre à l’âge de 81 ans et a réalisé plus d’un millier d’œuvres. Sally Gabori a été reconnue dans son propre pays tout au long de sa vie et a représenté l’Australie à la Biennale de Venise de 2013, malgré sa brève carrière. L’œuvre de Gabori diffère des peintures aborigènes traditionnelles en ce qu’elle utilise une gestuelle lâche et des champs de couleurs vives avec des formes marquées plutôt que des marques en pointillés. Ses toiles délivrent des récits puissants associés à des souvenirs et à des lieux associés à sa famille, comme la région insulaire de Dibirdibi, qui a une valeur culturelle importante pour son peuple.

Texte : Camille Tallent
Visuel à la une : Vue de l’exposition « Campo di Marte » de Nathalie Du Pasquier, Mrac Occitanie à Sérignan, 2022 © Aurélien Mole.