CRÉATION : ACTIVISME

 

 

L’exposition de Studio Formafantasma à la Serpentine Sackler Gallery à Londres interroge sur l’urgence écologique de notre ère. « Cambio » (changement en italien) explore la dynamique mondiale de l’industrie du bois et de façon transversale relie la science, la conservation, l’ingénierie. Le « design » façonnerait-il un avenir meilleur ?

 

Apollon poursuivant Daphné (détail), René-Antoine Houasse, 1677, musée national des châteaux de Versailles et de Trianon © D. R.

 

Andrea Trimarchi et Simone Farresin (Studio Formafantasma) ont été les pionniers d’un nouveau type de design/art qui place l’environnement au premier plan. Depuis leur projet de fin d’études, Moulding Tradition (2009) qui abordait déjà ces thèmes, ils n’ont cessé d’alerter via leurs projets à l’esthétique postmoderne. On se souvient de Autarchy (2010). Une installation qui propose une manière autonome de produire des biens de consommation à partir de simples graines de blé. Le projet démontrait ainsi comment elles pouvaient être cultivées, récoltées et transformées pour nourrir (farine pour le pain) et fabriquer des objets (farine + liant et colorants naturels pour contenants et tiges de blé pour balais) répondant aux besoins humains. On garde également en mémoire leur projet De natura fossilium (2014), réalisé à partir de lave de l’Etna (en Sicile d’où est originaire Andrea). Formafantasma explorait ici les possibilités qu’offrait un paysage – crachant littéralement la matière première grâce aux forces de la nature – pour créer des pièces design.

 

Formafantasma, « Cambio », Serpentine Galleries, 2019. Val di Fiemme, Italie 2019 © 48 Productions

 

Que dire de l’exposition « Ore Streams » (d’abord présentée à Milan lors du salon du meuble en 2017 puis à la Fondation Cartier à l’été 2019) où le duo montrait comment le design pouvait fabriquer des produits qui soient recyclables et réparables (ordinateurs portables, claviers, etc.). Aujourd’hui leur notoriété internationale les amène dans une prestigieuse et incontournable galerie londonienne. C’est seulement la troisième fois que la Serpentine Gallery donne la parole aux designers après Konstantin Grcic puis Martino Gamper. « La Serpentine Gallery souhaite présenter le design d’une toute autre façon. Elle veut créer une plateforme pour que les designers montrent une façon de penser plus que de simples objets. Pour cette exposition nous avons souhaité explorer la relation complexe qui existe entre le design et sa production en considérant l’impact écologique que cela peut avoir. Nous nous sommes particulièrement concentrés sur l’industrie du bois. Nous pensons que le design s’est focalisé pendant très longtemps sur la forme et sur les besoins des utilisateurs en oubliant la dimension environnementale, comme savoir par exemple d’où viennent les matériaux, comment ont-ils été sourcés, comment sont-ils distribués ? » explique Simone Farresin.

 

Photomicrographie © Inside Wood

 

N’avons-nous pas déjà des milliers de formes existantes de chaises, de tables, de fauteuils, de canapés, de voitures, etc. ? Ne peut-on pas intégrer la dimension environnementale dès la conception ? C’est précisément ce à quoi Formafantasma souhaite nous faire réfléchir. Pour démontrer cela, les designers italiens installés à Amsterdam ont entre autres créé une installation avec un tabouret IKEA qu’ils ont réalisé à l’identique dans différentes essences de bois. Chaque arbre en croissance produit du bois qui peut être plus ou moins dense selon l’espèce. Plus le bois est dense, plus l’arbre stocke du CO2. « Nous montrons ainsi comment chaque essence contient des quantités différentes de CO2. Nous gravons chaque tabouret avec le temps d’enregistrement moyen pour chaque espèce spécifique.

 

Texte : Yves Mirande

Photo de couverture : Formafantasma, « Cambio », Serpentine Galleries, 2019. Val di Fiemme, Italie 2019 © 48 Productions

Retrouvez l’intégralité de cet article dans le numéro 101 du magazine Archistorm, disponible en kiosque