Ouvert le 7 septembre dernier, Cheval Blanc Paris est une réhabilitation architecturale remarquable où les Arts sont intrinsèquement pensés dès la conception… voire l’initie. Cognacq-Jaÿ, Arnault, Marino : l’art du palace !

Salle de bain d’une junior suite vue Seine © Alexandre Tabaste

Depuis son ouverture, Cheval Blanc Paris a suscité moult écrits : articles, parutions, publications, interviews, reportages… Encore un aujourd’hui ? Assurément ! Avec pourtant un angle différent : celui des Arts et de la passion pour les arts. D’Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ au XIXe siècle à Bernard Arnault et Peter Marino au XXIe, le mot « ART » est viscéralement intriqué dans les moindres creux et alvéoles de ce bâtiment qui longe la Seine.

L’Art… de vivre d’abord, avec Ernest Cognacq, commerçant parisien, vendeur de parapluies et fondateur avec son épouse, Marie-Louise Jaÿ, des grands magasins La Samaritaine à Paris. Il avait créé une salle de sport pour le personnel, une cantine, une nursery, et proposait même des cours d’escrime, de natation. Visionnaire ultra-contemporain du service, de ses employés et du bien-être de ceux-ci.

Art encore avec la passion d’Ernest Cognacq et Marie-Louise Jaÿ : en seulement vingt-cinq ans (1900-1925), ils réunissent une importante collection d’œuvres du XVIIIe siècle. En 1928, cette collection est donnée à la Ville de Paris et devient le musée Cognacq-Jaÿ — situé dans l’hôtel Donon (3e arrondissement). Ernest Cognacq a toujours également été passionné par les techniques architecturales. Les styles, aussi. Sa petite entreprise réussit très bien. Peu à peu, il fait construire de nouveaux bâtiments. Quatre vastes magasins de style Art nouveau sont ouverts de 1905 à 1910. L’architecte Frantz Jourdain les conçoit. En 1922, Ernest projette d’agrandir encore le magasin 2. En 1924, la Ville de Paris refuse les plans de Frantz Jourdain, qui fait alors appel à son ami architecte Henri Sauvage. Au fur et à mesure de l’évolution du projet, le style d’Henri Sauvage s’impose, et se dessine alors un bâtiment Art déco doté de façades sobres en pierre, avec les derniers étages en gradins très spécifiques.

Restaurant Le Tout Paris au 7 ème étage © Alexandre Tabaste

Saut abrupt du XIXe au XXIe ! Le bâtiment Art nouveau est devenu aujourd’hui la Samaritaine nouvelle formule (rouverte en juin 2021). Conçu et finalisé par Henri Sauvage en 1928, le chef-d’œuvre de l’Art déco est aujourd’hui Cheval Blanc Paris. Ajoutez à cet ensemble de faits la passion pour les Arts de Peter Marino — architecte du palace et de Bernard Arnault, PDG de LVMH —, il était clair que ce projet titanesque serait dédié à l’Art dans l’acception la plus large du terme. Assurément un hommage aux Cognacq-Jaÿ. Peter Marino a imaginé Cheval Blanc Paris dans l’esprit d’un appartement privé. Le palace est conçu comme une résidence parisienne, un chez-soi d’exception, « un intérieur de collectionneur avisé ».

Chaque meuble a été conçu sur mesure, chaque objet, choisi, chaque détail, pensé avec audace et délicatesse. Une élégante harmonie placée sous le signe de l’art instillé très en amont dans la conception du projet. L’acquisition de lithographies de Sonia Delaunay a déterminé́ l’essence de bois — du citronnier — pour les murs sur lesquels elles sont accrochées. L’immense toile bleue du peintre Georges Mathieu a, elle, présidé à l’agencement du salon d’accueil. Le garde-corps de l’escalier de l’appartement au dernier étage a été spécialement commandé à l’artiste Claude Lalanne. « Le travail, les réalisations des artistes et artisans français ont été intégrés dans tous les aspects du bâtiment, explique, enthousiaste, Peter Marino. Certaines sont contemporaines, comme les commandes personnalisées faites à Ingrid Donat — qui a créé des dessins pour des panneaux de revêtement en bronze doré tapissant l’espace qui reçoit les guests dans le hall du 7e étage, ainsi qu’un bar en bronze texturé, bois et marbre. D’autres sont historiques, comme les textiles de Jean Lurçat datant de 1947. Nous avons également intégré des peintures contemporaines de Florian et Michael Quistrebert, des suspensions et lampes de chevet en marbre et plâtre de Philippe Anthonioz, le mobilier sculptural d’André Dubreuil ou le lustre magistral en bronze de Laurence Montano. »

Restaurant le Limbar au Rez de chaussé © Alexandre Tabaste

De la galerie d’entrée au Dior Spa Cheval Blanc, vous descendrez — telle une star hollywoodienne auréolée de volupté — le somptueux escalier façonné par l’artiste Sophie Mallebranche. Cette gigantesque œuvre artisanale, aux inspirations industrielles empreintes d’Art déco, se fond parfaitement dans l’atmosphère singulière de la Maison. Accrochés dans le lobby, deux tableaux monumentaux (plus de cinq pieds de haut) de l’artiste Vik Muniz rappellent l’Ouest parisien via son illustration de la tour Eiffel à la façon de Delaunay. Ils jouxtent la sculpture facettée du cheval blanc de l’architecte-artiste Frank Gehry. Et que dire du mur de marqueterie de paille, brins assemblés un à un et bord à bord par Lison de Caunes ? Et même de l’installation numérique à l’entrée du Dior Spa réalisée l’artiste américaine Jennifer Steinkamp, qui vit à Los Angeles et travaille sur commande ! Ici, elle a travaillé sur le côté floral de Dior. L’œuvre numérique diffusée sur écrans, complètement hypnotisante, donne à voir un motif floral qui pousse, s’anime et évolue au fil des saisons.

« L’astuce est de créer quelque chose de nouveau avec la sensation que cela a toujours été là. Ce sentiment d’appartenance, de familiarité est omniprésent et crucial pour un hôtel qui se doit d’être intemporel » conclut Peter Marino.

www.chevalblanc.com

Chiffres clés : 16 000 m2,72 chambres et suites, dont la moitié s’ouvrent sur la Seine

Texte Yves Mirande
Visuel à la une Escalier menant au Dior Spa Cheval Blanc réalisé par Sophie Mallebranche. © Alexandre Tabaste

Retrouver l’article Création sur l’Art du Cheval, dans Archistorm 112 daté janvier – février 2022