Les foires d’art et de design du mois de mars dernier ont permis de mettre en lumière des « premières ». Galeries exposant pour la première fois au PAD Paris, mais aussi à Art Paris, première mouture d’un nouveau salon, etc. Paris (re)devient l’incontournable place internationale des « very first time ».

Le PAD (Pavillon des arts et du design) – le rendez-vous désormais incontournable pour les amateurs et collectionneurs d’art et de design de haute facture – réunit une sélection éclectique de galeries. Chaque édition met en lumière un dialogue inédit entre les spécialités historiques et contemporaines. Le PAD fêtait cette année ses 25 ans en grande pompe. Effet anniversaire et succès inégalé, sur plus de 70 exposants, pas moins de 20 participaient au PAD pour la « very first time ». Et pas des moindres. La galerie indienne Aequō a été́ fondée par Tarini Jindal Handa en 2022. Elle exposait donc en tant que première galerie de design de collection en Inde. Sous la vision de la directrice créative Florence Louisy, le projet expérimental basé à Mumbai présente les meilleurs designers du monde à l’artisanat indien raffiné, donnant une importance mondiale au patrimoine artisanal du pays. La galerie s’est vu décerner le Prix du Design Contemporain du PAD, pour Ajanta Daybed en teck et paille de riz de Valériane Lazard, une sculpture sur bois réalisée à Bangalore et un tissage de paille (édition de 11 pièces).

Les allées de Art Paris, au Grand Palais Éphémère en mars 2023 © Marc Domage

Ceux qui arpentent les rues de Milan lors du Salone del Mobile savent qu’un des passages obligés est la galerie Dimorestudio fondée par Emiliano Salci et Britt Moran en 2014 au deuxième étage d’un palais milanais du XIXe siècle. Lieu conçu à l’origine comme l’appartement privé des deux fondateurs, il a ensuite été transformé en une galerie composée de six pièces, où des objets du milieu du siècle, italiens et étrangers, coexistent avec des objets contemporains de la scène internationale du design, ainsi qu’avec les propres productions du duo regroupées sous la marque Dimoremilano. Les pièces historiques sont toujours sélectionnées pour le rôle qu’elles ont joué dans l’histoire du design, et pour leur capacité à allier concept et savoir-faire, forme et fonction, tradition et innovation. Dimorestudio exposait également pour la première fois au PAD. Un stand clos par des lés de tissus qu’il fallait écarter pour apercevoir l’ensemble des objets scénographiés dans une semi-pénombre. Pour cette première, Dimorestudio a reçu le Prix du Stand 2023. Autre première… celle d’Alexis Mabille, qui nous transporte dans la scène d’un film de Sacha Guitry avec un travail de création et de fabrication exceptionnel. Les lignes arrondies, douces, fluides, élégantes enveloppent, la main est attirée par le mohair du tissu recouvrant le canapé et le marbre veiné sang de l’immense table basse. Membre officiel de la Fédération de la haute couture et de la mode et chevalier des Arts et des Lettres, Alexis Mabille est reconnu pour son art du vêtement. Il dévoilait ainsi une nouvelle facette de son univers créatif : la décoration d’intérieur. Comme une silhouette doit mettre en valeur le corps tout en étant confortable, un intérieur doit exprimer la personnalité de son hôte tout en étant adapté à son mode de vie. Son style décoratif est à son image, il fait cohabiter les époques, mêle les styles, manie les volumes, joue avec les matières et les couleurs. La spécificité de BEAUBOW est aujourd’hui de créer des environnements chaleureux et sophistiqués, qui prennent vie avec leurs hôtes.

La School Gallery, fondée en janvier 2008 par Olivier Castaing, fête cette année ses 15 ans. Installée dans le Haut-Marais à Paris, à proximité de la Gaité Lyrique, cette galerie se veut un lieu de découverte et de promotion de l’art contemporain sous toutes ses formes, des installations à la vidéo en passant par la sculpture et la céramique, la peinture, le dessin, la photo, le design et les créations d’architectes. Première fois également au PAD avec des pièces étonnantes en grès de Muriel Persil où la nature semble avoir totalement repris gentiment le dessus sur des objets usuels (chaise, etc.). Première au PAD également pour Ceramics NOW, un projet qui a pour but de mettre en lumière la diversité et la vivacité de l’art de la céramique, en pleine renaissance aujourd’hui. Dirigé et curaté par Raphaëlla Riboud-Seydoux et Florian Daguet-Bresson, la sélection des œuvres de Ceramics NOW expose (ce qui à leurs yeux constitue) le meilleur de l’art de la céramique contemporaine, au travers de créations d’artistes qui, par leur force, leur génie, leur liberté et parfois leur humour, donnent naissance à des perceptions et valeurs d’aujourd’hui. Autre galerie… NAG, née de la réflexion de Natacha Dassault et de sa passion pour l’art et les artistes. Diplômée en histoire de l’art et archéologie, elle partage et fait découvrir ses coups de cœur artistiques. NAG présentait des œuvres d’art de David Rodriguez Caballero et de Karen Swami mises en lumière et en scène avec du mobilier design (Paul Evans, Poul Henningsen, George Nakashima, Christophe Gevers, Pol Quadens,etc.) chiné par Giulia de Jonckheere. Un hommage était également rendu au photographe Olivier Dassault, avec de très belles photographies abstraites de grand format qui créaient un lien avec l’ensemble des objets. (Autres premières galeries sur le site du PAD.)

PAD Paris, Galerie Derouillon, Solo show Alexandre-Benjamin Navet © Marc Domage

Art Paris fêtait également ses 25 ans. Cette édition anniversaire réunissait pour l’occasion 134 galeries de 25 pays du 30 mars au 2 avril 2023 au Grand Palais éphémère. Au fil des années, Art Paris est devenue le rendez-vous artistique incontournable du printemps, une foire qui met à l’honneur la découverte, qui innove, qui défriche et qui explore l’art moderne et contemporain. La sélection 2023 proposait une liste renouvelée et puissante avec aussi des « very first time ». Portée par le succès de ses précédentes éditions, la sélection 2023 poursuit la montée en gamme de la foire avec une liste d’exposants renouvelée à 33 % (soit 43 nouvelles galeries par rapport à 2022) et la présence de galeries majeures qui s’ancrent durablement dans la foire. 60 % des exposants sont français et 40 %, étrangers. Cette volonté de la foire permet de valoriser la richesse de l’écosystème des galeries hexagonales : des enseignes incontournables en art moderne et contemporain aux galeries en région, tout en passant par le soutien aux plus jeunes structures grâce au secteur « Promesses ». Almine Rech signe ainsi son retour aux côtés de Continua, Lelong & Co., Mennour, Perrotin, Templon et Nathalie Obadia. On note aussi le retour des galeries Derouillon, Dina Vierny, Catherine Putman, Maria Lund, Anne-Sarah Benichou tandis que la galerie Maïa Muller signe sa première participation. Du côté étranger, la liste des pays s’étend avec une première participation d’une galerie chilienne (AMS), ougandaise (Afriart), roumaine (Gaep), libanaise (Saleh Barakat Gallery). La Turquie est représentée cette année par deux galeries (Martch Art Project et The Pill), ainsi que le Maroc avec le Comptoir des Mines et l’Atelier 21, tandis que la Corée totalise quatre participations avec H.A.N. Gallery, Gallery Woong, Simon Gallery et 313 Art Project. On note également l’arrivée d’A Palazzo (Brèche), Baronian (Bruxelles), HdM Gallery (Pékin), Francesca Minini (Milan), Poggiali (Florence) ou encore celle de Nosbaum Reding (Luxembourg). La présence des modernes s’étoffe avec le retour des galeries Ditesheim, Zlotowski, Repetto et la première participation de Retelet (Monaco). De même du côté de la photographie avec les premières participations de Bigaignon et Fisheye Gallery, ainsi que le retour de Camera Obscura. Pour information, on note que « pour sa première participation à Art Paris, la galerie Bigaignon (Paris), qui présentait l’artiste Máté Dobokay, repart avec une trentaine de ventes conclues, dont 28 à de nouveaux clients » (source Le Quotidien de l’art). La qualité de la sélection et des accrochages, sans oublier les deux thématiques sur l’engagement et l’exil, portées respectivement par les commissaires invités Marc Donnadieu et Amanda Abi Khalil, ont été plébiscitées par l’ensemble des visiteurs. Ceux-ci ont souligné la montée en puissance de la foire tant au niveau de sa sélection qu’en matière de contenu. Aujourd’hui, Art Paris s’impose comme le rendez-vous central du printemps pour l’art moderne et contemporain à Paris.

Autre première… celle d’un tout nouveau salon nommé UnRepresented… spin-off du salon A PPR OC HE crée il y a six ans par Emilia Genuardi. « Pour la première fois, collectionneurs et artistes s’associent pour une nouvelle foire, témoignage de l’engagement des collectionneurs à soutenir les artistes non représentés. Parce que ces artistes, certains émergents d’autres établis, sont les grands de demain et représentent une partie essentielle de la scène contemporaine, nous avons voulu leur donner une place de choix. Ce salon nouveau et original conserve l’essence originale d’un A PPR OC HE : une foire d’art à échelle humaine dédiée aux artistes qui expérimentent le médium photographique, construite comme une exposition et composée uniquement de spectacles en solo », explique Emilia Genuardi, directrice et fondatrice. De très belles découvertes comme le travail de Julien Lombardi autour de l’excavation et présenté par Frédéric de Goldschmidt. Le travail de Lucie Khahoutian faisant écho à la rencontre Orient/Occident, soutenu par Agnès B., ou celui de Bruno Fontana sur le recensement de divers objets industriels architecturaux soutenu par Jacques Font. Art Basel Paris +, qui s’est tenu au mois d’octobre dernier, avait ouvert le bal des « premières ». L’ensemble de ces « very first time » et les « cartons » de fréquentation et de transactions financières qu’ils ont générés montrent l’appétence (pour ne pas dire l’appétit) de tous les publics : simples curieux de l’art, acheteurs occasionnels, galeristes, collectionneurs, institutions. Car la création – dans son acception la plus large possible – est bien le cœur de la réflexion et la clé de voûte de ce qui est en train de se passer. La culture permet la prise de distance, la réflexion, l’élévation des esprits… Soyons tous des créatifs quel que soit le domaine et créons sans cesse des « premières ».

 

Texte : Yves Mirande
Visuel à la une : Photo Alexis Mabille © Francis Amiand

— retrouvez l’article sur la création Premières dans Archistorm 120 daté mai – juin 2023 !