PORTRAIT

MARC MIMRAM

 

©Sami Trabelsi

À la rencontre de l’architecture et de l’ingénierie, Marc Mimram élabore depuis 25 ans une démarche spécifique pour concevoir et construire ouvrages d’art, infrastructures et projets architecturaux en France et à l’étranger. Alors qu’il vient de livrer la nouvelle gare TGV de Montpellier, retour sur la méthode de travail de l’agence.

« Chaque nouveau projet ne commence pas avec un dessin, une idée… Il a déjà maturé quelque part, autrement, d’une autre manière. Il y a toujours une rencontre avec le réel qui s’est opérée avant que l’on se mette en situation de faire un projet virtuel. Le chantier informe le projet », explique immédiatement Marc Mimram lorsqu’on le questionne sur sa démarche de travail. Ainsi en est-il de la nouvelle gare TGV de Montpellier conçue par l’agence à partir de 2014, livrée fin 2017 et dans laquelle les premiers trains circuleront à l’été 2018. Cette « gare méditerranéenne de l’ombre, et non pas de la lumière » présente cinq coques de béton fibré à ultra-hautes performances (BFUP) d’une épaisseur de 5 centimètres, percées de micro-ouvertures. Pour la première fois, un ouvrage en BFUP sert à la fois de structure et de couverture : l’aboutissement, pour l’architecte-ingénieur, d’une démarche engagée des années auparavant, au cours desquelles il a observé et rencontré des artisans de ce matériau, partagé leurs savoir-faire et imaginé, à la demande d’une entreprise du secteur, des projets virtuels.

 

Cette vision particulière – ce choix de définir le projet avant tout par le chantier –, Marc Mimram l’assume comme méthode de projet : « Le faire permet de penser et les conditions de production sont toujours des conditions du projet. » Cette articulation incessante entre des temps de travail aujourd’hui bien souvent traités successivement dans l’exercice architectural apparaît aussi comme l’un des moyens de réintégrer les données économiques dans l’équation du projet. C’est ainsi par exemple qu’est né l’immeuble de bureaux « Panorama » bientôt achevé dans la ZAC Paris Rive Gauche, secteur Tolbiac-Chevaleret : sur le faisceau des voies ferrées de la gare d’Austerlitz, à l’opposée du scénario (coûteux en temps et en argent) envisagé par la SNCF et Icade – couvrir les voies d’une dalle pour y élever un immeuble de bureaux de 15 000 m2 –, c’est un bâtiment qui porte la dalle, soit un immeuble-pont, sans point d’appui intermédiaire, que l’agence est parvenue à concevoir et à construire en cinq ans, et grâce à la proposition d’une nouvelle répartition des financements initialement séparés entre ouvrage d’art et maîtrise d’œuvre de l’immeuble.

 

Mais cette manière « de commencer à l’envers », Marc Mimram la revendique aussi « de manière un peu provocatrice » : « J’ai le sentiment, dit-il, que nous sommes aujourd’hui dans une situation de rupture où les architectes s’éloignent de la réalité des choses. » Or, pour lui, « ça n’est pas un devoir moral, c’est aussi là le plaisir de l’architecture ». Un plaisir qu’il apparaît essentiel de préserver car cette méthode qui, pour certains projets, « intègre l’usine dans l’agence », est aussi celle qui garantit d’entretenir « le rapprochement des hommes, la mise en partage des savoirs intellectuels et manuels », soit « ces instants de bonheur où l’on voit collectivement les choses se faire ».

 

Texte : Maxime Decommer

Visuels : © Sami Trabelsi

 

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