RÉALISATION

RENZO PIANO BUILDING WORKSHOP

 

Après un chantier mouvementé, la Citadelle d’Amiens a été entièrement reconfigurée et transformée par Renzo Piano pour accueillir les étudiants de l’Université de Picardie Jules Verne. Un habile mélange d’histoire et de modernité dans lequel excelle l’architecte génois qui a également su reconnecter cette forteresse à la ville.

Amiens : un site de 18 hectares en plein cœur de la ville, une forteresse historique à réinventer et Renzo Piano aux commandes. Initié en 2010, cette opération ambitieuse trouve aujourd’hui son épilogue. Après un chantier aussi conséquent que mouvementé, plus de 4 000 étudiants en sciences humaines, langues, histoire-géographie et lettres ont enfin effectué leur rentrée dans des locaux flambants neufs, entre les fortifications de la Citadelle où l’Université de Picardie Jules Verne (UPJV) vient de s’installer. Fidèle à sa façon de faire, fort de son talent, l’architecte italien a su faire preuve de déférence vis-à-vis de l’histoire tout en affirmant la nouvelle contemporanéité de cet emblème patrimonial. Reconstruire la ville sur la ville pour renouveler le territoire de façon durable dans la capitale de Picardie : tel était l’enjeu de cette opération.

À l’origine de ce projet se trouve un édifice historique, la Citadelle d’Amiens, commanditée par Henri IV et jusqu’à présent largement méconnue des Amiénois. Interface entre les quartiers nord et le centre-ville, cet ouvrage pentagonal, qui comportait initialement cinq bastions, se compose d’un ensemble de bâtiments édifiés à la fin du XVIe siècle et au début du XVIIe siècle par l’ingénieur Jean Errard, autour d’une place d’armes. L’armée quittera les lieux en 1993. Cinq ans plus tard, la ville rachète la citadelle afin d’ouvrir ce site militaire et de les restituer aux habitants par un programme fédérateur.

Cette métamorphose à imaginer fait l’objet d’un concours d’architecture en 2010, remporté en 2011 par Renzo Piano Building Workshop devant des confrères tout aussi renommés : Jean Nouvel, Dominique Perrault et Francis Soler. Objectif, réactiver cet emblème de la ville par un programme universitaire tout en questionnant l’échelle territoriale. Fermé pendant quatre siècles, l’ensemble est désormais reconnecté à la ville après six années d’un chantier mouvementé. Car au-delà de la vocation universitaire des lieux, l’un des enjeux majeurs était de désenclaver cette citadelle implantée sur la rive nord de la Somme.

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Les pavillons nord résentent des façades vitrées toute hauteur. Leur structure est composée d’une charpente métallique poteaux-poutres sur laquelle s’appuie un plancher collaborant terre cuite-béton. Ces planchers sont préfabriqués grâce à des éléments de 8 mètres de long, constitués d’extrusions en forme de demi-voûtes de terre cuite, lesquelles sont solidarisées par une poutre de béton coulée au milieu. © Michel Denancé

Un chantier mouvementé pour un projet ambitieux

Dans la ville où Auguste Perret a imprimé sa marque avec un monument iconique, Renzo Piano souhaite à son tour agir à l’échelle du territoire. Il a gagné le concours avec un parti résolument urbain. « Le site doit être ouvert et accessible à la ville, à la vie de chaque jour, que l’ensemble soit tolérant et que, dans la journée, enseignement et vie quotidienne se mélangent. Tout tourne autour de la Place. C’était une Place d’armes. Cela devient un lieu de rencontres, d’échanges, de partage puisque c’est justement dans la Place que l’Université se réalise. La Place, c’est un lieu dans lequel les différences s’estompent, les expériences se mélangent et les peurs disparaissent » expliquait l’architecte italien en 2015 lors de la présentation du projet.

Les chantiers complexes ne font pas peur à Renzo Piano. Néanmoins, il lui serait difficile de nier à quel point celui de la Citadelle d’Amiens s’est déroulé sous haute tension, faisant les choux gras de la presse locale, suscitant l’impatience des étudiants et l’exaspération de la maîtrise d’ouvrage avec qui la relation fut pour le moins tendue. Maintes fois retardée, la rentrée était initialement prévue en décembre 2015, puis reportée en 2016, puis l’année suivante… Amiens Métropole allant  jusqu’à refuser la réception du chantier en 2017, en raison d’un nombre trop important de réserves à lever. Mais en septembre dernier, les étudiants ont bel et bien effectué leur rentrée entre les murs de la Citadelle. La facture à plus de 110 millions d’euros a été entièrement financée par des fonds publics, ce qui a largement contribué à alimenter la polémique. Le résultat, particulièrement convaincant, devrait peu à peu dissiper les tensions. Car cette opération est bien plus qu’un nouvel équipement universitaire.

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Caserne elevation © RPBW

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Caserne coupe © RPBW

Histoire et modernité

Le projet portait sur la réhabilitation de deux édifices existants principaux (le casernement et les écuries), la restauration des bâtiments protégés au titre des Monuments Historiques et la construction de bâtiments neufs pour loger un programme conséquent de 30 000 m² (amphithéâtres, bibliothèque universitaire, salles de cours, laboratoires, salles multimédias, laboratoires, gymnase, points de restauration…). Majestueuse par ses proportions, l’ancienne place d’armes (3 000 m²) devient le centre névralgique du projet autour duquel s’agrègent les différents éléments du programme. Forum pour les étudiants, elle est aussi ouverte aux Amiénois. Point de passage emblématique du projet, cette place trouve son identité dans le traitement du sol par des éléments en terre cuite extrudés appelés diabolos, spécifiquement mis au point pour cette opération. Composés d’un mélange terre-pierre, les joints épais laissent pousser la pelouse entre les lignes orangées. À cette échelle, l’effet graphique de traitement à la fois minéral et végétal est saisissant. On retrouve ce même sol sur la toiture de l’ancien casernement au nord, longue de 115 mètres et librement accessible au public. De part et d’autre de la place, les deux zones principales de l’opération : le casernement et les écuries. Côté casernement au nord, trois bâtiments ont été créés parallèlement à celui, existant, qui a été réhabilité. Ils sont réalisés en charpente métallique poteaux poutres qui reçoit une autre innovation technique : les voussoirs en briques. Ces planchers collaborants béton/terre cuite sont formés de modules de terre cuite extrudés de 9 mètres de longueur. Ils ont également fait l’objet d’un développement spécifique pour cette opération et d’un système breveté en 2013 qui répond à la norme ATEX. Si Renzo Piano a choisi la brique à plusieurs reprises, c’est certes parce qu’elle figure par ses matériaux de prédilection mais surtout parce qu’elle est omniprésente dans la citadelle. (…)

Texte : Maryse Quinton
Photos : Michel Denancé

Découvrez l’intégralité de l’article de Maryse Quinton sur le pôle universitaire de la Citadelle d’Amiens, au sein d’Archistorm #94