La résidence de l’Étoile à Bobigny fait partie de l’histoire d’Emmaüs Habitat depuis 1954, date de sa création à la suite de l’appel lancé par l’Abbé Pierre pour répondre aux besoins en logements locatifs sociaux.

Cependant la cité de l’Étoile à Bobigny constitue un témoin remarquable d’émergence du logement social et de nouvelle composition urbaine dans le cadre de l’opération « Million ».

« La ville s’écrit sur la ville… Et avant tout permis de démolir, il faut se poser au préalable la question d’un permis de conserver. La reconnaissance patrimoniale permet de désigner le patrimoine comme une ressource pour la composition urbaine de la ville durable. »

C’est ainsi que, dans le cadre d’une convention ANRU, une rénovation complexe, passionnante et ambitieuse pour une cité emblématique, menée avec détermination, a permis de réussir ce triple enjeu de satisfaction des résidents, de pérennisation patrimoniale dans ce XXIe siècle, de respect architectural dans sa conception et son esprit initiaux.

La rénovation du quartier de l’Étoile est le fruit de près de 20 ans d’engagement du bailleur et de la Ville. (…) Pour la Ville, l’enjeu de cette rénovation dépassait les frontières de l’Étoile. C’est l’ensemble des quartiers de l’ouest balbynien qu’il s’agissait d’amarrer mieux au centre-ville.
Abdel Sadi, Maire de Bobigny – Conseiller départemental

Nous devions être à la hauteur de notre passé et des enjeux pour réussir les 60 prochaines années, en rénovant ce patrimoine historique tout en préservant les richesses de son architecture initiale, satisfaire les dernières normes thermiques, techniques, mieux adaptées aux personnes à mobilité réduite.
Clément Lhomme, Directeur du Développement et de la Maîtrise d’Ouvrage – Emmaüs Habitat

Le patrimoine, base du projet urbain de la ville durable

 L’intervention de réhabilitation patrimoniale de la cité de l’Étoile concerne un ensemble de bâtiments dit « Million » ainsi qu’une tour, réalisés dans les années 1955-1960 par l’équipe Candilis- Josic-Woods.

Devant des dangers de destruction, la cité est placée en instance de classement le 21 avril 2010 par le ministère de la Culture. Sous l’égide de l’ANRU et du ministère de la Culture, un projet alternatif est élaboré par l’agence Groupe d’Architecture Ellipse, proposant de conserver des ensembles significatifs de la cité.

Le plan urbain réalisé de la ville durable

L’intervention sur la cité se situe dans le cadre du PRU Grand Quadrilatère de Bobigny, qui vise à une rénovation d’ensemble du secteur.

Extrait d’itw avec Loïc Josse et Patricia Martineau, Groupe d’Architecture Ellipse

Quels ont été les choix de réhabilitation et de démolition ?

Face à un patrimoine architectural aussi significatif, les choix à opérer entre démolition et réhabilitation sont forcément complexes. (…) La volonté de désenclavement de la cité, notamment par le mail Simone-de-Beauvoir, imposait la démolition partielle d’un bâtiment, démolition qui faisait consensus pour réaliser ce nouveau mail.

Quels ont été les principes directeurs des interventions sur l’architecture et les façades ?

L’une des caractéristiques principales du projet Candilis – Josic – Woods est la qualité du graphisme des façades tout en composant avec des matériaux simples. Les interventions ont ainsi principalement visé à retrouver les qualités esthétiques initiales de la conception, alors que celles-ci avaient été fortement dégradées.

Comment les interventions lourdes sur les logements se sont-elles déroulées ?

L’enjeu principal était de pouvoir proposer des logements habitables aux normes de qualité actuelles, à partir d’une opération Million, c’est-à-dire un habitat économique adapté aux usages des années 1950 à la suite de la crise du logement. Le premier problème à résoudre était celui de la taille réduite des logements, ce qui nous a amenés à proposer un déclassement général des typologies de logement, les T3 devenant T2 par exemple. (…) Le premier problème à résoudre était celui de la taille réduite des logements, ce qui nous a amenés à proposer un déclassement général des typologies de logement, les T3 devenant T2 par exemple. (…) Il était important que ces nouveaux logements répondent aux critères d’usage optimal actuels : performance énergétique grâce à l’isolation par l’intérieur, refonte totale des systèmes de chauffage collectif et d’eau chaude sanitaire pour atteindre le label BBC Effinergie.

Quelle a été l’une des transformations majeures apportées au projet initial ?

L’un de nos apports nouveaux au réaménagement de la cité consiste notamment dans une modification des rapports des bâtiments avec le sol et un réaménagement complet des RDC.

Habitat contemporain et patrimoine

Le projet s’est concentré sur le confort et la valeur d’usage des logements avec un déclassement systématique des typologies des bâtiments Million et une restructuration lourde pour conserver des logements familiaux.

Programme

Réhabilitation lourde en milieu non occupé de 339 logements
Million en 295 logements avec reprise des typologies et des surfaces
Réhabilitation de la tour de 128 en 125 logements
Démolition de 219 logements
Isolation thermique par l’intérieur
Changement des menuiseries extérieures
Création de halls et d’équipements à RDC dont un tiers-lieu : bureaux gestionnaire habitat, personnels de proximité et gardiens
Redécoupage foncier, création d’espaces publics et résidentialisation.

Esthétique du projet : redonner sa dimension historique à l’ensemble

La couleur du quartier

La recherche de principe de coloration

Grâce à l’analyse historique et à l’exploitation des archives, l’équipe de maîtrise d’œuvre a proposé un principe de coloration en cohérence avec l’analyse de la conception initiale qui s’articule autour de deux points :

  • Une double typologie des façades principales basée sur trois couleurs : blanc, gris, noir (menuiseries).
  • Une localisation d’éléments plus colorés, concernant les pignons rentrants, les escaliers et coursives, ainsi que les balcons.

La Tour

Volume et dessin de qualité

Comme c’est souvent le cas dans les plans de Candilis, la tour est articulée en quatre branches.

Qualité des façades

Le principe des façades est assez simple. À chaque trame correspond le même dessin, et celui-ci est symétrique pour le logement voisin.

Les dessins sont donc inversés de trame en trame. Si ce système confère une certaine richesse à la façade, son inconvénient majeur est de placer la plus grande baie vitrée soit côté séjour, soit côté cuisine. Ce qui est dommage dans le second cas. Si l’on peut aisément inverser les façades, cela s’avère plus délicat pour les logements pour des raisons techniques évidentes.

Tel un village abritant 2000 habitants, notre cité de l’Étoile a été conçue avec une tour centrale, un totem, un signal identifiable de loin.
Nous nous sommes posés beaucoup de questions sur son devenir, une démolition ? une hauteur plus basse ? une rénovation ? (…) La tour 25 est constituée de petits logements type studio et T2 en majorité, ces logements jeunes en habitat vertical qui viennent en complément des grands logements familles en habitat horizontal voisin.
Les liaisons des bâtis collés à la tour 25 avec les bâtiments B et D rendaient difficile la démolition ; et les deux commerces en pied de la tour, la pharmacie et la supérette, véritables liens sociaux entre les habitants, ne pouvaient pas être fermés durant les travaux.
Les ascenseurs de la tour apportent un accès PMR à tous ses logements ainsi que des vues sur Paris qui font prendre de la hauteur voire de l’ambition à chacun de ses heureux locataires.
Clément Lhomme

Les « Million »

Dans le cadre de l’opération Million et de la commande de l’Abbé Pierre, le choix est de produire du logement social de qualité à des coûts réduits : la trame constructive est répétitive et les matériaux simples pour les façades – briques, béton, peinture, menuiseries bois.

Les usages du commun revisités

Des passages traversants aux halls réaménagés : les rez-de-chaussée revisités

L’un des apports majeurs de la réhabilitation a consisté à réconcilier les bâtiments avec leur rapport au sol. Cette réinterprétation s’est traduite par le réaménagement complet des RDC avec la création de halls en lieu et place des passages traversants, avec locaux vélos et poussettes, mise aux normes de sécurité incendie et fermeture de l’escalier vis-à-vis des coursives.

La mise en valeur des accès et la création d’une nouvelle écriture architecturale des soubassements sont marquées par un travail spécifique de serrurerie et de menuiserie en cohérence avec le dessin des façades et l’esthétique initiale des menuiseries.

Requalification des espaces extérieurs

Les espaces extérieurs de l’Étoile ont subi, au fil du temps, de nombreuses modifications et peu d’éléments du dessin initial persistaient.
Il était donc nécessaire de repenser ces espaces, de définir leurs usages, de leur rendre leur fonction, de créer de nouvelles rues, et de réorganiser les espaces piétonniers. Établir une nouvelle gestion des déplacements pour reconnecter l’ensemble aux voies urbaines du quartier du Quadrilatère.
Thibaud de Metz, Studio Arpentère Paysagiste

Contribuer à la dynamique du quartier

La terrasse, issue du projet de Candilis, composée d’éléments en béton auxquels s’incorporent des massifs de pelouses, a été restituée. Elle accueille la pharmacie et les bureaux de gestion d’Emmaüs Habitat. Des rampes ont été ajoutées aux escaliers d’origine pour répondre aux réglementations d’accessibilité.

Le Carré Rouge a retrouvé sa fonction initiale de square public. Des arbres supplémentaires ont été plantés, et la diagonale existante sur le plan de Candilis a été réinstaurée, créant un lien avec le mail Simonede-

Beauvoir. Cet espace, désormais ouvert et connecté à l’ensemble de la cité, constitue la place centrale et structurante du quartier.

Différencier ou Identifier espaces publics et privés

À l’origine, la cité de l’Étoile était une immense assiette foncière. Il s’agissait de définir précisément les périmètres des emprises foncières privées (Emmaüs Habitat) et ceux des espaces publics (Ville ou Communauté d’agglomération).

Opter pour des matériaux et une palette végétale respectueux du patrimoine et du projet Candilis

Avec Loïc Josse, nous avons redéfini les pieds d’immeubles afin de mettre à distance les rez-de-chaussée.

Dénués de portillon, les pourtours d’immeubles restent accessibles.

Des bordures basses, réalisées sur mesure en acier plein de couleur noire dessinent un périmètre autour des résidences et longent les cheminements piétons jusqu’aux différentes entrées d’immeubles.

Plusieurs éléments participent à différencier chaque résidence, notamment des arbres aux floraisons remarquables, mais aussi les dallages en béton qui marquent le cheminement vers les halls d’immeubles. Les motifs dessinés, sobres mais individualisés, entrent en dialogue avec la trame architecturale des bâtiments.

Un chantier de longue haleine

Réaliser l’ensemble des réhabilitations des bâtiments ainsi que pallier les contraintes de désamiantage total ont induit d’importantes difficultés pour gérer les relogements soit temporaires soit définitifs des locataires ; ces difficultés ont influé sur le rythme de l’opération qui aura finalement mis dix ans à se réaliser.

Cette opération, à l’avant-garde de l’époque que nous traversons démontre, qu’il est possible de répondre à toutes les obligations environnementales et sociétales, et nous apparaît comme une réponse possible au mieux-vivre ensemble.
Eric Frager, Directeur Bâtiment Île-de-France Terideal

Résilience du projet initial : une ville antifragile

L’attractivité de la cité de l’Étoile est désormais liée aux transports en commun qui arrivent à proximité avec le tramway au pied de l’hôpital Avicenne voisin, aux lignes de bus desservant la rue de l’Étoile, bref un quartier connecté au centre-ville de Bobigny et à sa ligne de métro direct vers Paris.
Accès à la culture, à l’éducation des enfants, aux services pour les plus jeunes comme pour nos aînés.
Frédéric Leonhardt, ANRU

Texte : Élisabeth Tran-Mignard, Cléa Calderoni
Photos : Loïc Josse, Thibaud De Metz, Archives Emmaüs Habitat

— Retrouvez l’article dans Archistorm 125 daté mars – avril 2024