Chez Leclercq Associés, le projet ne naît jamais d’une vision solitaire. Depuis sa création au début des années 1990 par François Leclercq, l’agence cultive une approche collective et collaborative, où l’architecture, l’urbanisme et le paysage s’entrelacent pour penser la ville autrement. Ses ambitions sont simples : apporter des réponses pertinentes et claires à des problématiques en prenant en compte le contexte sous toutes ses dimensions – urbaines, sociales, économiques et politiques.
S’entourer de différents experts et échanger avec eux est alors indispensable. Aujourd’hui, l’agence compte cinq associés – François Leclercq, Pierre-Louis Leclercq, Jean Leclercq, Charles Gallet, Paul Laigle – et de nombreux collaborateurs aux profils variés. Une force qui lui permet d’évoluer en permanence, en dialogue constant avec les enjeux de la société. Installé depuis 2004 dans un ancien atelier industriel, dans le 20e arrondissement de Paris, Leclercq Associés poursuit une vision où l’échange humain permet d’allier une meilleure compréhension du territoire, une innovation constructive et une sensibilité spatiale. Rencontre.
Une vision collective de l’urbanisme
La ville est pensée pour le vivre-ensemble. Pour être transformée, elle doit être abordée avec cette même logique de cohabitation. Écouter chaque point de vue, intégrer chaque facette du tissu urbain est ainsi essentiel. Leclercq Associés l’a compris dès ses débuts. « L’architecte urbaniste joue un rôle central en tant que médiateur entre les avancées technologiques et les besoins humains », expliquent les associés. Il coordonne et maintient un équilibre entre la dimension technique et complexe du métier et la prise en compte du facteur humain. Cela implique alors de faciliter le dialogue entre les acteurs d’un projet, pour garantir que les choix effectués soient à la fois justes, adaptés et durables. La collaboration est donc au cœur de leur démarche. Qu’elle soit interne – entre urbanistes, paysagistes, ingénieurs, hydrologues, philosophes, artistes audiovisuels, géographes, spécialistes en sciences politiques – ou externe, en lien avec des partenaires, elle enrichit l’agence de manière plurielle. Croiser les regards, confronter les idées les amènent à proposer des solutions innovantes et ancrées dans la réalité. Le projet sur le vaste territoire du Nord-Est de Paris marque un tournant pour l’agence dans cette démarche collective. Ce projet a structuré une nouvelle manière de concevoir, fondée sur l’expertise pluridisciplinaire et l’ouverture aux incertitudes liées aux mutations sociales, politiques ou climatiques. Amorcé en 2004, il montre l’importance d’une lecture globale du contexte – historique, économique, sociale et environnementale – et l’implication de chaque discipline pour proposer des solutions spécifiques, loin des modèles standardisés. Car il ne s’agit plus seulement de dessiner la ville, mais d’écrire son récit, de formuler des scénarios ouverts, capables de s’adapter aux mutations, et portés par des acteurs engagés. Notamment dans un système métropolitain aussi complexe que celui de Paris.
Le paysage et l’architecture, une rencontre symbiotique
Cette logique du récit se poursuit dans le lien entre l’œuvre humaine et celle de la nature. Entre paysage et architecture, l’approche est symbiotique : les deux se nourrissent et se valorisent. L’agence collabore depuis ses débuts avec des paysagistes et a progressivement intégré cette compétence à ses équipes. Alors que les enjeux écologiques imposent un changement profond de paradigme, cette articulation devient centrale. Elle s’exprime jusque dans les matériaux. « Nous accordons beaucoup d’importance à la matérialité dans nos projets, au dialogue entre différents matériaux, aux détails et finitions qui sont, selon nous, le fondement d’un bâtiment ou d’un espace public de qualité », expliquent les membres de l’agence. Elle cherche à réduire l’usage du béton et du métal afin de limiter l’empreinte carbone, tout en assurant la pérennité et la mutabilité du bâti. Chaque matériau est ainsi choisi selon une réflexion globale intégrant le contexte, les usages, et répondant aux contraintes techniques et budgétaires.
Le projet Montpellier Hippocrate, actuellement en chantier, illustre cette démarche. Il propose un nouveau modèle d’espace de travail, adapté à notre époque. La structure, construite en terrasse, est pensée comme une extension du paysage. La matière terre s’entrelace avec des plantes grimpantes sur la façade, et les espaces de travail s’ouvrent largement vers l’extérieur, offrant flexibilité et qualité d’usage. Côté matériaux, l’agence privilégie les ressources locales et biosourcées. La paille de riz de Camargue, par exemple – un déchet agricole courant en Occitanie – devient ici un matériau de construction, réduisant l’empreinte carbone du bâtiment. « En tant qu’urbanistes, nous explorons les territoires pour en révéler les potentiels, et en tant qu’architectes, nous militons pour reconnecter la construction aux ressources locales », résume l’agence. Ce choix traduit une volonté de reconnecter la construction aux ressources du territoire et de faire émerger des solutions sobres et engagées.
Poursuivre le récit de l’existant
Si les matériaux jouent un rôle clé dans la transition écologique, le regard porté sur le patrimoine bâti en constitue un autre. Aujourd’hui, penser la ville de manière durable, c’est aussi choisir la transformation plutôt que la démolition. Réinvestir, réhabiliter, adapter les espaces existants, notamment en périphérie, devient un geste engagé. C’est une nouvelle posture plus respectueuse de nos villes et de nos architectures, que Leclercq Associés prend comme un défi pour redynamiser ces lieux et leur offrir un nouveau récit. « En tant qu’architectes et urbanistes, nous avons le pouvoir et la responsabilité de formuler ces prospectives, de participer à la bataille des récits et d’imaginer des futurs désirables », affirment les collaborateurs de l’agence. Elle accompagne cette transformation à travers des démarches longues, sur des territoires qu’elle suit dans le temps, comme à Marseille.
L’agence observe une évolution de l’urbanisme, où la voiture laisse place aux mobilités douces, au végétal et à la requalification des espaces oubliés. Friches, zones commerciales et délaissés sont repensés comme des opportunités pour inventer des récits alternatifs, plus résilients et sensibles.
Ce pôle fédère une grande variété d’acteurs, institutions publiques, privées, chercheurs ou partenaires internationaux, autour d’études stratégiques à différentes échelles. En France, en Europe – comme dans le cadre d’une coopération franco-allemande sur les formes urbaines – ou à l’international. Notamment sur le continent africain, où l’agence intervient dans des contextes climatiques marqués qui nécessitent des stratégies bioclimatiques adaptées. « Nous privilégions les savoir-faire vernaculaires et les matériaux du site, des systèmes constructifs simples, plutôt que des solutions déconnectées du contexte ou excessivement technologiques. » Cette approche permet de concevoir des espaces résilients, en harmonie avec leur environnement et les usages locaux.
Chez Leclercq Associés, tout est affaire de lien : entre disciplines, échelles et temporalités. Le collectif n’est pas seulement une méthode, mais un levier de transformation. Face aux défis climatiques, mais aussi sociaux et technologiques, l’agence défend un urbanisme ouvert, capable d’anticiper les mutations à venir et de proposer des espaces durables, inclusifs et ancrés dans leur contexte. Inventer la ville, ici, c’est conjuguer le sensible et le stratégique, l’humain, le vivant…
et la diversité des usages.
Par Louise Conesa
Toutes les photographies sont de © Juan Jerez
— Retrouvez l’article dans Archistorm 132 daté mai – juin 2025