RÉALISATION

CINÉMA LE GRAND PALAIS, CAHORS
ANTONIO VIRGA ARCHITECTE

 

Cahors a son nouveau cinéma ! Baptisé Le Grand Palais, l’édifice arbore des enveloppes épurées que l’architecte Antonio Virga a composées selon les prescriptions particulièrement contraignantes de l’ABF. Monumental, mais raisonnable. Brillant, mais pas tapageur.

Antonio Virga supporte mal les imperfections. Et c’est avec beaucoup d’amertume qu’il constate des traces d’humidité sur la façade nord de l’auberge de jeunesse de Cahors, livrée en 2017. Le regard figé sur le rez-de-chaussée vitré du bâtiment, où les usages prennent peu à peu l’ascendant sur l’œuvre architecturale, il interpelle son chef de projet : « Miguel, regarde toutes ces affiches ! Il y en a partout ! Comment peut-on s’y repérer et trouver la bonne information ? » Méticuleux, l’architecte affirme « vouloir tout dessiner, essayer d’avoir une maîtrise globale du projet ». Ce qui n’exclut pas son assentiment, lorsque l’appropriation parfois sauvage de l’espace lui semble malgré tout légitime. « Ces barres contiennent des luminaires qui éclairent les pieds de façade du cinéma ! » dit-il poliment à trois adolescentes qui s’y adossent. « Elles ne sont pas faites pour s’asseoir. » Mais, plus loin, enthousiaste devant les journalistes : « Les jeunes utilisent les bancs en pierre massive de la place pour faire leurs figures de skate. Toutes les arêtes sont ébréchées… Je trouve ça très bien. Il faut que ça vive ! »

L’homogénéité du traitement des surfaces et la minceur des lits de briques contribuent au caractère monumental de l’équipement.

Car ce n’est pas seulement un équipement culturel, mais une véritable centralité urbaine qu’Antonio Virga a imaginée avec les paysagistes de l’atelier Grue, en lisière du vieux Cahors. « L’objectif de la construction du cinéma était de créer un lieu de vie, de redynamiser le centre-ville », énonce-t-il. La place ensoleillée, qui magnifie la façade ouest du bâtiment, est légèrement surélevée pour que l’on s’y sente en sécurité, à distance de la circulation automobile et du parking. Elle offre un grand vide ouvert à tous les possibles, à l’instar des places latines. « Les sols sont faits de briques posées en chevron, comme en Italie », souligne le concepteur d’origine milanaise.

Les amateurs de bains de soleil sont au rendez-vous. Les lycéens aussi. Ce jour-là, une petite dizaine d’entre eux s’est réfugiée dans l’Oasis, nom donné à l’espace circulaire, serti de végétaux et d’une structure en ronds d’acier, au centre duquel trône une fontaine de pierre. Les adolescents, confortablement installés sur les sièges de métal ondulé, y conversent comme au salon et apprennent à fumer en catimini. Uniquement des cigarettes ? « L’hôtel de police est juste en face », prévient Ludovic Graillat, le gérant du Grand Palais.

 

Autrefois, à l’endroit de la place et du cinéma, il y avait la caserne Bessières. « L’aile est du complexe militaire a malheureusement brûlé durant la Seconde Guerre mondiale », précise Antonio Virga. Puis la police s’est installée dans l’aile ouest. L’aile nord-est devenue l’espace associatif et de congrès Clément-Marot. La place d’armes a servi de parking, car, « en province, on utilise beaucoup la voiture. » Pour l’architecte des bâtiments de France, le projet devait permettre de « retrouver la symétrie perdue, l’ordre et l’harmonie du site originel. » Mieux que cela, le gabarit du cinéma devait exactement correspondre à celui du bâtiment disparu. Une vision historiciste à laquelle toutes les équipes de maîtrise d’œuvre invitées à concourir en 2017 ont refusé de souscrire, à l’exception de celle d’Antonio Virga : « On a joué le jeu. On a reproduit les mêmes pignons, les mêmes largeurs bâties, les mêmes altimétries, avec des pentes de toit identiques. Mais nous n’avons pas fait un pastiche. Nous avons tout réalisé en brique et n’avons rien concédé sur la modernité du volume situé à l’arrière. »

« Il n’y a pas de façade B », poursuit le maître d’œuvre. Dit autrement, « chaque façade est soignée », malgré le programme qui requiert peu d’ouvertures. Les vastes surfaces opaques du volume arrière sont ainsi traitées avec des habillages en cassettes d’aluminium thermolaqué, dont les perforations plus ou moins grandes produisent un motif en quadrillage, qu’un observateur éloigné pourra confondre avec des ombres portées ou des fantômes de l’ossature secondaire. « Nous avons cherché des symboles qui se rapportent à Cahors, mais nous n’avons rien trouvé. Le dessin en croix nous plaisait. Il n’est pas nécessaire de tout justifier. »

Coupe transversale est-ouest. La partie est des combles accueillera un petit musée de la Résistance.

Fiche technique :

MAÎTRISE D’OUVRAGE : Mairie de Cahors, Société cadurcienne d’exploitation cinématographique
ARCHITECTE : Antonio Virga (Miguel Allen, chef de projet)
PAYSAGE : Grue
GRAPHISME : Stefania Corrado
BUREAUX D’ÉTUDES : Projex (TCE), Diagobat (acoustique), PhA (éclairage)
ENTREPRISES : De Nardi (gros œuvre), DL Garonne (charpente métallique), Byn (façades et toiture en brique), Métal Fer Créations (serrurerie, surtoiture et façades métalliques)
SURFACE : 3 653 m2 (cinéma et musée), 8 500 m2 (place Bessières)
COÛT DES TRAVAUX : 4,41 M€ HT (coque froide), 1,98 M€ HT (aménagements intérieurs), 2,28 M€ HT (aménagements extérieurs)
CALENDRIER : février 2017 (concours), décembre 2019 (livraison)

Texte Paul Clément
Photos Luc Boegly, Pierre Lasvenes

retrouvez la réalisation sur le Cinéma Le Grand Palais, Cahors par Antonio Virga dans la daté mai-juin 2021 d’Archistorm