L’Institut de Recherche contre le Cancer du Système Digestif (IRCAD) est un centre privé de recherche médicale fondé en 1994 à Strasbourg par le professeur en chirurgie Jacques Marescaux. L’institut a progressivement gagné en notoriété, devenant mondialement reconnu dans de nombreux domaines d’étude appliqués à la chirurgie peu invasive, formant chaque année plus de 5 700 chirurgiens. Cette reconnaissance internationale a conduit l’IRCAD à ouvrir trois centres à l’étranger : le premier inauguré à Taïwan en 2008, et les deux autres construits au Brésil, à São Paulo en 2011 et à Rio de Janeiro en 2017. Le centre de formation et de recherche médicale continue son expansion internationale avec l’inauguration récente de l’IRCAD Africa. Le nouvel institut accueille et forme désormais des chirurgiens d’Afrique aux techniques de la chirurgie laparoscopique. L’ensemble bâti, conçu par l’agence d’architecture Patrick Schweitzer et Associés (S&AA), est inauguré en 2023, à Kigali, au Rwanda.

Installée à Strasbourg depuis les années 1980, l’agence fondée par Patrick Schweitzer réalise une majeure partie de ses projets en Alsace, où l’équipe a conçu de nombreux équipements ainsi que des opérations de logements ou d’édifices tertiaires. Les équipes de S&AA ont également réalisé plusieurs centres médicaux, notamment l’Institut de chirurgie guidée par l’image de Strasbourg (IHU Strasbourg), inauguré en 2016, regroupant des chercheurs de l’Université de Strasbourg, de l’INSERM, de l’INRIA et de l’IRCAD. L’agence possède une connaissance approfondie de la ville rwandaise, car Patrick Schweitzer a signé la conception de l’école d’architecture à Kigali, inaugurée en 2018 et finaliste la même année du Grand Prix de l’AFEX, qui récompense les projets architecturaux français réalisés à l’étranger. C’est ainsi, avec une certaine connaissance de l’environnement propre à l’architecture médicale, mais aussi de l’histoire et des techniques de construction locales, les équipes réunies par Patrick Schweitzer débutent la conception de l’IRCAD Africa.

La démarche globale vise à favoriser les filières locales et à privilégier l’utilisation de matériaux tels que la brique, le granit, la pierre de lave ou le bois, afin de démontrer qu’il est possible, en Afrique, d’adopter des principes constructifs élémentaires et de maximiser l’utilisation des ressources locales.

Les bâtiments de l’IRCAD sont édifiés sur une parcelle du district de Kicukiro, située à proximité immédiate de l’hôpital de secteur du quartier de Masaka, à Kigali. L’ensemble de cinq bâtiments s’étend dans la partie sud-est du site, occupant une surface d’environ 100 mètres de long. Cette implantation découle d’une analyse approfondie du contexte urbain, offrant ainsi au centre une proximité directe avec l’accès routier. L’édifice, construit selon un axe est-ouest parallèle à la route principale, constitue un nouvel élément visuel, contribuant à la valorisation de l’image de l’IRCAD à l’échelle de la ville. En laissant une grande partie de la parcelle libre, cette disposition permet également d’envisager d’éventuelles extensions ou l’installation d’activités complémentaires.

Au-delà de son intégration urbaine, l’architecture de l’IRCAD dialogue harmonieusement avec le paysage rwandais en faisant référence à la nature omniprésente du pays. Cette influence se reflète dans la conception des espaces extérieurs et intérieurs, où les nombreuses collines et volcans du Rwanda ont inspiré les volumes des différents bâtiments.

L’entrée du site s’effectue par le bâtiment du milieu parmi les trois édifices carrés, reliés entre eux par des passerelles. Chacun de ces bâtiments est coiffé d’une toiture en tôle à quatre pans irréguliers, reposant sur un bandeau en treillis métallique noir qui sert à la fois à l’aération et confère un effet de légèreté à l’ensemble architectural. Les doubles murs sont composés d’un prémur en béton, séparé d’une paroi en brique par une lame d’air. Ce système forme un écran de protection contre la chaleur solaire alors que la lame d’air agit comme ventilation naturelle.

Les façades, en briques locales, présentent une disposition en saillie qui rythme l’élévation, ponctuée de baies disposées de façon irrégulière.

Quant aux deux édifices circulaires, ils sont revêtus de pierre de lave, agencées selon un appareillage irrégulier, scindé en deux parties distinctes par un bandeau de couleur orangée aux lignes ondulées, évoquant les coulées de lave.

La conception prend en compte le contexte africain, avec une attention particulière à l’utilisation de matériaux locaux et à l’optimisation des fonctionnalités. La partie adoptée pour l’architecture du centre privilégie donc les matériaux locaux mis en œuvre selon les savoir-faire régionaux. L’entrée principale se démarque du reste du bâtiment avec de grandes façades vitrées, habillées de tiges de bambou issues de la culture locale qui, tout en filtrant la lumière, créent un jeu d’ombres portées dans le hall.

Au plafond, le vaste hall d’accueil est orné d’Imigongo. Ce décor fait référence aux savoir-faire locaux, intégrant des motifs issus de l’art décoratif traditionnel rwandais, un art dont les techniques remontent au XVIIe siècle. Il s’agit de panneaux peints couverts de motifs géométriques, qui ornent le plus souvent l’intérieur des maisons, mais se retrouvent aussi dans certains objets de manufacture locale.

Dans les intérieurs, le bois domine, tant dans les espaces de rencontre et de réunions que dans l’auditorium. Quatre grandes alvéoles en bois convoquent l’image de paniers tressés, faisant encore une fois référence à l’artisanat rwandais. Y sont aménagés divers espaces de rencontres informelles et des salles de réunion.

L’édifice est conçu selon des principes bioclimatiques, intégrant des systèmes de ventilation naturelle efficace et des techniques architecturales régulant les conditions de confort thermique. Un équilibre subtil entre éléments technologiques, tels que les blocs opératoires climatisés et équipés de technologies de pointe, et techniques traditionnelles, dont l’application apporte une ventilation naturelle des bureaux sans recours à la ventilation artificielle. Cette approche permet d’expérimenter et de développer des solutions durables en matière d’isolation thermique et de capacité environnementale.

Le programme s’étend sur 10 000 m² répartis en trois entités puis sur trois niveaux, avec un sous-sol, un rez-de-chaussée ouvert sur un jardin de plain-pied et un étage. Les trois édifices carrés abritent les plateaux administratifs, les laboratoires et les espaces de recherche, ainsi que les blocs de formation opératoire, équipés de robots destinés aux opérations chirurgicales et à l’enseignement de la chirurgie assistée. Reliés à cette première entité, deux bâtiments supplémentaires de plan circulaire accueillent un auditorium et une cafétéria.

Au rez-de-chaussée se trouvent les espaces logistiques et les équipements, au sous-sol les éléments techniques, et au premier étage les salles de recherche et d’apprentissage. L’intérêt de cette distribution consiste à minimiser la distance et la durée des trajets des occupants, et de faciliter en premier lieu les déplacements des chirurgiens pendant les opérations. Tous les éléments liés à l’apprentissage des chirurgiens sont regroupés dans le même bâtiment afin de limiter également les déplacements des techniciens et des organisateurs de cours.

Les différents bâtiments sont reliés entre eux par des passerelles vitrées, aménagées avec du mobilier d’attente dans l’objectif de favoriser le dialogue et les échanges entre les différents usagers. Les parcours et flux de l’IRCAD Africa ont été ainsi conçus dans l’objectif de créer une plateforme de rencontre et de partage des connaissances. Dès l’entrée principale, des espaces aménagés répondent à cet objectif, les espaces de circulation et de rencontre prennent, dans le projet architectural, tout autant d’importance que les espaces opérationnels, ils ont été conçus de façon à favoriser les échanges et le dialogue entre les chirurgiens venus de diverses régions du monde, pratiquant différentes techniques de chirurgie. L’aménagement du bâtiment reflète la vision d’un lieu qui favorise la formation, la collaboration et l’échange d’idées entre chirurgiens du monde entier.

La population du Rwanda est amenée à doubler d’ici à 2050, aussi, le centre est prêt à évoluer rapidement grâce à ses capacités de flexibilité et de modularité. L’IRCAD Africa est le premier élément d’un vaste projet de centre hospitalier, le Kigali Health City, qui accueillera un hôpital, des biotechs, des universités ainsi qu’un complexe hôtelier destiné à accueillir des experts et des chirurgiens en formation venus de tout le continent.

Fiche technique 

Maîtrise douvrage : Ministère de la Santé rwandais
Maîtrise doeuvre : S&AA – Patrick Schweitzer & Associés Architectes
Budget : 22 M €
Surface : 10 000 m²

Texte : Cléa Calderoni
Photos : Jules Toulet

— Retrouvez l’article dans Archistorm 125 daté mars – avril 2024