RÉALISATION

NARBO VIA, NARBONNE PAR FOSTER+PARTNERS
JEAN CAPIA & ADRIEN GARDERE

L’héritage d’un port antique                                                                                                      

Norman Foster signa la vertigineuse infrastructure du viaduc de Millau, inauguré en 2004. En 2020, c’est à une centaine de kilomètres de là que l’architecte conçoit un musée archéologique dans la ville de Narbonne : le Narbo Via.

Intégration dans le paysage méditerranéen

Les architectes de l’agence Foster + Partners demeurent attachés à l’intégration des édifices aux sites qui les accueillent, comme le démontre l’exemple du musée du Carré d’Art de Nîmes inauguré dans le centre-ville en 1993, dont la forme rappelle directement la Maison Carrée, édifice romain du 1er siècle av. J.-C., lui faisant face.

Jouxtant le canal de la Robine, le Narbo Via prend place, quant à lui, sur un terrain d’environ trois hectares, à l’entrée sud-est de Narbonne. Empruntant un ancien lit de l’Aude, ce canal était autrefois relié au débarcadère de Port la Nautique, important port d’où la marchandise déchargée était acheminée jusqu’à la cité. Des jardins aménagés, plantés de micocouliers arborent le terrain autour de l’édifice, y apportant des points d’ombrage. Un amphithéâtre dédié aux événements en plein air prend place entre le canal et le hall du musée.

De plan parallélépipédique, le vaste édifice s’étend sur 97 mètres de long pour 85 mètres de large. Il est bâti sur une dalle de deux hectares, surélevée par 246 pieux hydrauliques. Cette dalle permet de rétablir l’horizontalité du sol tout en prévenant d’éventuelles crues du canal. Sur ce terrain limoneux et inondable, il a été nécessaire d’aménager des perméances hydrauliques de part et d’autre. Sous le socle, un vide technique rappelle les méthodes de constructions romaines. (…)

 

Extrait du préface de Norman Foster, fondateur et président exécutif de l’agence Foster + Partners

Notre travail sur le Narbo Via, le nouveau musée de la Narbonne antique, est le prolongement d’une longue relation entre l’agence et le sud de la France. C’est l’Occitanie qui nous a offert notre première opportunité dans ce pays avec le Carré d’Art de Nîmes inauguré en 1993. Depuis, nous avons conçu, en collaboration avec l’ingénieur Michel Virlogeux, le vertigineux viaduc de Millau qui relie deux hauts causses dans le nord de la région. À l’est, dans la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, nous avons construit le lycée Albert Camus et le musée de Préhistoire des gorges du Verdon, et développé un plan directeur pour la réhabilitation du Vieux-Port de Marseille. À l’ouest, près de Bordeaux, nous avons conçu le siège régional éco-énergétique d’EDF (Électricité de France), ainsi qu’un chai contemporain pour le domaine viticole historique de Château Margaux.

À chacun de mes séjours en Occitanie, je suis toujours fasciné par la lumière particulière que l’on trouve dans cette région de France. La clarté est souvent éblouissante dans ses villes au tissu urbain dense et animé. Le soleil du sud entre dans les cours des hôtels particuliers, ces lieux qui permettent de fuir la chaleur tout en laissant pénétrer la lumière dans les intérieurs. Au Narbo Via, la présence de cette lumière se remarque surtout à travers la verrière qui recouvre toute la structure carrée du musée – une évocation des villas romaines, construite avec des murs porteurs sur une dalle surélevée pour permettre à la chaleur et à l’air de circuler, comme dans les systèmes d’hypocauste de l’Antiquité. (…)

Le mur lapidaire, épine dorsale du projet

Extrait de l’interview de Valérie Brousselle, Directrice générale de l’EPCC, et Anne Lamalle, Responsable du pôle médiation et communication

Pouvons-nous revenir sur l’origine de la création du Narbo Via ? Pour quelle(s) raison(s) le besoin d’un musée s’est-il manifesté ?

VB : Narbonne est une ville romaine, mais cela n’est pas visible au premier abord puisqu’une majeure partie des constructions antiques a fait l’objet de remplois. Le seul monument romain persistant est l’Horreum, un réseau de galeries souterraines qui servait d’entrepôt, et qui est également l’un des sites de l’EPCC Narbo Via.

Les prémices du projet d’un grand musée de la Narbonnaise remontent aux années 1970. Un tel musée, par la mise en valeur et la présentation des vestiges au public, a pour but de rappeler le rôle majeur que la ville a pu tenir au sein du monde romain, en tant que carrefour, nœud de relations, puis capitale de province.

Après plusieurs interruptions, le projet a été repris par la Région aux alentours de 2010 afin d’être mené à terme.

AL : Jusqu’à présent, le résultat des nombreuses fouilles était majoritairement présenté au musée Lapidaire, situé dans l’église Notre-Dame de Lamourguier. La remarquable collection de peintures murales et de mosaïques issues des fouilles réalisées sur le site du Clos de la Lombarde était quant à elle exposée au Palais des Archevêques. L’un des objectifs du Narbo Via est de réunir l’ensemble des collections datant de l’Antiquité romaine, issues des fouilles effectuées sur le sol narbonnais pour les présenter dans un écrin digne de leur importance, et selon un projet scientifique et culturel solidement élaboré.

Quels sont les piliers majeurs du projet scientifique et culturel ?

VB : Le projet scientifique et culturel de l’établissement accueille aussi l’Horreum et Amphoralis, village antique de potiers mis à jour et reconstitué à Sallèles-d’Aude. La réunion de ces sites et collections traduit la volonté de mettre en évidence l’importance des découvertes archéologiques, au cœur de l’identité du territoire.

AL : Au moment du lancement du concours pour la réalisation du bâtiment, fin 2011, un collectif de recherche se mettait en place dans le but de promouvoir la redécouverte des ports de Narbo Martius. Le projet scientifique et culturel du musée est en partie axé sur les recherches en cours et à venir pour la redécouverte de la cité. Partant du principe de la volonté de créer un continuum « depuis la fouille jusqu’au public », il s’agit de valoriser la recherche au sein du musée afin de restituer aux visiteurs les résultats des dernières découvertes dans les salles d’exposition.

VB : La volonté portée par le projet culturel, et qui est servie par le projet architectural, est de proposer un dialogue entre la Méditerranée antique et la Méditerranée contemporaine. Le travail de recherche sera également ouvert à d’autres champs patrimoniaux et culturels. Par exemple, un axe portant sur la linguistique nous paraît important, puisque le latin a façonné notre langue actuelle ainsi que les langues de nos voisins.

AL : Quant aux publics cibles – nous cherchons bien entendu à nous adresser à tous –, un travail sera mené plus particulièrement sur les propositions faites au public jeune, et aux très jeunes enfants, ainsi qu’au public en situation de handicap et aux seniors. Pour tous ces publics, nous avons choisi d’articuler les possibilités entre médiations numérique et humaine (…)

Extrait de l’interview de Chloé Brismontier, Directrice commerciale de VELUX COMMERCIAL France

Velux a équipé le Narbo Via d’une verrière modulaire de 150 modules, comment la collaboration avec Foster + Partners s’est-elle déroulée ?

Les Verrières Modulaires VELUX sont le fruit d’une co-création entre le cabinet d’architecture Foster + Partners et le département R&D du Groupe VELUX.

Ces groupes d’architectes et de développeurs de produits ont travaillé en étroite collaboration et ont trouvé la synergie qui se cache derrière le concept – que, d’une part, le Groupe VELUX peut bénéficier de l’expertise et de la réputation d’un grand cabinet d’architecture, et que, d’autre part, Foster + Partners peuvent bénéficier d’une expertise industrielle et de la longue expérience VELUX dans le développement de produits de haute qualité pour faire entrer la lumière par le toit.

Le co-développement original des verrières modulaires VELUX avec Foster + Partners a permis d’apporter un précieux éclairage en termes de possibilités techniques en amont du projet, garantissant ainsi une utilisation optimale du système sur le projet du musée Narbovia.

Avez-vous l’habitude de travailler au co-développement des verrières avec les agences d’architecture ?

Il s’agit de la première collaboration.

Le Narbo Via comprend de nombreuses pièces qui doivent être protégées du soleil ; comment avez-vous répondu à cette contrainte ? Avez-vous dû développer des technologies et/ou innovations particulières ?

Le cabinet d’architectes Foster + Partners a choisi d’intégrer les verrières modulaires VELUX pour apporter de la lumière naturelle et sublimer l’espace central du musée abritant une collection de pierres antiques. Cette solution VELUX, véritable colonne vertébrale du bâtiment, a été retenue pour les très hautes performances thermiques des vitrages. Ces verrières sont également dotées d’un vitrage spécifique « Shadow » pour filtrer la lumière du jour (transmission lumineuse à 2,5 %) et éviter les dégradations des œuvres exposées. Le fait de pouvoir ajouter des stores motorisés fonctionnant automatiquement en fonction des conditions climatiques a également constitué un atout.

Cette verrière double avec poutres de 75 m de long comprend :

75 modules fixes avec vitrage thermique hiver/été équipés de stores intérieurs

53 modules fixes avec vitrage « shadow »

22 modules de désenfumage avec vitrage « shadow » qui peuvent servir aussi à assurer une ventilation de confort.

Le musée est bâti sur une dalle de deux hectares, qui rétablit l’horizontalité du sol tout en prévenant d’éventuelles crues du canal. L’immense toiture déborde en auvent sur les pourtours sud et ouest afin de protéger l’intérieur du fort ensoleillement et des lumières vives de l’été.

Fiche Technique

MAÎTRISE D’OUVRAGE : Région Occitanie – Pyrénées-Méditerranée
MANDATAIRE : ARAC Occitanie (anciennement Languedoc Roussillon Aménagement)
MAÎTRISE D’OEUVRE : Foster + Partners
ARCHITECTE CO-TRAITANT : Jean Capia
MUSÉOGRAPHE : Studio Adrien Gardère
MAÎTRISE D’OEUVRE TECHNIQUE ET SYNTHÈSE HQE : Oger International
BET STRUCTURE : Foster + Partners
BET FLUIDES : Foster + Partners et Technisphère
BET AMÉNAGEMENTS EXTÉRIEURS : Urbalab
BET ECLAIRAGE : Geogre Sexton Associates
BET ACOUSTIQUE : Peutz
BET SÉCURITÉ INCENDIE, SÛRETÉ ET COORDINATION SSI : CSD
FONDATIONS SPÉCIALES, GROS OEUVRE, ÉTANCHÉITÉ, MENUISERIES EXTÉRIEURES : Sogea Sud Bâtiment
MÉTALLERIE : Bourdoncle
CONSULTANT MUR EXTÉRIEUR : Sirewall
VERRIÈRE DE TOITURE : Velux
SYSTÈME AUTOMATISE DE STOCKAGE (TRANSTOCKEUR) – RAYONNAGES : Mecalux
SCÉNOGRAPHIE ET MOBILIERS MUSÉOGRAPHIQUES : Goppion
SUPERFICIE DU SITE : 21 900 m2
SUPERFICIE (BRUTE) : 9 689 m2
LIVRAISON : été 2020

Texte Cléa Calderoni
Photos Philippe Chancel et Nigel Young / Foster + Partners