Le tourisme œnologique

En réflexion depuis les années 2010, la Cité des Climats et vins de Bourgogne s’inscrit naturellement dans les attentes contemporaines du tourisme avec son réseau aux trois portes d’entrée : Beaune, la centrale en Côte-d’Or, Chablis, la septentrionale dans l’Yonne et Mâcon, la méridionale, en Saône-et-Loire. L’inscription des Climats du vignoble de Bourgogne au patrimoine mondial de l’Unesco le 4 juillet 2015 renforce la reconnaissance de la valeur universelle exceptionnelle du vignoble bourguignon qui trouve avec la Cité des Climats et vins de Bourgogne les clés immersives et sensorielles de compréhension de cet univers.

Un dossier « waouh »

Simple comme un coup de fil ! La Cité des Climats et vins de Bourgogne à Beaune, célébration régionale de ce territoire à vocation mondiale, ne tint qu’à un unique coup de fil de David Guio, génie civiliste de formation, alors directeur général du groupe familial bourguignon Rougeot, spécialiste des travaux publics, à Emmanuelle Andreani, architecte-urbaniste fondatrice de Emmanuelle Andreani Architectes, agence lyonnaise d’architecture, d’urbanisme et de paysage.

Seule la composition en urgence d’une équipe pluridisciplinaire, compétente, engagée et friande de défis – née de relations amicales le plus souvent nouées sur les chantiers – permet de présenter en temps et en heure un dossier complet, suffisamment étayé, détaillé et convaincant pour franchir la totalité des obstacles inscrits dans ce marché public ! L’aventure humaine débutée à deux puis démultipliée prend le départ, esprit commando. L’effet « waouh » produit alors l’objectif recherché avec un véritable raz-de-marée qui submerge les membres du jury. Après un ultime oral, conclusion de deux oraux techniques préalables, ils se prononcent à l’unanimité.

Une conception audacieuse

La Cité des Climats et vins de Bourgogne à Beaune s’inscrit dans le territoire élargi de Beaune et de ses vignobles. Elle prend en charge les intentions urbaines, paysagères et environnementales de l’aménagement d’un site en création d’une dizaine d’hectares, avec pour ambition l’émergence d’un lieu de vie. Ce symbole identitaire célèbre un territoire et un vignoble remarquables ; entre le nord et le sud, il incarne la porte d’entrée centrale à la découverte de la Bourgogne viticole. Par sa conception audacieuse et ses prouesses techniques novatrices, ce monument-bâtiment lancé à la conquête du ciel convoque les compétences les plus abouties de l’art du bâtiment et des travaux publics afin de transposer, avec engagement et véracité, l’histoire de la Bourgogne viticole.

Cette construction vertueuse aux performances environnementales et énergétiques exigeantes réclame des matériaux biosourcés tels le bois, le béton végétal – la Cité en est la référence majeure en France désormais –, la chaux, la terre, la pierre de Comblanchien conjugués à la noblesse du métal et du verre, et ajoute la technologie avec des panneaux solaires et une pompe à chaleur. Quand le travail contextuel porté par l’analyse du vernaculaire aboutit à chercher la limite des performances des matériaux !

© Antoine Martel

Une réalisation inspirée

À première vue, la réalisation paraît (faussement) simple avec son socle en béton, sa dalle alvéolaire précontrainte et ses quatre poteaux, son noyau béton préfabriqué, sa vrille mixte, sa charpente métallique et sa poutre treillis, ses planchers hybrides bois-béton et son enveloppe en béton végétal. Entrer dans le détail donne le vertige avec un questionnement sans fin ou presque.

La vrille sans poteau, signature de la Cité des Climats et vins de Bourgogne, lance le travail de l’ingénierie qui finit par la décomposer en 127 éléments de béton préfabriqué architectonique, blanc et débillardé, aux porte-à-faux et courbes variables, portée dans le vide par 35 consoles métalliques. La lecture du plan en coupe rend compte de la complexité de la composition : poutrelle acier à profil en H (HEB) à la résistance accrue, profilé acier de rive courbe en Poutre Reconstituée Soudée (PRS), plancher bois-béton par poutre bois lamellé-collé et dalle de compression en béton armé (BA), console en PRS pour le support ; profilés de rive courbe et console en PRS, dalle pleine en BA et deux garde-corps en béton préfabriqué architectonique. Un calcul puis une mise en œuvre à la grue, au centimètre près, des déformations, des flèches et contre-flèches à la fois empiriques et têtues… des calculs à faire « vriller » n’importe quel ingénieur.

Un voyage intérieur

L’espace muséal en rez-de-chaussée met en scène cette ambition partagée d’allier la découverte, la culture et le plaisir au cours d’un voyage intérieur. Le décor rappelle sans détour la cave voûtée et la pièce (le fût) bourguignonne avec ses aménagements en courbes. Le patrimoine de la Bourgogne en fil conducteur trouve, dans cet espace traité telle une « black box », la surface et le volume pour une déambulation chronologique, douce et ondulante, ou plus aventureuse, au gré de ses envies. La scénographie garantit une approche interactive ou contemplative complète de la Bourgogne viticole avec le renfort de dispositifs pédagogiques contemporains innovants, d’expériences sensorielles et immersives destinées à tous les publics. Dans une semi-obscurité, la mise en scène s’organise tout en courbes, sans contrainte, au gré de dix-neuf espaces, ou cabotes, clairement signifiés, qui évoquent le monde de la vigne. Cette trame d’arches en bois façon claires-voies, structure transparente de l’espace de circulation à l’échelle monumentale, évoque en clin d’œil la « salle des pôvres » des Hospices de Beaune.

Extraits d’interview, François Labet, président, Bureau Interprofessionnel des Vins de Bourgogne

Que vous apporte l’inscription des Climats de Bourgogne au patrimoine mondial de l’Unesco pourtant décorrélée de la création de la Cité ?

Il aurait été stupide de ne pas mettre à profit ce formidable vecteur de communication qu’est cette reconnaissance mondiale qui intéresse le périmètre viticole central bourguignon, un périmètre fantastique du nord au sud. N’oublions pas le rôle ni l’action de l’Association des Climats, porteuse du projet de classement, avec laquelle nous développons conjointement, au cœur de la Cité des Climats de Beaune, le centre d’interprétation des climats lié à ce classement.

Croquis

Extraits d’interview, Benoît de Charette, président, Cité des Climats et vins de Bourgogne

Comment la Cité des Climats à Beaune fonctionne-t-elle ?

Ce dossier, qui va de la construction d’une Cité en trois sites jusqu’à la gestion au quotidien de ces nouveaux lieux de vie, est piloté par une structure indépendante : l’Association Cité des Climats et Vins de Bourgogne. Elle émane de l’interprofession et des familles viticulture et négoce.

L’Association se doit de développer de nouveaux lieux de référence en vue de présenter au public une explication pédagogique sur le cas « Bourgogne ». Une muséographie moderne et unique en son genre va aussi permettre d’expliquer le caractère monocépage de notre région : pinot noir pour les rouges, chardonnay pour les blancs. Une particularité qui laisse ainsi au terroir une chance de plus de s’exprimer pleinement. Au sein de la Cité à Beaune, un espace important est dédié au Centre d’Interprétation des Climats et à leur reconnaissance par l’Unesco, complété par une pédagogie adaptée avec l’intégration de l’École des Vins de Bourgogne, véritable outil de formation et de découverte.

Extraits d’interview, Emmanuelle Andreani, architecte-urbaniste, Emmanuelle Andreani Architectes

D’où vient l’idée de la vrille, signature de la Cité ?

Présent depuis le premier dessin, le concept de vrille enroulée autour du bâtiment naît du territoire. Dessiner cette vrille au premier jet, c’est transposer toute l’histoire de la Bourgogne. Ce végétal tendre et frêle au départ devient dur comme la pierre au fil des années.

Si, faute de vrille, la vigne ne peut grimper, il n’y a pas de raisins et il n’y a pas de vin. S’il n’y avait pas eu un bureau d’études structures Batiserf, amateur du risque et familier des missions impossibles, cette vrille piétonne n’existerait pas non plus.

 

Texte : Pierre Delohen
Visuel à la une : Photo © Juan Jerez

— retrouvez l’intégralité de l’article sur La Cité des Climats et vins de Bourgogne, Beaune, Emmanuelle Andreani Architectes dans Archistorm 122 daté septembre – octobre 2023 !