Dans le 2e arrondissement de Paris, au 104 de la rue de Richelieu, un immeuble tertiaire sur pilotis des années 1960, avec une façade rythmée d’étroites fenêtres et d’étages bas de plafond, détonne par rapport aux normes actuelles. Le pari de Swiss Life Asset Managers : transformer ce bâtiment, situé à quelques rues du Palais de la Bourse, de l’Opéra Garnier et du Louvre, en une adresse parisienne d’exception. Un vrai défi que les architectes de Quadri Fiore Architecture ont relevé grâce à des solutions constructives ingénieuses et une nouvelle enveloppe résolument contemporaine.

Le 104 Richelieu est un ambitieux projet de restructuration initié par les équipes de Swiss Life Asset Managers. L’enjeu principal : améliorer le patrimoine bâti à travers la transformation complète de cet immeuble de bureaux des années 1960 devenu obsolète. En vue de l’aménagement d’un nouvel espace de bureaux qualitatif, le programme implique à la fois l’extension du rez-de-chaussée, le remplacement de la totalité des façades sur rue et sur cour, mais aussi le réaménagement intérieur des plateaux et la rénovation des espaces extérieurs. Un concours architectural est alors lancé en 2018. L’agence Quadri Fiore Architecture en sera la lauréate. Sa proposition pour la façade vitrée rue de Richelieu constitue l’élément phare du projet. L’effet plissé dynamique qui multiplie les reflets du ciel ainsi que ceux de son environnement urbain immédiat retient l’attention de la Maitrise d’ouvrage. L’enveloppe miroitante dissimule un bâtiment en forme de U qui s’enroule autour d’une cour végétalisée. Construit sur cinq demi-niveaux souterrains dédiés au stationnement et aux locaux techniques, le rez-de-chaussée offre un nouveau front bâti sur la rue. À ce même niveau, dans un esprit de « dedans, dehors », le vaste hall d’accueil et sa cafétéria s’ouvrent sur un jardin protégé en cœur d’îlot. Au-dessus, se déploient huit étages de bureaux de 6 000 m2 au total, dont les plateaux libres s’adaptent aux besoins des futurs utilisateurs. Les trois derniers niveaux profitent de terrasses côté rue, avec une vue imprenable sur la capitale. Invitant à une profonde respiration au-dessus de la ville, la grande terrasse paysagère de 300 m2 au R+8 offre un espace de détente au calme, au-delà du tumulte parisien des Grands Boulevards.

Organiser la profondeur, reconquérir le sol

Dans le cadre du concours, les équipes de Quadri Fiore Architecture ont imaginé une nouvelle identité au bâtiment existant tout en conservant sa substance. L’un des principaux enjeux de la restructuration pensée par les architectes a été de créer une liaison entre le bâtiment de bureaux, le sol et la ville, en réorganisant les accès et les limites depuis la rue jusqu’au cœur de la parcelle. Initialement, le rez-de-chaussée de l’immeuble était traité comme la simple sous-face d’un bâtiment-pont. Ouvert en son centre par un accès parking bordé d’une double voie de circulation, il laissait une faible largeur de locaux latéraux pour la loge du gardien et un accès exigu aux bureaux. Afin d’offrir une entrée revalorisée, digne d’un siège social de 6 000 m2 au cœur de Paris, un vaste hall d’accueil lumineux a été imaginé en partie nord. L’espace gagné a été pris sur la suppression d’une partie de l’allée existante, le cheminement piéton en cœur d’îlot étant maintenu au sud. L’entrée des bureaux auparavant sombre et peu visible est désormais signalée en façade par un traitement graphique de lames verticales couleur inox, sur une double hauteur d’étage. Plus proche de la rue, le nouveau hall bénéficie d’une lumière naturelle optimale. Il se déploie jusqu’au jardin sous la forme d’une verrière lumineuse en débord sur le jardin qui assure aux usagers des bureaux un accès naturel à la cafétéria via une rampe en pente douce. Tout comme la façade du hall, la rampe de parking, l’accès aux logements et le local à vélos sont habillés d’un ruban de lames verticales qui redéfinit la lecture du rez-de-chaussée sur rue. Il clôture l’espace comme il marque et désigne les accès, tout en offrant au regard de façon subtile des séquences de vues depuis la rue vers le cœur d’îlot.

Anne-Marie Aurières-Perrin, directrice Asset Management & Services, Swiss Life Asset Managers France et Daniel Habasque, directeur technique, Swiss Life Asset Managers France

Pourquoi avoir choisi de restructurer cet immeuble de bureaux ?

Anne-Marie Aurières-Perrin : Dans le cadre de notre démarche d’amélioration continue du patrimoine que nous gérons, la décision de restructurer l’immeuble avait été prise bien en amont du départ du locataire. Cet immeuble avait plusieurs points faibles dont l’absence de hall d’entrée distinct entre les bureaux et les logements situés en fond de parcelle, ce qui rendait les fonctionnalités des deux bâtiments peu lisibles à rez-de-chaussée. Outre sa façade typique des années 1960, les plateaux de bureaux étaient peu lumineux surtout dans les niveaux bas. Par ailleurs, nous portions déjà en interne de fortes convictions ESG (critères Environnementaux, Sociétaux et de Gouvernance). Donc, lorsque nous avons lancé le concours d’architectes, notre ambition était de le transformer en un immeuble vertueux du point de vue environnemental, en accord avec notre politique en matière de trajectoire carbone et pouvant atteindre les objectifs fixés par le décret tertiaire [article 175 de la loi ÉLAN imposant une réduction de la consommation énergétique des bâtiments tertiaires, ndlr].

Quelles étaient vos attentes du projet ?

Daniel Habasque : Les grands atouts de cet immeuble sont ses extérieurs et son emplacement exceptionnel dans Paris, au cœur de la ville historique et dans le quartier des affaires. Mais l’inconvénient est que l’immeuble d’origine était relativement sombre à cause d’une petite trame de façade et d’ouvrants de faibles dimensions avec des allèges pleines. Notre souhait était de redonner un éclairement à ce bâtiment ainsi qu’une identité visuelle, car personne ne remarquait l’immeuble dans la rue de Richelieu. Nous voulions rendre cet immeuble lumineux à l’intérieur comme à l’extérieur.

Anne-Marie Aurières-Perrin : Proposer aux futurs utilisateurs une identité propre à notre immeuble de bureaux, distincte de celle des logements.

Éric Rougeot, Architecte Associé, Directeur Général, Quadri Fiore et Anaïs Piquée, Directrice de Projet, Directrice du Développement, Quadri Fiore

Comment intégrer un bâtiment à la façade contemporaine dans un tissu historique aussi riche que celui de la rue de Richelieu à Paris ?

Éric Rougeot : Lors du concours, nous avons réalisé en interne une étude historique qui nous a permis d’argumenter la pertinence d’un objet architectural qui se différencie des autres par le fait que la rue de Richelieu est ponctuée d’immeubles d’époques différentes. L’environnement de cet immeuble est chargé d’Histoire de France. Des Grands Boulevards à la Comédie Française en passant par la Bibliothèque Nationale ou encore l’Hôtel Dodun, nous nous devions de respecter l’âme des lieux. Notre analyse engagée du tissu urbain a convaincu l’Architecte des Bâtiments de France de la justesse de notre proposition. Son expertise nous a également judicieusement accompagné dans le choix des finitions en façade. Le choix des matériaux de façade a fait l’objet d’une attention particulière, depuis la conception au stade du concours, jusqu’à la réalisation. L’usage de matériaux réfléchissants étant un sujet de vigilance pour les Architectes des Bâtiments de France, nous avons longuement étudié la faisabilité du programme sous tous ses angles dans une collaboration constructive. Informés par ces mêmes ABF de retours d’expérience de réalisations récentes révélant de nombreux problèmes d’éblouissement, notre préoccupation immédiate a été de contourner cette problématique. Nous avons dû réorganiser notre travail quand sur les images du concours, notre façade apparait très réfléchissante. La réalisation devait pouvoir apposer deux volontés : celle de voir le bâtiment quasiment disparaître dans les reflets ciel et son environnement urbain, et la volonté de gérer un éblouissement délétère.

Compte tenu de ces contraintes d’éblouissement, comment s’est déroulé le processus décisionnel concernant le choix des matériaux en façade ?

Anaïs Piquée : À partir des matériaux que nous avions proposé en façade lors du concours, nous avons, lors du projet, fait des propositions à la Maitrise d’ouvrage et à l’Architecte des Bâtiments de France à l’aide d’échantillons. Il nous a été demandé d’envisager différents niveaux de réflexion selon la localisation des matériaux. Avec le Bureau d’Étude Façade, nous avons récupéré les échantillons des matériaux directement chez les fournisseurs. Après validation auprès de la Maitrise d’Ouvrage, les échantillons ont été présentés à l’ABF puis validés directement sur le site, en lumière réelle. Quand enfin, le façadier est arrivé sur le projet, son premier exercice a été de construire un prototype de façade, à l’échelle 1, dans la cour centrale : deux finitions pour les bandeaux horizontaux, capotage des menuiseries et lames verticales brillantes, ainsi que vitrage légèrement réfléchissant. Le choix des vitrages a également été un sujet de discussion. Nous avons, par exemple, organisé une visite dans le showroom du fabricant de produit verrier pour choisir la bonne référence avec la Maitrise d’ouvrage. De la même manière, les échantillons ont été longuement étudiés à la lumière naturelle pour mieux se rendre compte du résultat. Tout a été étudié dans les moindres détails. À la fin de ce long travail de mise en complémentarité des expertises de chacun, et bien que les matériaux initialement prévus aient été modifiés à la marge, l’effet final répond à toutes les attentes. C’est une grande satisfaction pour chacun. Le résultat correspond aussi bien aux exigences de l’Architecte des Bâtiments de France qu’à ceux de la Maitrise d’ouvrage tout en restant fidèle à l’image 3D présentée au concours.

Entretien avec Fabien Loiseau, Directeur d’Exploitation, Léon Grosse

Quelle a été votre mission sur le projet du 104 Richelieu, et que représente-t-il pour Léon Grosse ?

En tant que mandataire du groupement Léon Grosse / Balas / FIC, nous étions en charge des lots gros œuvre, étanchéité, VRD ainsi que de la réalisation des prestations architecturales, tant pour les zones bureaux que pour le hall d’entrée. Le projet du 104 Richelieu représente la première étape de notre coopération avec Swiss Life Asset Managers France au travers d’un projet qui intègre notre expérience et notre savoir-faire : la rénovation lourde d’un produit tertiaire dans un environnement urbain dense.

Quelles sont les spécificités qu’implique un projet de restructuration de cette envergure d’un point de vue constructif ?

Outre la spécificité propre à la densité urbaine, exacerbée dans notre cas, la suite du challenge réside dans le choix des méthodes appliquées pour façonner cet ouvrage des années 1970. Cela se retrouve au travers d’une compréhension parfaite de la structure existante et de son utilisation, avec l’intégration de matériaux nouveaux et innovants au service d’une architecture ambitieuse, l’application des nouvelles réglementations techniques et bien sûr environnementales.

Plan masse

Fiche technique :

Maître D’ouvrage : Swiss Life Asset Managers
Maîtrise D’oeuvre : Quadri Fiore Architecture
Bet (Liste Non Exhaustive) : Builders & Partners, Sinteo, Arcora…
Entretprises (Liste Non Exhaustive) : Léon Grosse, Balas, Façades Ingénierie Construction (Fic)…
Inauguration : Été 2022
Surface De Plancher: 6 500 M2

Auteure : Laurie Picout
Photos : Côte à Côte Photography

— retrouvez la réalisation sur Le 104 richelieu fait peau neuve, Quadri Fiore Architecture dans Archistorm 116 daté septembre – octobre 2022