RÉALISATION

LYCÉE MONTE-CRISTO, ALLAUCH
HUIT ET DEMI

Issu de la fusion récente de quatre agences d’architecture (M+N, bauA, Mossé Gimmig et Alexandre Chapuis), Huit et Demi déclare « jouer collectif ». Un aphorisme qui vaut aussi pour la « communauté de bâtiments » du lycée d’Allauch, où les péristyles constituent des postes d’observation privilégiés sur la cour de récréation.

Galeries à l’intersection du bâtiment d’enseignement général et du bâtiment des laboratoires de sciences

Découvrir le lycée d’Allauch, c’est faire l’expérience d’une architecture insolite dont les composantes nous sont familières. Longues et vastes galeries à l’air libre, générosité des parcours et des hauteurs sous plafond : le projet est habité par la solennité des établissements scolaires de la Troisième République, la pierre et les marquises de fonte en moins, les matériaux biosourcés en plus. D’aucuns se figureront la colonnade du préau comme le pronaos d’un temple de l’Antiquité. D’autres seront tentés de faire le parallèle entre l’ordonnancement des étages et la superposition des ordres classiques. En convoquant sciemment ou fortuitement notre patrimoine commun, Huit et Demi nous apprivoise et nous rassure. Le programme, le lieu et le temps du projet se mêlent à notre mémoire profonde. Ce n’est pas seulement un lycée de 800 élèves de la banlieue de Marseille qu’il nous est donné d’observer, mais un ouvrage décontextualisé par les réminiscences d’architecture. Ce qui, mutatis mutandis, nous ramène aux écrits de Charles Baudelaire sur Constantin Guys : « La modernité, c’est le transitoire, le fugitif, le contingent, la moitié de l’art, dont l’autre moitié est l’éternel et l’immuable. »

Peut-on vraiment dessiner deux fois plus de poteaux en béton que le calcul ne le requiert ? Pour Huit et Demi, dont près de la moitié des neuf associés sont aussi enseignants, cette question de bienséance perd sa légitimité face à d’autres formes de cohérence : « Nous avions la possibilité de construire plus haut et plus dense, mais nous souhaitions occuper tout le site en adoptant un parti pris pavillonnaire. Nous nous sommes donné pour règle du jeu de travailler sur la trame afin d’unifier les façades. Bref, nous avions besoin de matière ! », justifie Mathieu Fabre, cofondateur de l’agence marseillaise.

Organisé autour d’une unique cour de récréation, le plan d’ensemble découle de la nature du sous-sol : une ancienne carrière de gypse, dont certaines zones n’étaient pas constructibles ou devaient être bâties grâce à des fondations spéciales. « Au moment du concours, en 2014, nous n’étions même pas certains de pouvoir implanter le gymnase à l’emplacement où il se trouve actuellement, explique l’architecte. Je crois que nous avons été les seuls à proposer de le construire à cet endroit-là. C’était un pari un peu risqué, mais il nous semblait primordial de cadrer la composition. » Au total, trois bassins de rétention ont été réalisés en infrastructure, afin que les eaux pluviales ne soient pas responsables d’affouillements et d’une déstabilisation des sols. La cour, dont le côté sud jouxte un plateau sportif à l’usage des élèves et de quelques associations, a été étanchée avec un enrobé ocre. Les concepteurs l’auraient volontiers enrichie de nombreux arbres pour en domestiquer l’importante superficie, mais ils ont dû se contenter de planter une dizaine de micocouliers avec un système anti-racinaire.

Le préau en regardant vers la cour

Avantage de la dispersion du programme dans cinq bâtiments distincts, chaque entité fonctionnelle est aisément localisable. À l’extrémité sud-est du terrain, le gymnase (doté d’un mur d’escalade, de paniers de basket-ball et de buts de handball) est entièrement construit avec une structure en lamellé-collé. Les faces extérieures de son rez-de-chaussée sont parées de murs en béton préfabriqué teinté dans la masse, dont les modénatures sont accordées aux alignements de poteaux qui cernent la cour de récréation.

Face au gymnase, sur le côté opposé du parvis que longe la route D44G, le bâtiment de plan carré est le siège de l’entrée principale. Perforé par un patio, il offre un bon résumé des principes constructifs qui gouvernent le projet. Son rez-de-chaussée en béton, criblé de piliers de 50 centimètres de section, accueille l’administration, la salle polyvalente et le préau. À l’inverse, la structure de ses deux niveaux supérieurs est réalisée avec des murs à ossature bois (porteurs périphériques), des panneaux de CLT et des poteaux-poutres de lamellé-collé (intérieur du bâtiment). Le CDI et les salles informatiques occupent la majeure partie du premier étage, desservi par un couloir central et deux escaliers, judicieusement positionnés aux angles du plan. L’intégralité du dernier étage, dont les salles de cours sont distribuées par une majestueuse galerie à l’air libre, est réservée aux 60 élèves du BTS. Tous les bardages en zone couverte sont en mélèze (bois clair). Tous les éléments de façade exposés aux intempéries (bardages, poteaux et traverses) sont en Douglas traité avec un saturateur (bois foncé). (…)

Le préau (RDC), le CDI et les salles informatiques (R+1), le BTS (R+2)

Fiche technique

MAÎTRISE D’OUVRAGE : Région Provence-Alpes-Côte d’Azur
ARCHITECTE : Huit et Demi (mandataire), Jean-Marc Chancel et Jean-Sébastien Cardone (architectes associés)
BUREAUX D’ÉTUDES : SP2I, Jacques Anglade, Barthes Bois, Igetec, MD Restho consultants
PAYSAGE : Éric Giroud
PROGRAMME : Lycée d’enseignement général, BTS, gymnase omnisports, restaurant de 450 rationnaires, cinq logements de fonction
SURFACE DE PLANCHER : 8 512 m2
COÛT DES TRAVAUX : 19,4 M€ HT

Façade partielle du bâtiment d’enseignement général
Coupe sur le bâtiment d’enseignement général

Texte Tristan Cuisinier
Photos Florent Joliot

Retrouvez l’intégralité de l’article sur le Lycée Monte-Cristo à Allauch par Huit et Demi au sein du daté mars – avril 2021 d’Archistorm