Au centre de Clermont-Ferrand, l’îlot des Salins accueille un ensemble conçu par l’architecte Valentin Vigneron entre 1954 et 1978. Edifiée en 1974, sa pièce maîtresse en est le siège régional du Crédit Agricole Centre France, dont la réhabilitation, quatre décennies plus tard, accompagne la mutation urbaine de tout un quartier. Répondant à de hautes ambitions sociales et environnementales ainsi qu’à des enjeux énergétiques élevés, l’agence SOHO a donné corps à l’ambition de créer un site à la fois ouvert sur la ville et doté en son cœur d’une respiration végétale. Un site qui fait dialoguer intérieur et extérieur, lignes horizontales et verticales, courbes et rectilignes. En un geste architectural fort et respectueux, où la dimension patrimoniale s’inscrit en symbiose dans une écriture contemporaine.

Un chantier hors norme

 Le « chantier prouesse »

Trois ans et demi de travaux, jusqu’à 300 compagnons en pic d’activité, deux chantiers distincts au nord et au sud qui se sont rejoints fin 2021, des équipements qui représentent de vraies performances techniques : la construction du nouveau siège a relevé de nombreux défis. Sans oublier celui d’un théâtre des opérations situé en plein centre-ville, nécessitant une organisation particulièrement maitrisée pour répondre aux contraintes d’accès et de réduction des nuisances pour les riverains.

Gros œuvre zone nord

Huit niveaux sur sous-sol, 900 m2 de plancher par niveau : la nouvelle structure en béton armé s’élève au Nord du chantier, à raison d’un étage par mois, derrière les façades historiques. A l’angle de l’Avenue

François Mitterrand et de l’Avenue de la Libération, l’atrium du futur hall d’accueil est un concentré de techniques de gros œuvre : poutres de transfert entre le parking du sous-sol et le rez-de-chaussée, poutres préfabriquées de béton blanc en périphérie du vide elliptique sur cinq niveaux, bétons C55/60 pour les poteaux des premiers niveaux, structure en gradins du futur amphithéâtre aux 5e et 6e étages, clavetage à chaque niveau des nouveaux planchers sur les façades historiques sur rue, qui retrouvent leur rôle de descente de charge verticale. L’ensemble sans joint de dilatation sur une diagonale de 56 mètres.

Façades sur jardin

L’approche architecturale portée par SOHO ATLAS IN FINE pour la rénovation du siège du Crédit Agricole

Centre France est axée sur le dialogue entre les façades historiques côté ville et une nouvelle peau en cœur d’îlot tournée vers le futur et ouverte sur un jardin. La façade sur jardin se développe sur près de 3 000 m2. Orientée à l’Est et au Sud, il s’agit d’une façade « cadre » en aluminium à triple vitrage respirant, au coefficient Uw de seulement 1,3 W/m2.K. Chaque élément est équipé de stores motorisés intégrés, pilotés par la GTB. L’écriture aléatoire des brise-soleils verticaux rythme et allège l’ensemble. Chaque cadre est réalisé en atelier, garantissant une finition optimale.

Le temps de pose sur chantier est réduit, libérant les grues pour l’approvisionnement du chantier pour les autres corps d’état.

Façades sur rue

Les façades sur ville auront disparu à la vue du public pendant la quasi-totalité du chantier. D’abord étayées pendant les phases de démolition / reconstruction, elles sont ensuite totalement échafaudées pour être nettoyées et restaurées. Les bétons sont nettoyés finement, les habillages en laiton en haut des colonnes de béton cannelées et les cabochons de ventilation en façade retrouvent leur éclat. Une attention particulière est apportée à la préservation des plaques de laves émaillées. A l’angle de l’Avenue François Mitterrand et de l’Avenue de la Libération, celles-ci sont déposées pour « ouvrir » le bâtiment sur la ville au niveau de la nouvelle entrée. Une partie est réemployée en soubassement des encadrements en béton blanc reconstitués. Les nouvelles menuiseries extérieures sont en aluminium et triple vitrage respirant.

Les ossatures à « ouvrants cachés » affinent l’écriture de l’ensemble.

« Ce projet aura été une responsabilité, un engagement, mais aussi un marqueur fort dans l’histoire de SOHO et nos vies d’architectes. Il aura également donné du sens à l’exercice de nos métiers, pour continuer avec sérénité d’avancer dans la pérennité. »

Patrick Miton, président et architecte associé, SOHO Architecture

Un siège social à vivre

Ouvrages singuliers

Dans l’atrium du hall d’entrée principal, un escalier hélicoïdal vient s’enrouler du rez-de-chaussée au

4e étage. Les hélices en acier sont préfabriquées en atelier puis posées à l’avancement des planchers de gros-œuvre. Elles seront peintes in-situ. En toiture à l’angle de l’Avenue François Mitterrand et de l’Avenue de la Libération, une coupole abritait une machinerie d’ascenseur. Revisitée dans le cadre du projet, elle inondera de lumière naturelle le futur work-café du 7e étage et se transformera le soir en lanterne magique.

Le projet initial de Valentin Vigneron comprend une rotonde en toiture de l’un des bâtiments démolis, celui de la Mutualité Sociale agricole à l’angle nord-ouest du projet. Ce petit édifice existant, surmonté d’une coupole, accueille alors la machinerie d’ascenseur.

Le projet architectural prévoit de réinterpréter ces édicules en toiture (cheminées, coupoles) réalisés en béton bouchardés. Ainsi, la nouvelle coupole se positionne en lieu et place de la coupole existante, mais est vidée de son aspect technique pour devenir une coupole d’éclairage zénithale qui apporte de la lumière dans le workcafé la journée, et se transforme en lanterne magique une fois la nuit tombée. Ses parois en polycarbonate d’un côté et en enduit de finition minérale de l’autre permettent à ce petit édifice de s’inscrire dans la continuité de l’aspect architectural proposé par Valentin Vigneron.

Plateaux ouverts

Le nouveau siège social du Crédit Agricole Centre France regroupera 500 collaborateurs sur plus de 8 000 m2 de plateaux de bureaux, le centre de formation de formation de la Caisse Régionale ainsi qu’une agence bancaire. Un des enjeux majeurs du projet était de donner une unité aux espaces intérieurs répartis sur cinq bâtiments construits de 1956 à 1974, avec des modes constructifs et des niveaux de planchers différents, mais aussi des hauteurs d’étage contraintes. Le travail collaboratif sur les maquettes BIM a permis d’affiner la synthèse technique et d’aboutir à des hauteurs sous plafond confortables dans l’ensemble des espaces, largement supérieures à celles existantes avant travaux. Les plateaux ouverts côté jardin sont complétés par des salles de réunion et des bulles de confidentialité côté rues.

Auditorium

Au-dessus de l’atrium du hall d’accueil, l’auditorium de 130 places se développe aux 5e et 6e étage dans l’angle de l’Avenue François Mitterrand et de l’Avenue de la Libération. Ouvert sur La Chaîne des Puys et la ville, des rideaux d’occultation permettent de le transformer à volonté en salle de projection. La coque extérieure est un ovoïde réalisé en couches croisées de contreplaqué sur une ossature en bois.

Hommage à la culture du rugby et à l’ASM, elle sera revêtue de cuir. En sous-face des gradins, le plafond incliné de l’atrium supportera un lustre monumental.

Revêtu d’un miroir en cassettes d’aluminium poli, ce plafond dématérialise le volume de la salle dont le volume s’évanouit dans le reflet des niveaux inférieurs de l’atrium.

Le jardin

Le jardin est le poumon vert du projet. Il couvre l’ensemble du coeur d’îlot. Le mur mitoyen borgne de la Maison de la Culture est habillé d’un bardage métallique et d’une fresque « miroir » qui reprend le dessin des allées et élargit l’espace. Le jardin est constitué de strates successives, depuis les massifs d’herbacées jusqu’aux arbres de haute tige. Il couvre l’ensemble du parking souterrain. L’épaisseur de terre de 80 centimètres garantit le bon développement des végétaux.

Choisie avec précision et adaptée au site, la végétation se déroule comme un tapis vert au cœur de l’îlot. Le jardin, implanté majoritairement au niveau du rez-de-chaussée, accompagne la déclivité de l’avenue de la Libération et se déploie en gradins dans sa partie Sud pour rejoindre progressivement le niveau d’accès du parking. Il se raccorde ainsi au niveau de la cour de la Maison de la Culture et offre une perspective qui agrandit visuellement l’espace. Le mur séparatif est habillé d’une frise réalisée avec les pierres émaillées issues de la façade de l’entrée principale, en rappel de l’histoire du site.

Une double coursive intérieure et extérieure longe le jardin du Nord au Sud depuis le hall d’accueil pour desservir les points de montée verticale dans l’immeuble.

Des plantes grimpantes prolongent le jardin en pergola au Sud et font disparaître l’aire de livraisons et l’accès au parking souterrain. Ce jardin arboré est au cœur du projet de transformation du site : il est vu de tous, y compris par les passants à travers les larges baies des locaux du rez-de-chaussée et il est accessible par tous les salariés.

L’attique

L’îlot des Salins est le plus haut de son quartier. L’attique est un lieu unique, où l’on découvre les toits de

Clermont-Ferrand qui s’étendent devant la Chaîne des Puys. La toiture est épurée, les locaux techniques sont reportés en infrastructure dans les sous-sols et sur la terrasse du bâtiment plus bas qui ferme l’îlot au Sud.

L’électricité produite par les panneaux photovoltaïques disposés sur le toit est auto-consommée.

Accessible à tous les salariés, l’attique regroupe les espaces de vie collective de la Caisse Régionale : le

work-café, lieu de rencontre et de réunion, mais aussi un salon de réception et la salle de conseil d’administration.

Ces espaces traversants bénéficient de larges terrasses ouvertes sur la ville et profitent d’un maximum de lumière tout au long de la journée. Les vues sur le paysage immédiat et lointain font partie intégrante de ces espaces remarquables, facilement accessibles depuis le hall d’accueil par les ascenseurs.

En toiture à l’angle du Boulevard François Mitterrand et de l’Avenue de la Libération, une coupole abritait une machinerie d’ascenseur.

Revisitée dans le cadre du projet, elle inonde de lumière naturelle le work-café du septième étage et se transforme le soir en lanterne magique.

L’agence bancaire

Une agence bancaire s’implante sur deux niveaux dans l’aile Nord, en continuité du hall d’accueil principal.

Elle se développe autour d’un vide central ouvert sur le jardin. Elle dispose de son propre accès sur le

Boulevard François Mitterrand. Les plateaux ouverts sont rythmés par les bureaux de réception des clients. L’agence fonctionne en synergie avec le siège tout en restant un établissement autonome.

Afin de respecter les modénatures et l’architecture de la façade historique tout en préservant l’accessibilité pour les personnes en fauteuil, les distributeurs automatiques de billets sont reportés dans le sas d’entrée de l’agence qui reste accessible jour et nuit.

Fiche technique :

Maître d’ouvrage : Crédit Agricole Centre France
Assistants à maîtrise d’ouvrage : KARDHAM — INGEROP — EODD — BEAUVOIR — ITC
Maîtrise d’œuvre : SOHO ATLAS IN FINE (architecte mandataire)
Entreprises : COGECI (structures), KATENE (fluides), PROCOBAT (économie), THERMIBEL (acoustique), ETAMINE (démarche environnementale), BIMING (bim manager), AAG (paysage), PACK INGENIERIE (vrd), EUCLID (opc et cuisine), DILUVIAL (fontainerie), TANGRAM (décorateur)
Surface de plancher : 16 000 M2

— retrouvez l’intégralité de l’article  dans Archistorm 124 daté janvier – février 2024 !