« Les réflexions conjointes avec l’équipe d’Arte Charpentier ont été engagées sur l’avenir de cet immeuble. Dans un premier temps, nous avons cherché à optimiser la création de surface utile, tout en restant en corrélation avec les exigences du PLU. Dès lors, nous avons déposé en 2015 un certificat d’urbanisme afin de faire prévaloir nos droits. En effet, à ce moment-ci, l’immeuble était encore lié à la juridiction du PLU alors en vigueur, ne limitant pas la création de surface de bureaux en superstructure. Juste avant le terme du certificat, nous avons déposé en mars 2017 un permis de construire avec un projet visant à créer un maximum de mètres carrés à bâtir par rapport à ce qui était encore autorisé. Attendre le départ effectif du consulat de Chine signifiait perdre cette possibilité. »
Sven Jacobs , Directeur de programmes, Groupama Immobilier

Le long de la rue de l’Oratoire-des-Champs-Élysées, tracée en 1787, les terrains situés au sud sont construits dès la fin du XVIIIe siècle, tandis que les autres parcelles demeurent de vastes jardins cultivés jusqu’au début du XIXe siècle. En 1820, un hôtel particulier est élevé au numéro 20 de la rue pour Jean-Baptiste-Claude Odiot, célèbre maître-orfèvre. En 1851 lui est annexé un hôtel secondaire situé en arrière de la parcelle. En 1877, un immeuble de rapport est construit par l’architecte Jean-Baptiste-Marie Pigny au numéro 18 de la même rue, rebaptisée rue Washington en 1879. Les immeubles élevés sur ces deux adresses mitoyennes subissent, au cours du XXe siècle, de nombreuses modifications.
Pour le compte de Groupama Immobilier, l’équipe de l’agence Arte Charpentier conçoit et réalise pour cette adresse à deux entrées un projet de réhabilitation ayant pour objectif de restituer une harmonie d’ensemble par l’écriture d’une nouvelle identité.

De résidences historiques en immeubles de bureaux

Entre 1950 et 1967, trois campagnes de travaux modifient progressivement l’ancien hôtel et ses dépendances en immeubles de bureaux. Au fil du temps, l’ensemble remanié à plusieurs reprises s’en trouve ainsi marqué par un manque de cohérence, et souffre aussi d’obsolescences.

Après l’annonce de déménagement du consulat de Chine, un certificat d’urbanisme est déposé en octobre 2015, suivi du permis de construire déposé en mars 2017. Après le déménagement du consulat en 2019, le chantier débute en juillet 2020. Le gros œuvre est achevé deux années plus tard, avant une livraison des espaces inaugurés en novembre 2022. L’entreprise Cisco Systems France installe dans les lieux ses nouveaux bureaux.

Entre démolition des parties devenues obsolètes et restauration des espaces historiques, cette opération mêle patrimoine et architecture contemporaine. Les ajouts permettent une augmentation de surface de quelque 1 700 m² d’espaces tertiaires. Un jeu de volumes et de traitement esthétique souligne la différenciation entre les époques, à l’intérieur comme à l’extérieur.

L’immeuble haussmannien et l’hôtel particulier

L’édifice possède une force particulière liée à son histoire. La recomposition des volumes et des façades participe à la valorisation du patrimoine existant tout comme à la création de nouveaux espaces. La rénovation des façades suit une logique de cohérence avec l’environnement urbain.

Au 18 rue Washington, l’immeuble haussmannien construit en 1877, puis rehaussé d’un étage en 1963, a fait l’objet d’une réhabilitation. Dans un souci de cohérence, des lucarnes axées sur les fenêtres des étages remplacent d’anciennes fenêtres de toit. À l’intérieur, les planchers ont dû être partiellement repris afin d’aligner les niveaux à ceux du bâtiment neuf. Des ascenseurs vitrés desservent l’ensemble des étages et font la jonction avec l’immeuble ancien.

En ce qui concerne l’hôtel particulier datant de 1820, le portail d’entrée ainsi que le corps central ont été conservés, à l’exception du dernier étage réalisé en 1949, reconstruit dans l’alignement des immeubles sur rue. Relié à ces derniers par deux escaliers et deux ascenseurs, il est accessible depuis le hall principal tout comme des niveaux de sous-sol. Les décors intérieurs historiques tels que le parquet, les plafonds avec moulures ou encore le majestueux escalier en bois ont fait l’objet d’une restauration. Dans le souci d’une harmonie d’ensemble, l’hôtel particulier est surélevé de deux niveaux. Le dernier étage, espace vitré ceinturé d’une terrasse panoramique offrant des vues privilégiées sur la capitale, est dénommé « le Nuage ».

Ajouts contemporains au 20 rue Washington

Au 20 rue Washington, le corps du bâtiment construit au milieu du XXe siècle a été démoli, à l’exception du porche historique conservé du bâtiment antérieur, au bénéfice d’un nouvel édifice habillé de panneaux vitrés encadrés d’une trame verticale en laiton marquant la rue tout comme la cour d’honneur d’une empreinte architecturale forte. L’immeuble contemporain haut de quatre étages relie les différents plateaux. Les planchers reconstruits s’alignent au niveau des planchers de l’immeuble haussmannien. Les ailes construites en 1963 de part et d’autre du jardin sont entièrement démolies pour laisser place à deux édifices largement vitrés.

Au sud-ouest, une aile en retour accolée au corps principal s’élève sur trois étages de gradins, permettant de dégager de l’espace propice à l’installation de terrasses végétalisées en partie accessibles depuis les bureaux. Cette aile se trouvant sur un terrain en pente, il a fallu mettre en place un système de terrasse répondant à la déclivité du site, mais qui permet en même temps d’ouvrir la vue vers le cœur de l’îlot. Vers le nord-est fait face un bâtiment de quatre étages accueillant, aux deux derniers niveaux, des terrasses, là aussi végétalisées.

Conception d’une nouvelle mise en espace

L’écriture architecturale intérieure relève de la continuité entre les espaces. La réflexion autour des aménagements a permis la mise en place d’espaces aux circulations fluides entre les étages. Dans un souci d’adaptabilité aux besoins des utilisateurs, il est possible d’aménager les plateaux de bureaux livrés en blanc. De la même façon, le rez-de-chaussée pourra accueillir au besoin un lieu d’exposition.

Siège du premier contact des usagers avec les intérieurs, le hall est habillé de matériaux nobles et bénéficie d’une double hauteur. Au sein du sol de marbre veiné, une dynamique graphique se met en place par l’insert de lignes en laiton. Ouvert sur l’extérieur par de grandes baies vitrées, il fait la liaison entre la rue et la cour d’honneur par sa grande transparence.

Depuis le rez-de-chaussée, l’escalier historique, colonne vertébrale de l’édifice, relie les demi-niveaux de plateaux des différentes ailes du bâtiment jusqu’au Nuage. Sa gamme chromatique mêle parquet et pierre à une rampe en laiton, le tout vitré et lumineux.

Les salons historiques de l’hôtel particulier ont été soigneusement restaurés, des parquets en marqueterie aux miroirs, des boiseries aux dorures, et des tableaux marouflés installés de part et d’autre d’une ancienne cheminée au sein du grand salon. Les menuiseries conservent une couleur claire et sobre, tout comme les rambardes et garde-corps extérieurs de la façade historique sur jardin.

Au dernier étage, l’espace du Nuage, tel un objet déposé sur le toit, est placé au centre d’une terrasse végétalisée. Ce volume transparent aux formes arrondies est placé en retrait par rapport au corps du bâtiment. Par ce dégagement, il sort du registre de la façade afin que la hauteur des éléments contemporains n’écrase pas le bâtiment ancien.

Les espaces neufs accueillent des bureaux, entièrement adaptés aux nouveaux modes de travail. D’une grande flexibilité, les plateaux peuvent accueillir des bureaux individuels ou collectifs.

Les terrasses accessibles sont aménagées en véritables espaces de vie. La végétalisation participe du bien-être des usagers tout en favorisant le développement de la biodiversité.

Jardin historique, Espace Vert Protégé

À l’arrière de l’hôtel particulier, un perron à deux entrées donne directement sur le jardin historique, dont il est séparé par quelques marches. Cet espace clos est flanqué de part et d’autre par les ailes contemporaines. La recomposition d’un alignement en fond de parcelle sert de filtre visuel aux immeubles voisins.

Le jardin se voit réhabilité selon une inspiration d’époque romantique. Proche de son aspect d’origine, la composition prend place sur un plan de forme symétrique. L’étude des plans historiques, où la présence d’une pelouse centrale et d’un mail planté au fond du jardin est avérée, justifie la conservation de cette disposition.

La composition générale s’appuie sur la création d’un tapis de gazon, agrémenté d’allées de mignonnettes qui desservent les entrées des bâtiments. L’une d’elles est couverte d’une roseraie sur arceaux. Au centre, un miroir d’eau participe à l’apport de fraîcheur en cœur d’îlot. Telles des folies, plusieurs cocons en osiers tressés sont installés en cœur de massif afin de créer des lieux ombragés en extérieur. Réalisées par l’artiste et paysagiste Stéphanie Buttier, ces sculptures fonctionnent telles des chambres végétales.

Extraits d’entretiens

Jérôme Le Gall, Architecte associé et Directeur général délégué, Vincent Lempereur, Architecte associé,  Godefroy Saint-Georges, Architecte, et Edith Richard, Architecte d’intérieur associée, Arte Charpentier

Quels sont les éléments qui ont influencé l’esthétique des enveloppes contemporaines ?

JLG : Le sujet du projet se rattache à la stratification historique du secteur urbain, où chaque époque s’affirme. La scénographie urbaine participe de la mise en valeur du lieu. Dans cette rue étroite, tout en nous alignant à l’horizontalité des bâtiments voisins, nous avons cherché à reconstituer une rythmique verticale en façade par la mise en place de module de brise-soleil. Ce travail sur le rythme permet de créer un troisième registre esthétique adjoint à ceux de 1820 et 1877.

VL : Les façades contemporaines sont revêtues d’une matière métallique de teinte bronze anodisée jouant avec la lumière et se déclinant du rez-de-chaussée vers les étages. Un jeu de matière se met en place par des rappels, la teinte se retrouve sur les grandes portes des 18 et 20 rue Washington par exemple.

GSG : Cette nouvelle écriture, sobre et mono-matière, permet de raccorder délicatement les différentes époques, mais aussi de proposer un ensemble hétéroclite, à la fois harmonieux et contemporain.

Valérie Assenine, Senior Asset Manager,Groupama Immobilier

Quels sont les éléments du projet architectural proposé par l’équipe d’Arte Charpentier qui ont séduit le maître d’ouvrage ?

Les lieux se composant de trois édifices historiques d’époques différentes, nous avons été séduits par le dialogue établi entre ces trois entités pensées comme un ensemble homogène.

Les bâtiments d’origine présentaient des avantages et des inconvénients. Parmi les avantages, la particularité d’un lieu majestueux et rare pour des bureaux, la grandeur des salons décorés et la belle façade.

En parallèle, il a fallu composer avec un immeuble des années 1960, s’accordant mal au bâti haussmannien. La disparité entre les parties donnait lieu à des ruptures visuelles et à des différences de plancher. En choisissant de maintenir les parties historiques et de détruire les ajouts plus récents, Arte Charpentier proposait de rendre cet immeuble à la fois opérationnel et architecturalement intéressant pour un futur occupant de bureaux.

Les propositions de dessin de la façade contemporaine nous ont beaucoup plu. La mixité des matériaux du métal de la façade dialogue harmonieusement avec le côté minéral de la pierre historique.

Fiche technique

Maîtrise d’ouvrage : Groupama Immobilier
Maîtrise d’œuvre : Arte Charpentier (mandataire, architecture d’intérieur, paysage), Imperium (éxécution)
Surface : 6 189m²
Entreprise générale : Dumez Île-de-France

Texte : Cléa Calderoni
Photos : Boegly Grazia

— retrouvez l’article sur Ulteam, Paris, par Arte Charpentier dans Archistorm 119 daté mars – avril 2023