« Ce projet d’ensemble dans lequel nous nous sommes lancés est sans doute le plus complexe et le plus innovant jamais porté par la Ville. Au-delà de sa vocation touristique indéniable, il se veut parfaitement intégré au quotidien de Dijon et des Dijonnais. Dijon donne un nouvel avenir à son histoire à travers cette réalisation dont aucune des dimensions urbaine, patrimoniale, culturelle, touristique, gastronomique et viticole n’est laissée de côté ! »
François Rebsamen, maire de Dijon, président de Dijon métropole

De la césure à l’osmose

Transformer des lieux de mémoire, en leur confiant de nouvelles fonctions actives et productives dans leur environnement tout en respectant l’histoire, est une passion qu’Anthony Bechu met au service de sa mission d’architecte et d’urbaniste, déjà confrontée au réel avec la transformation de l’Hôtel-Dieu de Marseille en hôtel et logements, suivie par la restauration et la revalorisation du patrimoine d’exception de l’Hôtel-Dieu de Dijon et de sa transformation complète en Cité internationale de la gastronomie et du vin.

Avec la Cité internationale de la gastronomie et du vin, la porte fermée par l’Hôtel-Dieu s’ouvre sur et à la ville. Tout sauf hors-sol, le site est ancré dans la réalité dijonnaise pour restaurer le bâti historique, pour accueillir le Centre d’interprétation de l’architecture et du patrimoine de Dijon, et pour capitaliser sur la tradition gastronomique dijonnaise et bourguignonne. Cette tradition sous-tend le choix des matériaux : pierre de Comblanchien des 250 000 pavés du parvis de l’UNESCO, entrée dans la Cité, ou pierre de Corton, Comblanchien et Buxy des façades des XVIIe et XVIIIe siècles à restaurer et de la cour Berrier.

Reste le geste architectural le plus fort à la poursuite du même objectif : le canon de lumière ! Sa masse, sa force, sa couleur et son matériau – l’acier Corten – marquent fortement l’identité de la Cité et contribuent à minorer la présence des voies ferrées ; de l’intérieur, il ancre tout aussi physiquement la Cité à la ville, dans une relation visuelle transparente pour mieux saisir les tours et les clochers du centre historique.

Ce projet historique qu’est la Cité Internationale de la Gastronomie et du Vin est également fortement marqué par de la restauration de bâtiments classés en habitation loi Malraux suivie par l’agence Perrot & Richard Associés pour le promoteur, le groupe François 1er. Il se prolonge par la création d’un écoquartier dont le schéma directeur et programmatique est également le fruit du travail d’Anthony Bechu. Celui-ci prend la forme d’un parc habité, compacité du bâti, maximisation des espaces verts – formé de résidences qualitatives – sénior, tourisme, étudiante, logement en accession – conçues par Archigroup Design et Chambaud Architectes, Perrot & Richard Associés, et bien entendu l’agence Bechu & Associés.

Un chantier exemplaire

Pendant près de trois ans, plus d’une centaine d’entreprises, ultra-majoritairement locales ou régionales, illustration des savoir-faire de tous les corps d’état, a travaillé sur le site, encadrée par Eiffage, à l’exception de certains bâtiments historiques restaurés par des entreprises plus spécifiques.

La décomposition du projet global en chantiers de tailles variables favorables au choix d’entreprises locales facilite la multiplication des partenariats avec ces PME, incapables, pour l’essentiel, d’assumer les volumes de travaux d’un chantier unique.

« En réalité, tout est histoire de femmes, d’hommes et de relations humaines. Fruit d’un partenariat public-privé, ce projet s’est appuyé sur nos savoir-faire locaux : 85 % des entreprises qui sont intervenues sur le chantier sont situées en Bourgogne-Franche-Comté ! »
François Rebsamen, maire de Dijon, président de Dijon métropole

Les 1001 vies de la cité

La Cité internationale de la gastronomie et du vin ne peut trouver meilleur qualificatif que protéiforme. D’une vie organisée autour d’une seule fonction hospitalière, le lieu s’est transformé dans la continuité de son histoire, au travers de formes multiples et aspects divers passant du Cure au Care* grâce à une mixité de vocations qui s’y sont installées : pédagogique, culturelle, patrimoniale et touristique.

Aux premières loges, l’École des Vins de Bourgogne, centre de formation et de découverte aménagé par Anne Clerget, architecte de l’atelier CLEA, invite à déchiffrer les secrets de l’œnologie à travers diverses expériences de dégustations immersives, en contrepoint des espaces muséaux, et en complément des autres acteurs que sont l’École Ferrandi, le Village Gastronomique ou l’Hôtel Sainte-Anne.

L’École Ferrandi, alerte centenaire, installe ses pianos pédagogiques dans le bâtiment-vitrine qu’est le Canon de lumière : 850 m² en deux étages avec d’exceptionnelles vues sur la ville historique. Cent-dix étudiants venus du monde entier y suivent, en langue anglaise, une formation intensive à la cuisine française et à la pâtisserie, complétée par une formation à l’œnologie et à l’accord mets-vins.

* « Soigner » « prendre soin »

Extraits d’entretiens

Anthony Bechu, architecte-urbaniste, dirigeant de l’agence d’architecture et d’urbanisme Bechu & Associés

Vous faites vôtre cette phrase d’André Malraux : « La tradition ne naît pas de l’imitation mais de la confrontation » …

– C’est exactement ce que nous faisons à Dijon avec mon complice associé Pablo Lorenzino, par la valorisation du produit et du terroir, par la mise en œuvre des matériaux. Il ne s’agit pas de recette de cuisine mais de recette d’architecture ! Nous sommes architectes du patrimoine, et de ce fait notre conscience de la qualité de notre passé nourrit notre création. Marseille et Dijon en sont la démonstration, à travers notre capacité à réintégrer la ville dans des territoires dont elle était exclue comme tous les hôpitaux en général et les hôtels-Dieu en particulier. L’hôpital général, ancienne génération, abrite le corps médical, héberge des malades et accueille des visiteurs dans un lieu de plus en plus clos. Notre but est de mettre en exergue la quintessence du lieu, de nous en servir comme racine pour l’écriture et le dessin de nouveaux projets, et de permettre à la mixité de la ville et à la nature de venir de concert écrire une nouvelle partition de musique au service du programme à développer. La Cité est bien une question de terroir avec son histoire : il s’agit de la redessiner dans une modernité qui est à l’image du grand paysage remis dans le petit paysage de l’architecture du XVIIIe siècle. Loin du pastiche ou de la copie, nous redonnons un véritable avenir à cette friche hospitalière entre tradition et modernité, à savoir comment ancrer le grand paysage de la gastronomie et du vin dans le petit paysage de l’assiette et du verre.

Que vous inspirent votre réflexion et votre travail sur Dijon ?

Transformer des lieux de mémoire, en leur confiant de nouvelles fonctions actives et productives dans leur environnement tout en respectant l’histoire, est une passion que nous mettons au service de notre mission d’architecte. Cette valorisation du patrimoine devient un enjeu majeur pour les villes françaises. Le respect des racines n’est-il pas la clé de la durabilité d’un lieu ?

Deux prismes sont à mettre en valeur d’autant plus qu’ils sont les clés pour notre société de l’urbanocène. Un, la valorisation du patrimoine est devenue un enjeu majeur pour les villes. La place de la production dans la mixité des fonctions urbaines et la reconquête des traces industrielles ou hospitalières et du passé constituent un levier important de la redynamisation des territoires. Deux, comment transformer un lieu conçu pour soigner en un lieu qui prend soin de la ville et de ses habitants dans toutes les dimensions ?

François Deseille, deuxième adjoint au maire de Dijon, délégué aux finances et à la Cité internationale de la gastronomie et du Vin

Que représente ce projet pour la Ville ?

Ce projet d’ensemble dans lequel nous nous sommes lancés est sans doute le plus complexe et le plus innovant jamais porté par la Ville. Au-delà de sa vocation touristique indéniable, il se veut parfaitement intégré au quotidien de Dijon et des Dijonnais. Dijon donne un nouvel avenir à son histoire à travers cette réalisation dont aucune des dimensions urbaine, patrimoniale, culturelle, touristique, gastronomique et viticole n’est laissée de côté ! Pendant plus de dix ans, entre mars 2012, où nous découvrons l’appel à projets lancé par le gouvernement français pour créer une Cité de la gastronomie, et le 6 mai 2022, jour de l’inauguration de la Cité internationale de la gastronomie et du vin de Dijon, nous avons tenu bon pour cuisiner cette réhabilitation exemplaire.

Vincent Guilbaud, directeur commercial, SETP

Quelle fut votre mission pour la Cité de la gastronomie et du vin de Dijon ?

Pour ce chantier emblématique, SETP s’est vu confier la totalité de la fourniture du pavage et de l’escalier du parvis extérieur, ainsi que le dallage intérieur du hall d’entrée de la Cité, avec la pierre calcaire de Comblanchien. En ce qui concerne la partie classée monument historique de l’ancien Hôtel-Dieu, SETP a fourni la totalité des pierres de taille, en Corton, qui ont été utilisées pour remplacer les encadrements de fenêtres, lucarnes, et corniches qui étaient trop abîmées, dans le but de redonner ainsi tout l’éclat aux façades des bâtiments historiques.

Les carrières de Comblanchien et de Corton constituent une ressource locale, abondante, qui permet aux maîtres d’œuvre de concevoir leur projet en utilisant un matériau de construction géosourcé, ayant un faible impact carbone tout au long de son cycle de vie. Ces deux carrières sont situées à moins de 30 km du chantier, au cœur du vignoble bourguignon. Le bilan carbone lié au transport est un facteur très positif, dans le cadre de la certification BREEAM de ce projet, piloté avec l’Atelier CLEA (Anne Clerget, architecte), avec lequel nous avons échangé de façon très utile. Le bureau d’études techniques SOCOTEC a également joué un rôle majeur pour la validation technique de la pierre de Comblanchien, en conformité avec les normes en vigueur, destinée au revêtement des sols intérieurs, pour une sollicitation de trafic intense.

Croquis © Anthony Bechu

Fiche technique

Maîtrise d’ouvrage : Eiffage Immobilier
Maîtrise d’oeuvre : Bechu & Associés (mandataire), A.-C. perrot & F.Richard (associé), Atelier Clea (certification BREEAM)
Surface : 64 000 m2 dont 12 000 m2 de patrimoine réhabilité
Entreprises (liste non exhaustive) : Alkimia, SETP

Texte : Pierre Delohen
Photos : Fernando Javier Urquijo

— retrouvez l’article sur la Cité internationale de la gastronomie et du vin, Dijon par Bechu & Associés dans Archistorm 119 daté mars – avril 2023