Situé au cœur de Nantes, le musée Dobrée, abritant de riches collections d’œuvres, rouvre en 2024 après un long chantier de réhabilitation conduit par l’Atelier Novembre. Respectant l’héritage patrimonial tout en répondant aux attentes contemporaines, le projet s’articule à travers trois bâtiments historiques distribués autour d’un aménagement paysager. Ce projet complexe répond à des considérations à la fois urbaines, patrimoniales et muséales. Le site, qui se distingue par un éclectisme architectural, a été harmonisé à plusieurs égards pour accueillir tout à la fois les visiteurs du musée ou du jardin comme les promeneurs.
Historique du musée Dobrée
L’histoire du musée Dobrée, situé dans le quartier Graslin, le centre ancien de la ville de Nantes, débute en 1849 lorsque la Société archéologique et historique fonde un premier musée archéologique. Ce quartier historique initié au XVIIIe siècle s’inscrit dans un ensemble urbain d’une grandehomogénéité, marqué par des édifices remarquables comme le Théâtre Graslin (1788), l’ancien Hôtel de la Monnaie (1821), actuel Muséum d’Histoire Naturelle, et le musée Dobrée.
Le musée tient son nom de l’armateur et industriel nantais Thomas Dobrée, qui acquiert en 1861 la parcelle où se trouvait déjà
le manoir Jean V construit au XVe siècle, afin de s’y installer et d’y abriter les œuvres de sa collection personnelle. En 1863, il entreprend à proximité l’édification du palais Dobrée, conçu à partir de plans de Viollet-le-Duc. À son décès en 1895, il lègue le domaine et sa collection au Département, et le musée Dobrée ouvre au public en 1899.
Dans les années 1970, afin d’abriter le pôle de conservation et de docu- mentation ainsi qu’un espace d’expositions temporaires, une extension est construite par les architectes Maurice et Paul Ferré : le bâtiment Voltaire.
« La grande difficulté de ce projet a donc été de réunir les trois bâtiments historiques au sein d’un ensemble cohérent tout en respectant leurs fonctionnalités respectives. L’objectif était de gérer les flux de manière différenciée, en séparant la circulation du public de celle des œuvres. »

vis du musée, entrée principale (bâtiment Voltaire) © Takuji Shimmura
Les différentes échelles du projet
Depuis, afin de moderniser l’institution, plusieurs projets se succèdent sans aboutir et en 2011 le musée ferme ses portes. En 2017, un nouveau concours d’architecture désigne lauréate l’équipe composée de l’Atelier Novembre, de l’architecte du patrimoine Philippe Donjerkovic, de la scénographe Adeline Rispal et du paysagiste Moabi. Au terme de plusieurs années de conception et de chantiers, le musée rouvre ses salles en mai 2024.
Ce projet de réhabilitation du musée s’inscrit ainsi dans la continuité d’une tradition culturelle vieille de deux siècles, tout en répondant à des attentes actuelles. La volonté des politiques publiques était de rendre toute son attractivité à un quartier qui avait perdu quelque peu cette dimension culturelle et d’accueillir un public large, notamment grâce à l’aménagement du jardin autour du musée, ouvert à tous et qui constitue le point de contact à la fois avec le visiteur et le promeneur.
Les architectes de l’Atelier ont tenu à la cohérence de leurs interventions, qui passe donc par un geste visible mais unificateur, inscrit dans un dialogue entre le patrimoine bâti, les jardins et les espaces intérieurs du musée. Dans ce dessein, l’emploi de l’acier Corten relie les différentes entités du parcours et renforce la relation entre les constructions et les jardins qui les entourent.
À l’extérieur comme à l’intérieur, une majorité des volumes préexistants a été conservée afin de maintenir l’idée d’un lieu à échelle humaine, incitant à l’exploration de la diversité des espaces et des parcours au sein desquels une signalétique réfléchie rend chaque composante du site plus lisible et accessible.
Restructuration du pôle muséal
Le musée abrite un ensemble remarquable de 135 000 œuvres, dont 2 400 sont exposées, couvrant une période allant de la Préhistoire au XXe siècle, témoins de 500 000 ans d’histoire. Pour répondre aux missions d’études, de conservation et de diffusion, l’ensemble est constitué de trois pôles.
Le palais Dobrée, conservant son rôle historique, héberge les collections du musée et présente un espace d’exposition permanente de plus de 2 000 m². Le Manoir Jean V est aménagé pour l’organisation d’expositions temporaires, bénéficiant d’une surface de 400 m². Enfin, le bâtiment
Voltaire loge l’administration et l’accueil des visiteurs.
Le parcours muséographique
La scénographie conçue par les Ateliers Adeline Rispal s’inscrit dans l’esprit du projet architectural et contribue à la valorisation patrimoniale, privilégiant des interventions à première vue mimanlites qui mettent en valeur les qualités intrinsèques du lieu. La redéfinition du parcours muséographique résulte d’approches à la fois programmatiques, scénographiques et architecturales. Respectueuse de la mémoire du Palais, elle adopte une écriture à la fois contemporaine et fonctionnelle. Apportant une certaine cohérence au sein de la demeure du XIXe siècle, le projet s’applique à harmoniser les différentes pièces et à étudier les effets de la lumière dans le parcours muséographique afin de ne pas éclipser les œuvres, mais bien de participer à leur mise en valeur.
L’ambition est de proposer un musée vivant, conçu comme un véritable lieu de vie, où chacun peut explorer les collections à son propre rythme, en suivant des chemins guidés par ses envies et sa curiosité. Ainsi, la double distribution des salles en enfilade offre une flexibilité permettant d’imaginer plusieurs parcours adaptés au temps et aux intérêts de chaque visiteur, qu’ils soient chronologiques, thématiques.
Entretien Marc Iseppi, Architecte associé, fondateur, Atelier Novembre
Quelles sont les caractéristiques qui redéfinissent l’aménagement paysager ?
Dès l’origine, Thomas Dobrée avait imaginé un grand jardin d’agrément. Aujourd’hui, ce jardin est devenu un espace public et partagé. En effet, les concertations menées avec les riverains ont permis de concevoir un lieu intégrant les besoins et usages de la population locale.
Le terrain est structuré en trois espaces distincts et complémentaires. Au sud, le parvis d’entrée relie par une rampe la place Jean V à la partie nord aménagée en square avec une aire de jeux – dont la création s’inspire du bestiaire architectural du palais Dobrée. Dans l’îlot intermédiaire se trouve le jardin d’acclimatation, en accès libre mais contrôlé depuis l’accueil du musée. Le jardin, qui conserve ses deux entrées historiques au nord et au sud, s’est enrichi de deux nouveaux accès. Le premier se situe dans le prolongement de la rue Désiré Colombe, tandis que le second se trouve sur la rue Voltaire. Cela permet l’ouverture du jardin ainsi que l’autonomie des espaces autour du musée en dehors des horaires d’ouverture, du café notamment.
Qu’en est-il de la distribution des entités fonctionnelles du musée réparties en trois bâtiments ?
La configuration du terrain qui présente une forte déclivité et la présence de plusieurs bâtiments historiques ont conduit au dessin d’un parcours de visite atypique. Le musée a été pensé pour que chaque bâtiment accueille une fonction bien précise. La grande difficulté de ce projet a donc été de réunir les trois bâtiments historiques au sein d’un ensemble cohérent tout en respectant leurs fonctionnalités respectives. L’objectif était de gérer les flux de manière différenciée, en séparant la circulation du public de celle des œuvres. Pour ce faire, nous avons tiré parti de la déclivité du terrain pour créer une infrastructure souterraine aménagée en aire de déchargement des réserves, reliée ensuite aux salles des expositions temporaires.
Fiche technique :
Maîtrise d’ouvrage : Département de Loire-Atlantique
Maîtrise d’œuvre : Atelier Novembre (architecte mandataire) et Atelier Donjerkovic (architecte du patrimoine)
Partenaires : Ateliers Adeline Rispal (Scénographe), Atelier Moabi (Paysagiste), Temeloy (Concepteur Lumière), Chevalvert (Concepteur Graphisme, Signalétique), Oteis (BE TCE, OPC, Économie, SSI & Sécurité), Jean-Paul Lamoureux (Acousticien), Innovision (BE Audiovisuel, Multimédia, Numérique)
Surface : 7 400 m2 SP
Budget : 32 M€ HT
Programme : Réhabilitation des bâtiments existants (bâtiment Voltaire, manoir Jean V, palais Dobrée) privilégiant un usage d’exposition pour le Palais et le Manoir, et création d’extensions neuves afin d’intégrer accueil, boutique, espace de restauration légère, salle polyvalente (conférences, expositions, événements), avec valorisation et requalification des espaces extérieurs en vue de créer un parc muséal et urbain
Visuel à la une : Les extensions du bâtiment Voltaire et du Manoir, vues sur le rez-de-parvis et le rez-de-jardin © Takuji Shimmura
Texte : Cléa Calderoni
— Retrouvez l’article dans Archistorm 130 daté janvier – février 2025