Travail d’Orfèvre by QUARTUS

 

Remarquablement située, à quelques encablures du stade de France, tout près des dessertes de transport (RATP L8, L13, bientôt le Grand Paris Express), à côté des futures installations olympiques amenées à terme à requalifier ce secteur de Saint-Denis à cheval entre Pleyel et le centre-ville (ZAC / Centre Aquatique de la Plaine Saulnier), encore méconnue des parisiens, L’Orfèvrerie est l’une de ces friches industrielles que l’on aime à découvrir, à parcourir.

Son style est plus dépouillé que celui de l’ancienne chocolaterie Meunier et future cité du goût à Noisiel, mais elle se révèle tout autant attractive, chargée d’histoire et reconnue comme archétype de l’architecture industrielle : construite entre 1876 et 1880 pour fabriquer les couverts de la bourgeoisie « argentée » du XIXe siècle ; édifiée pour regrouper les ateliers de fabrication de la fameuse marque Christofle (elle-même créée en 1830 et révélée grâce à Napoléon III) ateliers jusqu’alors disséminés dans Paris.

 

 

L’esprit des lieux

Tout était logique : l’orientation, les flux liés à l’eau (canal Saint-Denis, le minerai arrive par la mer puis la Seine puis le canal) et au fer (voies ferrées). Au centre de la parcelle rectangulaire de 21500 m2, la place Saint Eloi (patron des orfèvres), pour se rencontrer. En bordure les locaux du personnel.

La facture était efficace : brique, fer, bois. La volumétrie découlait des flux : d’est en ouest depuis le canal Saint-Denis côté ville, la Maison du directeur, les ateliers d’orfèvrerie, de couverts, les laminoirs avec en ailes les ateliers du recuit, la grande halle de fonderie, les réservoirs, et pour finir le traitement du minerai côté voie ferrée.

Car unique en France, cette usine de fabrication conjuguait deux cultures, celle de l’orfèvre et celle du « métallo » ! Recherche scientifique, industries de biens de consommation et art se nourrissaient mutuellement. Les effectifs passant de 385 employés (1881) à 1 500 dans le courant du XXe siècle, les conditions de travail se sont révélées difficiles. Pour fidéliser les employés, un ensemble de dispositifs sociaux furent mis en place. Pour les dionysiens, à la plaine Saint-Denis, premier espace industriel d’Europe dans la deuxième moitié du XIXe siècle, l’usine comptera ! Elle abritera un musée de l’Orfèvrerie.

 

QUARTUS sauve la friche et crée L’Orfèvrerie

Christofle quitte les lieux en 2007 pour la Normandie. La partie datant de 1876-1880 est alors inscrite à l’inventaire supplémentaire des monuments historiques… fait l’objet de quelques projets qui n’aboutissent pas ;  et en 2016 QUARTUS rachète le site.

QUARTUS trouve alors et immédiatement les ressources pour mettre en place un projet d’urbanisme transitoire, en travaillant sur les usages, en rebattant les cartes, en se tournant vers la créativité ! Résultat garanti : en 2019 la quasi-totalité du site est occupé par 200 résidents, artistes principalement ; collant à l’ADN du site, les doyens (déjà locataires de Christofle) : Frédéric Ducros, fondeur, Patrick Laroche, sculpteur, Bruno Altmayer-Henzien & Julien Guichard, bronziers d’Art. Puis RE-STORE, un concept de réemploi… Soukmachines, spécialistes des « événements dingos dans des lieux atypiques depuis 2005 » investit près de 8000m2  et gère en direct une partie des artistes résidents. Les résidents de télévision s’en mêlent, attirées par le charme et la « vastitude » des espaces en friche : hier Le Meilleur Pâtissier avec Cyril Lignac, aujourd’hui Affaire Conclue avec Sophie Davant ! Grâce à QUARTUS, tous ces créatifs cohabitent dans la joie et la bonne humeur, les talents des uns nourrissant les talents des autres ; et surtout, ce site patrimonial est sauvé !

 

 

Un futur pour L’Orfèvrerie

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Car à l’issue d’une deuxième saison d’occupation temporaire, L’Orfèvrerie doit accoucher d’un projet pérenne. Jusqu’ici, les locaux n’avaient été que nettoyés avec visites techniques, correctifs et extincteurs. À partir de 2020, il est prévu de passer à la phase de réhabilitation en bonne et due forme. Reichen et Robert sont les architectes et urbanistes en charge « d’ordonner » ce que deviendra à terme L’Orfèvrerie. Le calendrier ? 2020, lancement des études ; 2021, travaux. Évidemment, un plein usage à horizon 2024 fait aussi partie du scénario !

Cet usage est prévu mixte et agile, à l’image des pratiques les plus innovantes. Certains artistes devraient rester et cohabiter avec des métiers de l’artisanat en lien avec l’activité locale. Pierre-Yves Savary, directeur de projet QUARTUS, insiste sur la dimension sociale, sociétale et territoriale : « les habitants de Saint-Denis doivent se reconnecter au site. Sa réhabilitation devra réinsuffler une identité dionysienne ».

Sur une telle surface, la mixité devra aussi et surtout articuler des activités liées à l’usage de bureaux, afin que l’économie du projet soit tout aussi durable que la requalification de ses espaces. Grâce à la générosité spatiale de ces bâtiments à l’ADN ultra flexible, hauts comme larges, baignés par la lumière provenant des sheds et des verrières d’ateliers, de larges options d’utilisation s’offriront aux futurs occupants ! Grâce à la finesse des détails qu’ornent ce village industriel, de la poignée de porte aux belles charpentes de bois ou de fer, en passant par les rythmes des briques et des baies, cet ensemble, augmenté du travail de Reichen et Robert, nous réserve encore de belles émotions architecturales. Lieu fortement inspirant pour de futurs utilisateurs « méga » inspirés. Le résultat est attendu avec impatience.

 

Texte : Anne-Charlotte Depondt

Crédits photos : Philippe Guignard

 

Vous pouvez retrouver cet article dans le dernier numéro du magazine Archistorm, disponible en kiosque.