Le droit du vivant
Léonard de Vinci : « […] Le temps viendra où les hommes, comme moi, regarderont le meurtre des animaux comme ils regardent maintenant le meurtre de leurs semblables. »

Notre société humaine a été façonnée par des religions monothéistes, par les théories de l’animal-machine du siècle des Lumières et, ensuite, par la théorie de l’hégémonie de l’acquis sur l’inné développée au XXe siècle. Nous nous sommes éloignés des autres espèces.

Depuis des décennies, l’humain se comporte comme s’il était le seul habitant légitime de la planète. Il agit comme si les ressources étaient inépuisables.

En tant qu’être vivant le plus évolué (selon Darwin), il prône ses différences et sa supériorité. Il s’est octroyé des droits sur le monde des vivants, sur les plantes, sur les animaux et sur la nature dans sa grande diversité.

Il a instauré vis-à-vis de la nature un système de droit et de lois qui n’est autre que la loi de la jungle. C’est celle du plus fort, avec comme seule éthique celle de satisfaire ses besoins essentiels aussi bien que envies superficielles.

Les animaux et les écosystèmes sont relégués au statut de « choses »…

Plus de cinq cents ans après que Léonard de Vinci a appelé de ses vœux un changement de vision, rien n’a vraiment évolué. Ou si, peut-être, mais en mal…

En France en Europe et presque partout dans les sociétés occidentales, les animaux en captivité sont encore soumis au régime des biens (en France, depuis 2015, ces « biens » sont décrétés « sensibles » ! Quelle belle avancée !)

Les animaux sauvages n’ont aucun droit, pas plus que les végétaux et les écosystèmes.

Cependant, le lac Érié (Ohio, États-Unis), le Gange et la Yamuna (Inde), le Parc national Te Urewera et le fleuve Whanganui (Nouvelle-Zélande), la forêt amazonienne colombienne, par exemple, ont obtenu l’équivalent d’un statut de sujet en vertu des lois en vigueur…

C’est donc possible !

Usine de traite robotisée © ShakeelmsmDreamstime

« Je mange, donc je suis »
La première des prédations de l’homme est bien sûr liée à son alimentation.

Depuis l’ère industrielle, pour nourrir la population mondiale en pleine expansion (1,5 milliard d’individus en 1900, pour 7,8 milliards aujourd’hui), nous avons justifié la prédation de la nature, même si nous n’avons toujours pas éradiqué la faim dans le monde.

Les méthodes de production agricole expansives (l’utilisation des matières chimiques et génétiquement modifiées), les modes de pêche industriels (le saccage des océans) et les élevages intensifs (la cruauté animale au service de la productivité) n’ont cessé de progresser et de mettre en péril la biodiversité et l’équilibre de notre écosystème.

Petite leçon de mondialisation :

On rase des forêts équatoriales millénaires pour produire du soja transgénique, qui sera transporté par bateau pour nourrir une vache laitière en Europe, à qui on a retiré son veau, qui lui-même sera très vite mené à l’abattoir, la vache, elle, restant toute sa vie (soit huit ans au maximum, temps de trois lactations) enfermée en stabulation, dite entravée (c’est-à-dire attachée) pour produire du lait qui sera exporté à 50 % vers l’Asie.

Cherchez l’erreur !

Demain, à l’horizon 2050, nous allons devoir nourrir presque 10 milliards d’individus.
Les modes de production agroalimentaire actuels, dans leur immense majorité, sont des modes de prédation du monde du vivant, sans presque aucune limite géographique, éthique, ni juridique.

Les plus grandes catastrophes environnementales sont les conséquences de l’idée que les humains et leurs besoins passent avant toute autre considération.

La société industrielle, puis le marché globalisé se sont tout simplement nourris de cette idéologie.

Pêche industrialisée © Sarah Roubato

Être semblables pour être égaux

L’axiome « Être semblables pour être égaux » préside à toutes les idéologies dominantes des sociétés occidentales, qui s’accordent pour hiérarchiser, ségréguer dès que les différences entre les individus apparaissent.

En effet, la distinction des espèces, puis des races, puis des genres a toujours été la base des inégalités et des dominations successives.

Heureusement, nous avons sonné le glas des inégalités, s’agissant des races et du genre qui n’existent plus (selon la loi).

Cependant, s’agissant de la place et des droits des autres espèces animales, nous sommes encore en plein obscurantisme puisqu’à l’inverse nous ne sommes pas tous égaux, parce que nous sommes différents…

(…)

Visuel à la une Monoculture intensive © AntoinePuig

Retrouvez l’intégralité de la Tribune Libre Architecture de Françoise Raynaud, fondatrice et dirigeant de Loci Anima « La loi de la jungle » dans Archistorm daté novembre – décembre 2021