DOSSIER SPÉCIAL

 

L’histoire de Saint-Denis est déjà longue, mais elle est loin d’être terminée. Tour à tour ville des rois, des ouvriers, des immigrés et des cols bleus, la troisième plus grande ville de la Métropole (derrière Paris et Issy-les-Moulineaux) va au-devant d’une nouvelle phase de métamorphose. Celle que l’on connaissait hier encore comme capitale de la banlieue Nord est aujourd’hui le fer de lance de la candidature de Paris à l’organisation des Jeux Olympiques de 2024. Ligne après ligne, le Grand Paris Express viendra faire émerger là un hub qui n’aura rien à envier à ceux de Montparnasse ou Saint-Lazare. Riche de sa jeunesse, de sa desserte et de ses potentiels fonciers, la ville s’affirme de plus en plus comme une centralité métropolitaine.

 

Une gare clé pour le territoire
Le Grand Paris Express sera sans doute le principal catalyseur de changement pour Saint-Denis. Car la ville est gâtée par le méga-projet de métro, qui lui consacre le rang de hub en faisant se rencontrer, à Pleyel, presque toutes les lignes du futur réseau. La 14 sera la première à être mise en service, à compter de 2019. Elle est peut-être la plus attendue car, desservant le cœur de Paris, elle promet de dé-saturer, enfin, l’infernale ligne 13. Suivront les lignes 16 et 17 – la première desservira les communes du grand Est parisien, et la seconde les pôles économiques promis dans le nord de la région – Le Bourget, EuropaCity, Charles-de-Gaulle… En 2027, la rocade sera bouclée : Saint-Denis et La Défense ne seront plus qu’à treize petites minutes l’une de l’autre. (…)

Grand Paris Express, perspective aérienne sur la future Gare Saint-Denis Pleyel – Société du Grand Paris © Agence Kengo Huma and associates

Nouveau chapitre pour la Plaine
C’est avant tout pour les secteurs au Sud du Canal que la nouvelle gare va changer la donne, comme le RER et le Stade de France en leur temps – et peut-être plus encore. Côté Est, le secteur de la Plaine était à Paris ce que East End fut à Londres : un immense secteur productif fait d’usines, de manufactures, de rails. Peut-être, dit-on, la zone industrielle la plus puissance de France. Sa reconversion a débuté dans les années 1980/1990 à travers le projet répondant au nom de code « Hippodamos ». L’idée d’alors était de faire passer le secteur d’une fonction majoritairement industrielle à une fonction majoritairement tertiaire. (…)

L’ambition olympique de Pleyel – Bords de Seine
Une autre pièce maîtresse dans le puzzle de la recomposition dyonisienne se situera à l’Ouest du rail. La nouvelle gare du Grand Paris devra réussir à s’articuler au mieux (mais en surface uniquement) avec la ligne 13, au niveau du Carrefour Pleyel. Autour de ces deux stations, les urbanistes de l’AUC avaient déjà décelé plus de 500 000 m² de constructibilités lors de la rédaction du Contrat de développement territorial (CDT) « Territoire de la Culture et de la Création ». L’agence de Djamel Klouche poursuit ses études en vue d’une opération d’aménagement majeure à l’échelle du Grand Paris : un morceau de ville de plusieurs milliers de logements et bureaux, dans des formes de grande hauteur et favorable aux piétons. (…)

QUIGP : en quête de la jeunesse éternelle
Saint-Denis aime à la rappeler : avec près de 50% de moins de trente ans, elle compte parmi les communes les plus jeunes de France. Les sites universitaires du département tournent à plein, à commencer par Paris 8 et Paris 13, ou encore le CNAM. Une vocation que le territoire renforcera avec l’ouverture du Campus Condorcet, regroupant les unités de sciences humaines d’une dizaine d’organismes fondateurs – la Sorbonne, le CNRS, l’EHESS…(…)

Saint-Denis Nord : la ville pour tous ?
Le Sud de Saint-Denis attire tous les regards tant les reconversions annoncées sont spectaculaires. Mais pour les quartiers historiques, au Nord, c’est un autre jeu qui se joue. Après-guerre, l’explosive croissance de la banlieue avait généré l’éclosion de bidonvilles, bientôt remplacés par les grands ensembles de HLM et les cités de transits pour travailleurs migrants. Dans sa culture comme dans sa morphologie urbaine, Saint-Denis reste aujourd’hui caractérisée par cette histoire ouvrière et cosmopolite. Mais ce n’est pas parce que la Plaine se positionne pour accueillir les très courtisées classes supérieures et classes créatives que la ville entend renoncer à son identité populaire. Devant l’inévitable phénomène de Brooklynisation, l’enjeu pour Saint-Denis sera de savoir comment négocier sa gentrification, trouver ses grands équilibres socio-démographiques, et faire profiter de son nouvel essor économique à toute sa population. (…)

Franchissement des voies ferrées à Saint-Denis Pleyel, perspective aérienne © Ida+

Texte : Béatrice Hébert

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