Texte : Sophie Trelcat
Visuel à la une : Musée national de l’Estonie à Tartu, 2016, Lina Ghotmeh, DGT architects, Atelier Tsuyoshi Tane Architects, et Dan Dorrel © Takuji Shimmura 

Les architectes français s’exportent

Petites structures en quête de marchés inaccessibles en France, ou agences confirmées armées d’un réseau, voire même de structures locales, les configurations des architectes français œuvrant à l’étranger sont contrastées. S’il est difficile d’établir un parcours type, ils partagent néanmoins des motivations communes et construisent dans les mêmes zones géographiques.

Centre culturel et artistique de Bao’an à Shenshen, Chine, études en cours Codelfy & Associés Architectes Urbanistes © Codelfy & Associés

« Death by Architecture.com », c’est là que tout a commencé : la consultation du site de diffusion d’appels à concours internationaux amenait l’architecte franco- libanaise, Lina Ghotmeh à répondre avec ses deux jeunes confrères, l’Israélien Dan Dorell et le Japonais Tsuyoshi Tane, à la proposition de concevoir le Musée national de l’Estonie. De manière inattendue, ils remportent la compétition en 2006 alors que le trio est en mission à Londres pour l’Atelier Jean Nouvel. Rassemblant leurs sensibilités et leurs particularités culturelles, ils créent dans la foulée l’agence DGT, basée à Paris. Livré dix années plus tard, le MNE sera salué par l’obtention du grand prix AFEX  2016 récompensant des bâtiments réalisés à l’étranger par des architectes français, tels que l’Université Ewha de Séoul par Dominique Perrault ou la Cité de la musique de Rio par Christian de Portzamparc.

Stone Garden, immeuble mixte à Beyrouth, Liban en chantier, Lina Ghotmeh et DGT architectes – © Lina Ghotmeh Architecture © DGT Architectes

L’aventure fait figure d’exception à plusieurs égards : étant donné la nature nationale du programme et la toute récente autonomie du pays en 2004, autrefois sous le joug soviétique, rien ne laissait imaginer l’attribution possible de l’ouvrage, un mastodonte de 34 000 m2, à des architectes non estoniens. De plus, DGT remettait un projet implanté sur une partie du site qui n’était pas allouée au musée et brisait par ailleurs le principe d’exposition chronologique.

Tour Fukoku, Osaka, Japon, 2010, Dominique Perrault Architecte © Gaëlle Lauriot-Prévost Architecte – Adgap

L’audace et l’expérimentation auront donc obtenu les faveurs du jury. Il faut dire que les trois jeunes créateurs auront, dans ce cadre étranger, débridé leur imaginaire. Prenant la forme d’un monolithe de verre et de béton de 350 m de longueur pour 70 m de largeur, le musée, avec sa toiture inclinée, prolonge physiquement et visuellement une ancienne piste d’aviation de la base militaire soviétique qui occupait ce site, en lisière de la ville de Tartu.  Radical et surréaliste, ce monolithe affirme à l’échelle du paysage l’idée d’une utopie réifiée.

Cité des Arts, Rio de Janeiro, Brésil, 2013, Christian de Portzamparc © Nelson Kon

Toujours basée à Paris et ayant depuis créé sa propre agence, Lina Ghotmeh poursuit un brillant parcours en œuvrant tant en France qu’à l’étranger. Elle livrera prochainement un immeuble de logements à Beyrouth, ancré dans son contexte de ville marquée par la ruine. À propos de ces allers-retours culturels profondément inclus dans son processus de travail, elle explique : « Nous sommes dans une période marquée par la mobilité. Travailler à l’étranger est presque naturel. De plus, le développement du métier fait que l’on a accès à des marchés lointains. » Elle poursuit : « Le travail à l’étranger permet de comprendre de nouveaux territoires et de nouvelles cultures. Nous sommes aussi amenés à questionner la réglementation et, de fait, à inventer de nouvelles manières de faire. Lorsque l’on intervient dans un ailleurs, on se transporte dans un univers plus audacieux, mais cela demande un réel investissement physique et mental », précise la créatrice. Ainsi, pour cette génération d’architectes, baignée dans les programmes étudiants d’échanges Erasmus et formée dans les plus grandes agences internationales, sortir des frontières est un fait qui s’impose de lui-même. (…)

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