TRIBUNE (particulièrement) LIBRE

ESPACE DÉDIÉ AIX IDÉES, L’OPINION DES ACTEURS DE L’ARCHITECTURE

PREMIERE PARTIE

Françis Soler

Membre de l’Ordre des Architectes de France depuis 1976, Francis Soler compte plus de 40 ans d’expérience.
Il a à son actif une vingtaine de bâtiments construits, mais c’est incontestablement le projet du Centre de conférences internationales de Paris qui lui a valu sa célébrité et lui a ouvert une voie vers des projets conçus sur la limite étroite entre les espaces de l’architecture et de l’art.

« Quand les d’moiselles d’honneur se prennent les pieds dans la traîne »

Un constat édifiant de faits concomitants

On constate, depuis quelques années, que l’État et les pouvoirs publics sont pris dans une conjoncture d’équilibres économiques compliquée, confirmant ainsi leur incapacité budgétaire et structurelle à suivre la politique de qualité des constructions publiques engagée dans les années 80, avec celle du logement.

On constate en même temps que, pour maintenir d’aplomb l’activité « travaux publics », plusieurs dispositions ont été prises pour transférer la compétence publique vers le secteur privé, jugé seul capable d’engendrer de l’activité économique sans produire de déficit, ni de risque politique.

Plus récemment, le secteur privé gagne la bataille de la commande. Il la rassemble, la séquestre, l’instruit et l’exploite, en la requalifiant. Ses actions remplacent rapidement celles des pouvoirs publics, auxquels il redistribue sa part de marché (vente en l’état futur d’achèvement), redéfinissant, bien sûr, ses contenus et ses contours,
mais à son avantage.
La marge financière devient alors l’unique critère de réussite d’une opération d’aménagement ou de construction. Et la qualité de l’espace ne constitue plus un objectif suffisamment critique et profitable pour façonner une production de masse exigeante.
L’engourdissement de la pensée ambiante garantissant le gain de productivité immédiate, on croise de plus en plus de réticence à innover et de défiance à réfléchir. Le marché retouche cette substance qu’on désigne par qualité et contrôle ses paramètres, sans contre-expertise,
Mais comme personne ne bouge, petit à petit, on en perd tout le caractère.
Les architectes deviennent peu à peu les obligés du système en place. Ils se plient aux recommandations les plus exigeantes des commanditaires ou doivent choisir de disparaître. Ils travaillent à risque et perdent en respectabilité.
Quelques-uns toutefois ne plient pas et s’immiscent dans le système. Cette technique éreintante, dite du « cheval de Troie », produit pourtant quelques réalisations d’exception. Leurs bilans financiers finaux annoncent de parfaites réussites économiques, démontrant, à en crever les yeux, que les annonces préformatées par les « entrepreneurs en tout » sont évidemment fausses.
Car, dehors, à défaut de la voir disparaître complètement, c’est bien « Mossoul » qu’on entend s’affaler.
L’intérêt général disparaît de nos objectifs ordinaires, mais il nourrit encore des conversations vidées de leurs matérialités. Les élus sont réticents à modifier leur base électorale. Ils suppriment tout programme et tout appétit à transformer leur cité. L’architecture et la ville ne sont plus des sujets abordables. Les contours de leurs objectifs sont redéfinis par les moyens insuffisants qu’on leur donne.
La commande publique, appauvrie, est incapable de produire quoi que ce soit de déterminant, pendant que les ensembliers, passés seuls en piste, surfent sur l’efficacité des valeurs qu’ils refondent et distillent invariablement.
La fatalité devient alors le seul appui possible. C’est la faute à personne. (…)

Nouveau centre R&D pour EDF, sur le plateau de Saclay © Jean-Pierre Porcher

 

Texte : Francis Soler
Visuel à la une : Logements d’Auteuil à Paris

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