Par Christine Blanchet

Trois designers se sont confiés à nous sur leur rapport à la matière et la façon dont ils l’exploitent, la louent, ou la transgressent.

François Azambourg © Studio François Azambourg

Villa Kujoyama Paravent Copeau © Studio François Azambmbourg

 

 

 

 

 

 

 

 

 

François Azambourg
Designer
« François Azambourg explore le potentiel expressif des procédés de mise en forme des matériaux, qu’ils soient industriels ou artisanaux, novateurs ou traditionnels, dans un souci constant d’économie de moyens et de légèreté. Son rapport à la matière est particulier puisqu’il tente sans cesse de la réduire à l’extrême, de comprendre jusqu’où elle peut être sollicitée.

Lors de sa résidence d’artiste à la villa Kujoyama à Kyoto en 2015, le designer s’intéresse aux copeaux produits comme déchets par les charpentiers investis dans la construction traditionnelle. On connaît chez lui la quête continue de la plus petite unité de matière qui, paradoxalement, donne à lire toute la matière dans son état limite. En effet, en deçà du copeau, la matière du bois se délite, n’est plus tenue et ne peut plus être sollicitée.

Avec son paravent, François Azambourg interroge la matière dans ses capacités structurales et fonctionnelles et le copeau se voit associé à l’air, à la lumière. C’est par cette implication directe des immatériaux, cette frugalité de la matière, qu’il a su transporter les matériaux et procédures traditionnels japonais vers une nouvelle expression contemporaine. L’ensemble de ses recherches produites à la villa Kujoyama vient d’intégrer les collections du Musée national d’art moderne du Centre Pompidou. »

D’après un entretien entre François Azambourg et Philippe Louguet, historien du design.

Constance Guisset © Constance Guisset Studio

Canova réalisé pour Moustache © Constance Guisset Studio

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Constance Guisset
Designer
Il n’y a pas de matière favorite. J’ai le plaisir d’en travailler un certain nombre au fil des projets. Chaque matériau a ses attraits et ses subtilités. Le choix dépend du projet concerné, des besoins, du contexte, voire de l’éditeur qui peut aussi être fabricant. Lorsque j’imagine un objet, je le rêve et le dessine, dans ma tête puis sur le papier. Parfois, le matériau est à l’origine de la commande et sa mise en forme est intégrée dans le dessin dès le départ. Dans d’autres cas, la réflexion n’est pas initialement adossée à une technique et l’idée du matériau qui servira le mieux le projet ne vient qu’ensuite. Idéalement, la matière doit servir l’objet et l’idée qui le précède.

 

Pierre Charpin © Morgane Le Gall

Projet du CIRVA © Michel Bonvin

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Pierre Charpin
Designer
Je n’ai pas de matériau favori ni de gamme de matériaux que j’exploite plus que d’autres dans mon travail. Très souvent, le choix des matériaux arrive tardivement dans mon processus de travail. En effet, je choisis celui qui me semble le plus approprié à la forme une fois que la phase de dessin est déjà avancée. Mon processus créatif est essentiellement basé sur le dessin. Je pense avec le dessin et mes pensées me viennent en dessinant. Je procède très peu par maquettes et donc très peu par la matière.

Évidemment, il y a aussi des situations de projets où le matériau m’est donné comme point de départ. Ce qui est le cas, par exemple, du travail que j’ai pu réaliser au CIRVA à Marseille, où le verre était l’élément principal. C’est d’ailleurs pour cette raison que j’ai mis du temps à répondre à cette invitation, car je ne savais pas par où entamer le projet. Dans ce cas, je m’informe sur le matériau, mais ceci ne constitue jamais une connaissance profonde et je m’en remets à l’avis des spécialistes. Le design n’est pas une activité solitaire.

Mon rapport au matériau est donc changeant, je m’intéresse à un matériau parfois pour son aspect tactile, parfois pour sa couleur, parfois pour ses propriétés structurelles. J’estime le matériau au service du projet et non le projet au service du matériau.

Visuel à la Une : © Alessandro Paderni – EyeStudio