RÉALISATION

Stade Le Gallo à Boulogne-Billancourt par Bruno Mader

 

Texte : Tristan Cuisinier

Photos : Sergio Grazia

 

Au sud-ouest de Paris, la ville de Boulogne-Billancourt (120 000 hab.) s’est dotée d’un complexe sportif de plus de 10 000 m2 de surface construite. Imaginé par Bruno Mader, le projet allie avec force le bois et le béton brut.

 

Il fait bon être sportif à Boulogne-Billancourt ! Avec trente-deux disciplines pour environ 11 000 adhérents, l’Athlétic Club de Boulogne-Billancourt (ACBB), créé en 1943, est l’un des principaux clubs omnisports de France. Le Tennis Club de la même ville (TCBB), doté de 30 courts répartis sur quatre sites, se revendique, quant à lui, comme le plus grand club de tennis de l’Hexagone. Dernier gros investissement de la municipalité pour ses adeptes de jeux de balle et de ballon, le stade Le Gallo offre un terrain de rugby, onze courts de tennis couverts, dont cinq sous une magnifique halle de 9,50 m de haut, et un terrain de football circonscrit par un anneau de six pistes d’athlétisme. L’ensemble est assorti de tout ce dont peuvent rêver les équipes amateurs de bon niveau (l’ACBB football évolue en National 2, l’ACBB rugby en Fédérale 3) : vestiaires à foison (une vingtaine), buanderie pour laver les maillots, infirmerie, bureaux administratifs, salles de réunion et clubs-houses pour la troisième mi-temps.

 

 

Contrairement aux apparences, c’est un projet fortement contraint par le manque de place auquel s’est confronté Bruno Mader – les terrains de sport constituent de vastes espaces vierges qui ne laissent pas d’étonner en regard de la densité bâtie de la première couronne parisienne. « Le programme est rentré au chausse-pied », dévoile l’architecte. En cause ? « Les dimensions incompressibles des terrains de foot et de rugby, normalisées en fonction du niveau des clubs », mais aussi le choix de répartir le programme dans plusieurs bâtiments en leur conférant un rôle structurant : « Certains concurrents avaient empilé toutes les fonctions dans une seule construction, indique le lauréat du concours en 2014. Nous avons préféré cadrer les aires de jeu, les organiser comme des places publiques. » Revers de la médaille : six couloirs de sprint, au lieu de huit, ont été réalisés. Une affaire de quelques décimètres sur une parcelle de plus de 40 000 m!

 

« Ce qui est intéressant, c’est la configuration du site dans le territoire, son articulation entre la ville compacte, la Seine et le parc de Saint-Cloud, poursuit Bruno Mader. Nous avons voulu créer un espace intermédiaire, mi-urbain mi-bucolique. » Usant de géométries simples, le plus souvent parallélépipédiques, la composition du stade Le Gallo rappelle que c’est le vide – ses lieux de rencontre et d’usage – et non le plein qu’il s’agissait de construire. De la volonté de trouver un prolongement aux coteaux boisés de Saint-Cloud est née une architecture sertie de bardages à claires-voies de peuplier rétifié, dont le systématisme et le rythme compensent les disparités volumétriques et la planéité des façades.

 

 

Schématiquement, le projet se compose de trois entités bâties indépendantes, disposées en périphérie du terrain de rugby. « Il y a tout le temps des frictions entre les différents sports, explique Bruno Mader. La maîtrise d’ouvrage nous avait demandé de tracer des frontières entre les utilisateurs. » Ce « chacun chez soi » a impliqué la réalisation de trois clubs-houses (un par bâtiment) et une séparation nette des parcours, que l’architecte s’est évertué à atténuer par des jeux de transparence, « un cloisonnement ouvert » qui mêlent visuellement les activités sportives en les dispensant de se côtoyer.

 

L’édifice le plus proche de la rue de Sèvres est ainsi un bâtiment-pont de 44 mètres de portée qui abrite la tribune de football de 460 places assises, au sommet de laquelle une large baie vitrée permet de voir également jouer les rugbymen. Cette construction trapézoïdale, à la fois parallèle à la rue et aux terrains de jeux, accueille une partie du programme dédié au ballon ovale, principalement ses vestiaires, et la totalité des locaux des athlètes et des footballeurs, que le maître d’œuvre a éloigné physiquement les uns des autres au moyen d’accès différenciés, de changements de niveau, de longs couloirs et de (vraies) portes coupe-feu.

 

Le plus petit bâtiment de l’opération, situé à l’extrémité ouest de la parcelle, héberge le reste des équipements réservés au rugby, sa salle de musculation et ses bureaux. Calée contre la venelle reliant la rue de Sèvres à la Seine, cette « bâtisse de poche » (8 m de large seulement) permet de libérer l’angle sud-ouest du site, afin d’offrir des vues sur le parc de Saint-Cloud. Le mastodonte de 107 mètres d’envergure, où sont logés les cinq courts de tennis, dispose quant à lui du plus grand club-house du complexe sportif, avec restaurant et terrasse ensoleillés. Il est principalement éclairé par une toiture faite de sheds structurels en bois et métal, qui franchissent d’une seule traite 40 mètres de distance. Ces éléments de charpente de taille XXL, préfabriqués en trois morceaux par l’entreprise Cruard, ont été assemblés sur site avec des ferrures en âmes, levés puis provisoirement stabilisés avec une batterie de grues et de tirants, dignes de la construction d’un ouvrage d’art.

 

 

Pragmatique dans ses choix de matériaux, Bruno Mader a surtout fait appel au bois et au béton brut pour les trois édifices. « Ce qui est formidable avec la structure en bois, c’est que les éléments sont déjà finis lorsqu’ils arrivent sur le chantier. On les pose et on a déjà le plafond ! » se félicite-t-il en désignant les planchers solivés préfabriqués du club-house de rugby. Petite exception au mélange de matières qui caractérise la structure de chaque construction, celle du bâtiment-pont est exclusivement en béton en raison de la grande portée et de l’inondabilité du site. Le rez-de-chaussée et ses mobiliers peuvent être ainsi maintenus hors d’eau grâce à des batardeaux (c’est également le cas du RDC des rugbymen, posé sur pilotis). A contrario, la halle de tennis (dont les sols en résine sont peu sensibles à l’humidité) et le parking en sous-sol (logé sous le terrain de football en pelouse synthétique) sont tous les deux inondables. « Les bâtiments ne devaient pas faire entrave à l’expansion des eaux, résume l’architecte. Tous les volumes construits en dessous du niveau de la crue centennale devaient être restitués d’une manière ou d’une autre ! »

 

 

LE MOT DE L’ARCHITECTE

 Bruno Mader

 

Que croyez-vous nécessaire de retenir du projet ?

 

La qualité des lieux d’accueil et de pratique sportive me semble importante. C’est en tout cas ce dont je suis le plus satisfait. Il y a deux temps dans le sport : celui de la transpiration et celui de la régénération, autrement dit le temps du repos et du partage. La vie d’un club, c’est aussi rencontrer ses amis après l’effort, boire un verre, pouvoir attendre confortablement la fin du cours de tennis de son enfant, ou le regarder jouer au foot. Tous les clubs-houses et bars-restaurants du stade Le Gallo sont des postes d’observation des terrains de sport.

 

La maîtrise d’ouvrage vous avait-elle demandé d’employer du bois ? Pourquoi avoir choisi du peuplier traité thermiquement  pour les enveloppes ?

 

Le cahier des charges n’imposait pas l’utilisation du bois. Comme presque toutes les maîtrises d’ouvrage, la ville était même plutôt inquiète à l’idée d’en couvrir les façades. La présentation de photographies récentes de l’écomusée de Sabres [Bruno Mader, 2008], dont les lattis n’ont pas bougé depuis dix ans, nous a permis de montrer l’efficacité du procédé de rétification. Il consiste à chauffer le matériau à haute température [plus de 200 °C] pour en modifier la composition chimique [dégradations de la cellulose, lignine, hémicellulose …], sans ajout de produits de synthèse. Les bois ainsi traités perdent une partie de leurs propriétés physiques de résistance, ce qui les rend impropres aux ouvrages de charpente. Ils sont plus légers, plus durs et plus cassants, mais leur stabilité dimensionnelle et leur durabilité vis-à-vis des attaques d’insectes et de champignons sont bien meilleures. Le choix du peuplier est intéressant dans la mesure où il s’agit d’une essence peu onéreuse, dont il existe de nombreuses exploitations dans le nord de la France. On en fait du contreplaqué, de la pâte à papier, des cagettes ou des allumettes, mais on peut aussi en faire des façades !

 

 

Fiche technique :

 

Maître d’ouvrage : Ville de Boulogne-Billancourt

Maître d’œuvre : Bruno Mader, architecte mandataire (J. Varela, A. Neveu et J-L. Henry, chefs de projet, avec L. Pigeon et A. Roland)

BET : Batiserf (structure), Louis Choulet (fluides), Speeg & Michel (conception lumière), PMC Études (ingénierie sportive), Jean-Paul Lamoureux (acoustique), Armytec (cuisine), CL Infra (VRD), Archambault Conseil (hydrologie)

Économiste : Bureau Michel Forgue

Paysagiste : HYL

Entreprise générale : CBC

Charpente et bardage : Cruard

Surface bâtie : 10 480 m2

Calendrier : 2014 (concours), novembre 2017 (livraison)

 

Découvrez la nouvelle réalisation de Bruno Mader, le stade Le Gallo à Boulogne-Billancourt dans le numéro 95 du magazine Archistorm, daté mars – avril 2019 !