La réhabilitation de la Tour Sapporo entreprise en 2022 répond à un objectif de conservation patrimoniale. Des désordres sanitaires liés à l’emploi du béton armé ont conduit la copropriété à engager une restauration complète des façades.

L’atelierpng a été retenu pour mener à bien ce projet visant à préserver l’apparence d’origine de cette tour, important témoin d’expérimentations à la fois urbaine et constructive. L’intervention visait ainsi à respecter les dispositifs techniques et plastiques originels afin de conserver la richesse des variations de matière qui font la singularité plastique de cette tour. Le chantier, engagé pour une durée de 18 mois, s’est achevé en décembre 2024.

Contexte de construction de la Tour Sapporo

La construction du quartier Olympiades synthétise les théories architecturales et urbaines de Raymond Lopez (1904-1966) et Michel Holley (1924-2022), qui aboutissent à l’élaboration du Plan d’urbanisme directeur de 1967 et conduisent à la construction d’immeubles de grande hauteur, notamment sur le Front de Seine et dans le 13e arrondissement. Inspiré du « plot area ratio » mis en place à New York, Michel Holley conçoit l’urbanigramme, un dispositif méthodologique qui précède et guide l’élaboration du plan-masse. Il dessine un ensemble d’immeubles de logements sur dalle, construit au-dessus de l’ancienne gare ferroviaire de marchandises des Gobelins, et qui comprend dix tours d’une hauteur avoisinant les 100 mètres. Seules huit d’entre elles ont été édifiées, dont les trois premières, les tours Sapporo, Mexico et Athènes, construites au nord de la dalle entre 1970 et 1972.

La Tour Sapporo, œuvre des architectes Michel Holley et Michel Proux (1935-2018), est ancrée dans la dalle et directement connectée à la rue de Tolbiac. L’entrée qui conduit aux logements se fait à l’ouest, face à un parvis partagé avec la Tour Athènes, et mène aux ascenseurs et escaliers installés en noyau. L’intérieur de la tour accueille 251 logements répartis sur 31 étages. Organisés en périphérie autour d’un noyau central, ces logements présentent une grande diversité typologique.

Système constructif et façades d’origine

La trame structurelle repose sur un module carré d’environ 6 m2, le principe constructif répond à une ossature constituée de murs de refends en béton armé banché d’une épaisseur de 20 à 30 cm, ensuite insérés dans les dalles en béton armé de chaque étage, coulées en place sur une même épaisseur. Il résulte de ce système de grandes façades libres, habillées par des panneaux de trois types (A, B et C) dont la déclinaison permet de distinguer les différentes parties de la tour. Les panneaux des baies (A) en forme de paraboloïde hyperbolique correspondent aux baies des appartements. Les panneaux des murs de refends (B) couvrant les parties aveugles des façades nord et sud sont constitués d’éléments verticaux rectilignes et saillants. Le soubassement est identifiable par de grands portiques (C) composés de deux pilastres rectangulaires et d’un linteau placé en biais. Le béton est recouvert d’un enduit décoratif composé de granulats de marbre.

Diagnostics et traitements

L’atelierpng a collaboré avec l’entreprise Lefèvre Rénovation afin d’établir un diagnostic précis de l’état des différents éléments de la structure et des façades. Cette phase a permis de définir une méthode précise d’intervention, à la fois adaptée aux spécificités d’un IGH et qui tient compte des différents types de béton présents en façade.

Les bétons non adhérents et les anciennes reprises ont été purgés afin de mieux comprendre la conception de la tour et les raisons des pathologies observées. Les diagnostics établis ont permis de confirmer que la carbonatation du béton des différents éléments de façade, dont la profondeur varie de 4 mm à 3 cm, a provoqué avec le temps la corrosion des armatures et des éclatements du béton en surface. Par ailleurs, cette étape a également révélé une importante variation de l’épaisseur des enrobages, oscillant entre 1 cm et 4,5 cm.

En amont des travaux de restauration, plusieurs échantillons de béton ont été réalisés afin
d’approcher au plus près la composition des bétons préexistants. Deux compositions ont ainsi été retenues, correspondant respectivement à celles des panneaux de type A et de type B.

Tous les panneaux ont subi un traitement par inhibiteurs de corrosion. Cette solution repose sur l’application, à la surface du béton, d’un gel qui pénètre par capillarité jusqu’aux armatures. Au contact de l’acier se forme une couche de minéraux protecteurs. Ce procédé permet de renforcer la durabilité des armatures sans intervention invasive. En revanche, les aciers les plus endommagés par la corrosion ont été remplacés. Par ailleurs, afin de garantir leur pérennité, la décision a été prise de protéger l’arase supérieure des panneaux jusque-là exposée par l’ajout d’un recouvrement en zinc réalisé sur mesure.

Par Cléa Calderoni
Toutes les photographies sont de © atelierpng

— Retrouvez l’article dans Archistorm 132 daté mai – juin 2025