DOSSIER SOCIETAL

Le geste architectural 20 ans après l’effet Bilbao

 

Le 11 juillet dernier le prestigieux prix Praemium Imperiale était attribué en architecture au français Christian de Portzamparc dont l’expressive gestuelle ne cède en rien à la qualité d’usage. En matière de culture architecturale contemporaine, les français reconnaissent les grands projets tels que la Fondation Vuitton de Franck Gehry, un référentiel de tête devant le Centre Pompidou. Non loin de ce dernier, le centre de Paris a été restructuré par la flamboyante canopée des halles dessinée par Patrick Berger. Ces événements amènent à reposer, vingt années après l’effet Bilbao, la question du geste architectural.

Hercule d’acier et de titane, geste architectural par excellence, le musée d’Art moderne et contemporain de Bilbao en Espagne, inauguré en 1997, faisait date. Au-delà de sa réification, le bâtiment, dessiné par Frank Gehry, – lequel réalisait en 2014 à Paris la non moins magnifique et spectaculaire Fondation Vuitton – est toujours une référence en tant que phénomène. L’événement est même devenu une expression maintes et maintes fois reprise : le fameux « effet Bilbao ».

L’acte formel a assuré le renouveau économique de la cité basque et son profil a été transformé en logo visible depuis la route d’accès à la ville. Si la tornade architecturale fut dénoncée comme une dérive individualiste, voire « gesticulatoire », conçue à l’instar des parcs à thème où viennent se presser les spectateurs, il n’en reste pas moins que le lieu n’a pas oublié la qualité d’usage. Quant à l’émotionnel, « c’est un plus qui reste subjectif » explique l’architecte parisien Christian de Portzamparc.

Christian de Portzamparc – Rio
© Hufton + Crow

Défense du geste

La période était à l’émergence de grandes figures du geste – par exemple Zaha Hadid, auteur du sculptural tremplin de saut à ski à Innsbruck en Autriche (2002) ou de la célèbre caserne des pompiers à Weil-am-Rheim (1993) en Allemagne pour la société Vitra. Décédée en 2016, la force expressive de son architecture est toujours vive et Zaha Hadid est même devenue une marque : Dirigée par Patrick Schumacher, l’agence érige toujours aujourd’hui, aux quatre coins de la planète, de multiples bâtiments aux entrelacs de lignes courbes et aux parois inclinées, marquant le rejet de l’angle droit du projet moderne. Mais, la vision puritaine de ce dernier mouvement et le refus du geste existe toujours. Sans complexe, l’architecte bandolais Rudy Ricciotti dénonce ce rejet de la plasticité de manière frontale : « Cette condamnation est l’ombre portée du politiquement correct, lequel est devenu l’anorexie de la pensée » quant à « l’absence de chair, elle ne nourrit pas la nécessaire poésie ou narration qu’il nous faut pour survivre. »

DesSin au noir

Le Pavillon noir qu’il livrait en 2006 à Aix-en-Provence, avait lancé une vive polémique sur le « geste ». Squelette sec et expressif de béton sombre, la construction figurait parmi les lauréats plus qu’attendus du prix de l’Équerre d’argent en 2007, unique prix d’architecture en France. Une école bordelaise, correcte mais sans saveur particulière, fut récompensée par le jury avec les arguments suivants : la primeur de « la modestie et de l’architecture du quotidien contre la gesticulation ». L’événement souleva un tollé généralisé et relayé par un collectif d’architectes vaillants, la French Touch, dont les publications annuelles lançaient un pavé dans la mare, malheureusement asséchée depuis. Est toujours néanmoins défendue l’idée que : « La plasticité architecturale n’est pas le synonyme d’une absence de pensée. »

Pavillon Noir, Aix-en-provence
Architecte : Rudy Ricciotti
© Philippe Ruault

 

Texte : Sophie Trelcat
Image en avant : ZHA Morpheus © Ivan Dupont

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