RÉALISATION

 ATELIER D’ARCHITECTURE PHILIPPE PROST

 

 

Faraday, Ampère, Marconi, Volta… Les noms des rues et voyettes de la Cité des électriciens sont une ode aux savants. Le progrès triomphant ? À Bruay-la-Buissière, c’est surtout la mine qui prévalait. Plongée dans un habitat ordinaire, mais coloré, que la communauté d’agglomération réhabilite en centre d’interprétation…

Il a fallu près de deux cents ans pour trouver du charbon dans le Pas-de-Calais ! Exploités depuis le début du xviiie siècle dans l’actuel département du Nord, les gisements de l’Artois n’ont été mis en évidence que dans les années 1840. Tout d’abord fortuitement, en 1842, lors du forage d’un puits artésien destiné à alimenter en eau les fontaines du château d’Henriette de Clercq, à Oignies. Puis, méthodiquement, à la suite de campagnes de sondage encouragées par la révolution industrielle naissante et ses besoins énergétiques croissants. Longtemps soupçonnée, bien que tardivement révélée, la richesse minière pouvait désormais commencer son œuvre en surface…

Dès les années 1850, tout s’accélère à Bruay-la-Buissière, une commune située à 8 km du centre de Béthune, où la présence souterraine du précieux combustible carboné va durablement marquer le territoire et les paysages. En 1852, la première fosse d’extraction houillère est creusée dans la rue Henri-Cadot. La population de la localité rurale double en moins de dix ans. Elle est encore multipliée par douze un demi-siècle plus tard, à la veille de la Première Guerre mondiale. Entre-temps, cinq nouvelles fosses sont ouvertes, de 1858 à 1909. « Bruay-la-Buissière est une ville née et façonnée par la mine, résume Isabelle Mauchin, la directrice du site de la Cité des électriciens. Tous les logements, à l’exception de ceux du centre-ville, ont été construits par la Compagnie des mines de Bruay pour retenir une main-d’œuvre volatile, composée d’ouvriers agricoles, à l’origine peu formés aux travaux des mines. » Soignant ses services, la société d’exploitation s’est même évertuée à édifier de nombreux équipements à vocation publique, comme l’église Saint-Joseph et l’école de la Cité des fleurs.

Les travaux de la Cité des électriciens commencent peu de temps après la découverte du charbon communal (1856). Ils s’achèveront en 1861. « Assez logiquement, l’organisation et les bâtiments de la cité s’inspirent du modèle des fermes dans lesquelles les ouvriers travaillaient avant d’exploiter la fosse n° 1 », indique l’architecte Philippe Prost. De longs bâtiments rectilignes, appelés barreaux, sont disposés comme des corps de ferme autour de vastes espaces partagés, dans lesquels chaque ouvrier jouit d’un petit jardin cultivable. Ces barreaux sont divisés en plusieurs unités de logement mono-orientées d’habitabilité sommaire : une pièce principale avec une cheminée au rez-de-chaussée, des combles accessibles en guise de chambre à coucher, et une cave pour stocker certaines denrées alimentaires et le charbon. Il faudra attendre 1903 pour qu’apparaissent les premiers carins, ces petites constructions en briques de quelques mètres carrés, qui servaient de latrines, de poulaillers ou de clapiers.

 

 

Occupée jusqu’en 2013 par des familles durement précarisées, la Cité des électriciens n’en est pas moins restée dans un état de préservation architectural remarquable en regard de ses consœurs, largement modifiées au fil du temps par des adjonctions et des adaptations qui visaient à en améliorer le confort. Elle est aussi l’une des plus anciennes cités minières du Pas-de-Calais. Un double intérêt patrimonial dont la communauté d’agglomération Béthune-Bruay Artois Lys Romane s’est saisie pour transformer les deux tiers de sa superficie en centre d’interprétation, à la suite de l’inscription de ses façades aux monuments historiques (2009) et de l’inscription du bassin minier Nord-Pas-de-Calais au patrimoine mondial de l’Unesco (2012).

 

 

Fiche technique :

Maître d’ouvrage : Communauté d’agglomération Béthune-Bruay Artois Lys Romane
Maître d’œuvre : Philippe Prost (AAPP) – Lucas Monsaingeon, chef de projet
BET : Verdi Ingénierie (TCE + OPC), TechniCity (HQE), Du&Ma (scénographie), Catherine Mariette (muséographie), Atelier Villar+Vera (graphisme)
Paysage : FORR paysagistes
Surface: 14 673 m2
Coût: 9,2 M€ HT

 

 

Texte : Tristan Cuisinier

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