RÉALISATION

AGENCE ECDM, EMMANUEL COMBAREL-DOMINIQUE MARREC ARCHITECTES

 

 

Construire deux bâtiments d’habitation au cœur du tissu parisien très dense, a nécessité, de la part des architectes d’ECDM, un investissement conséquent en termes de réflexion, imagination et connaissance pour arriver à mener à bien un projet d’une telle complexité, soumis à l’intégration de multiples contraintes urbaines et de voisinage, incontournables.

À deux pas de la Porte d’Orléans et en plein 14e arrondissement de Paris, prend place l’opération Les Ateliers Jourdan-Corentin-Issoire, un projet urbain d’envergure composé de trois programmes différents jouant la mixité fonctionnelle, en associant de l’habitat (660 logements) à une résidence étudiante, des bureaux, un équipement public, un centre bus RATP, des locaux de quartier et des parkings. Sur le boulevard Jourdan, le programme, réalisé par l’atelier d’architecture Seraji, compte 191 logement sociaux et 12 logements privés, une crèche de 66 berceaux, un halte garderie de 33 places, un local associatif, une remise de bus RATP et un parking. Conduit par l’architecte Eric Lapierre, le second projet, situé rue de la Tombe-Issoire, porte sur la création d’une résidence étudiante de 365 chambres, et la reconstruction et l’agrandissement de l’atelier de maintenance des autobus RATP et des locaux administratifs. Quant au troisième projet, présenté ici, il a été conçu par l’agence ECDM architectes et concerne l’édification de deux immeubles (88 logements) en accession et la reconstruction du centre bus existant. Inauguré en novembre 2017, ce projet atypique compte deux entités : un premier immeuble de 53 appartements s’élevant sur sept étages le long de la rue du Père Corentin, et un second bâtiment de 35 logements de huit niveaux implanté en hauteur et en cœur d’îlot. Sous ces édifices, s’insère un parking de 106 places dévolues aux logements, alors que les 147 places de stationnement dédiées aux bus se développent sous cette emprise et au-delà.

 

Un projet ultra contextuel

Il est à noter que cette équipe d’ECDM a également été chargée de mettre au point le plan d’urbanisme et l’étude de faisabilité de l’ensemble de l’opération. La complexité et la particularité de ce projet tiennent à l’imbrication des deux édifices dans un centre bus qui, nommé au départ « dépôt de Montrouge », fut bâti en 1884. Géré à l’origine par la compagnie générale des omnibus dans le nouveau quartier parisien du Petit Montrouge, le dépôt de la Porte d’Orléans n’aura de cesse d’être agrandi et restructuré. Aujourd’hui, le centre bus de Montrouge demeure un service public important, puisqu’il fait le lien entre Paris et sa banlieue sud, et accueille quinze lignes de bus, dont cinq desservent Paris intra muros et les dix autres la banlieue, auxquelles s’ajoutent deux lignes de réseau de nuit Noctilien. « L’étude de valorisation du site du centre bus de Montrouge a pour objectif la mise en place d’un processus de stratification des usages, par l’accumulation de divers programmes : activité industrielle, bureau, logement et crèche. », expliquent les architectes d’ECDM. De plus, « il s’agit d’initier un redéploiement de l’îlot pour passer d’un centre de bus introverti à un aménagement solidaire, ouvert sur la ville et sur notre temps. » « Notre projet est donc avant tout une réponse à une implantation entre deux paysages, deux gabarits, deux urbanités. », ajoutent-ils. Aussi, leur approche conceptuelle du projet a consisté à retrouver une certaine cohérence urbaine en opérant des liens entre les socles des deux ouvrages, lesquels fonctionnent ensemble.

 

Le socle du bâtiment en gradins intègre un hall d’entrée commun et l’accès des autobus. ©Salem Mostefaoui

 

Façade sur rue en gradins

Se référent au fameux immeuble en gradins revêtu de faïence blanche réalisé par l’architecte Henri Sauvage en 1912, au 26 de la rue Vavin à Paris 6e, l’équipe d’ECDM a proposé une modénature assez proche pour leur bâtiment sur rue, où la façade en gradins se retourne en une superposition de terrasses semblant s’effacer progressivement dans la rue. Ces dernières sont agrémentées de jardinières en bandes filantes de béton préfabriqué rainuré et lasuré en gris clair offrant aux usagers la possibilité de planter sur la totalité du linéaire de façade : cette végétalisation devant faire office de filtre visuel par rapport au bâti situé en vis-à-vis. Pour les architectes, « ce travail en rizière, de franges plantées en cascade, génère un jardin oblique bien visible dans la perspective de la rue. » Et au regard de l’étroitesse de la rue du Père Corentin, cette ingénieux gradinage permet une meilleure pénétration de la lumière et du soleil au sein de tous les logements se déployant dans les étages. Sur le plan urbain, les architectes précisent que « cette façade sur rue fait le grand écart entre un pavillon R+2 à la Mansart et un immeuble R+12 issu de la modernité. » Cet immeuble dense, de 18 m de large, 45 m de long et 26 m de haut, assure en effet une liaison subtile avec le bâti domestique de petite échelle, à deux ou trois étages, d’un côté, et un bâtiment d’habitation de grande échelle, dessinant lignes horizontales, de l’autre côté. Sur le plan structurel, les deux entités ont été bâties à l’aide de dalles et de voiles en béton coulé en place.

 

Texte : Carol Maillard

Visuel à la une : © Salem Mostefaoui

 

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