Petite agence d’ingénierie et d’architecture navale, BOW conçoit, calcule et développe des structures flottantes. Architecture d’eau douce ou d’eau salée, les créations de l’agence s’échelonnent du petit voilier de 3 mètres au bâtiment de 40 mètres en passant par des structures artistiques. Rencontre avec Youri Guedj, capitaine à la barre de BOW.
BOW (Be On Water) est un cabinet d’architecture navale. Pourquoi cette volonté de vous consacrer aux objets flottants ?
Passionné par la mer et les voiliers, j’ai découvert l’architecture flottante fluviale au sein de Seine Design où j’ai beaucoup appris sur la pratique de l’architecture navale, avant de reprendre des études de philosophie des sciences. Ingénieur naval de formation, j’ai ressenti ensuite le besoin de me lancer en indépendant afin de me consacrer entièrement aux projets flottants, au gré d’une période où les architectes s’intéressaient de plus en plus aux fleuves. Si une certaine fascination pour la Seine existe depuis toujours, un regain d’attention a notamment été observé en 2012 avec la fermeture des voies berges puis la mise en place de politiques urbaines d’aménagement des fleuves ou encore grâce à la vague de concours de Réinventer la Seine. J’ai ensuite créé BOW avec Alan Le Calvez, un ami de promotion de l’ENSTA Bretagne en 2020. Aujourd’hui, Alan a quitté l’entreprise pour voguer vers de nouveaux projets, mais nous poursuivons nos missions de conception, de calcul et de développement de structures flottantes. Nous intervenons différemment et à diverses étapes en fonction des projets. Nous pouvons en effet concevoir et construire des voiliers de 3 à 7 mètres, tout comme des architectures flottantes de plus de 40 mètres, amarrées sur les eaux intérieures des fleuves. Nous fabriquons également des bateaux de servitude (de petits ou gros bateaux dédiés aux croisières, à la restauration, etc.), des barges… Enfin, nous accompagnons la réalisation de structures flottantes artistiques. Nous œuvrons actuellement, à titre d’exemple, aux côtés de Feda Wardak à Cognac, sur une œuvre de 20 mètres de haut. Depuis cinq ans, nous sommes les concepteurs et commanditaires de nouveaux modèles d’embarcations en autoédition, que nous commercialisons.
L’architecture flottante est-elle si différente de l’architecture terrestre ?
Je dirais qu’il y a des contraintes fortes en architecture navale dont on ne peut absolument pas s’affranchir. Pour une structure flottante, le poids est contrôlé tout au long du projet. Il existe une nécessité de synthèse entre tous les corps de métier et tous les aspects du projet (structure, amarrage, stabilité, aménagement, choix des matériaux…) qui est encore plus forte que sur une architecture terrestre. Enfin, lorsqu’il faut faire flotter un bâtiment, je pense que nous sommes un peu plus tributaires des savoir-faire des entreprises spécialisées.
Mais, pour certains projets, nous pouvons toutefois vraiment rapprocher architectures navale et terrestre. C’est le cas d’un projet de théâtre flottant à Lyon, pour lequel nous nous sommes affranchis du cadre de la construction navale traditionnelle pour réaliser une coque en béton et une charpente en bois.
Faut-il être navigateur pour bien concevoir des architectures navales ?
La navigation est ma passion première mais elle n’est pas indispensable. Concevoir un voilier ou un bâtiment de 40 mètres amarrés, n’est pas du tout la même histoire. Pour créer un établissement public flottant, savoir naviguer ne sera pas différenciant ; alors que pour réaliser un voilier ou tout type de bateau qui avance sur l’eau, l’expérience de la navigation sera un plus mais n’est pas obligatoire.
Quel est le plus grand défi que vous avez relevé ?
Bizarrement, ce ne sont pas les plus gros chantiers. Les petits projets sont souvent les plus compliqués. Nous travaillons actuellement sur une planche de surf en kit en bois contreplaqué et en liège. Je ne dirais pas qu’il s’agit du plus grand défi que nous ayons jamais rencontré, mais ce projet nous a donné plus de fil à retordre que prévu !
Existe-t-il une figure de l’architecture navale que vous aimeriez saluer ?
Archimède, car son principe est à l’origine d’une grande partie de l’ingénierie navale. Il est vraiment très présent dans notre quotidien. J’ai été passionné par les aventures nautiques d’Éric Tabarly et Olivier de Kersauson, leurs histoires, leurs approches, mais il est difficile de ne choisir qu’un navigateur en particulier. Enfin, Eugène Cornu, Jean-Jacques Herbulot, Pierre Gutelle, François Vivier, et plus récemment Paolo Bua, sont des architectes navals qui m’inspirent encore beaucoup dans leurs approches de la conception.
Par Annabelle Ledoux
Visuel à la une : LILEO, BOW, Lyon, 2023 © BOW 2025
— Retrouvez l’article dans Archistorm 132 daté mai – juin 2025