Depuis des années, les 700 000 visiteurs annuels du Mont Ventoux submergent le sommet, le stationnement anarchique génère des flux piétonniers qui impactent les milieux naturels et troublent la sécurité et le plaisir de la contemplation. Les visiteurs hésitent entre divagation et erratisme, la sur-fréquentation menace… Pour mieux apprécier ce monument de nature, à la hauteur de sa réputation internationale, la nouvelle promenade milite pour ménager le sommet avec ses crêtes, plus que pour l’aménager, et lui rendre ainsi son caractère sacré. Objectif : dessiner un projet pour prolonger une légende ! Cette démarche se construit par un partage : il convient de marcher un peu plus pour mieux appréhender la visite, de se garer un peu plus loin du sommet pour le rendre plus merveilleux.

La gestion de l’afflux des visiteurs est une première priorité avec quatre aires de stationnement décentrées qui permettent de gagner le parvis de l’observatoire par des sentiers confortés ou le grand escalier baptisé « Les Degrés du Ventoux ». La conception de la trame de visite répond à la diversité des publics et offre des parcours aisés à chacun. Le traitement du parvis avec son cheminement et une promenade en boucle autour du sommet, garantissent les vues sur le grand paysage tandis que les autres espaces et cheminements sauvages, désormais inutiles, sont cicatrisés.

La restauration écologique et paysagère repose sur la séparation voulue aimable et radicale des flux de déplacement, la mise en place de parcours courts et/ou très confortables, le développement d’un vocabulaire mimétique, la faveur accordée aux creux, aux joints, aux « vides » pour que la flore endémique pousse jusqu’au sommet. Elle développe la création d’un espace calme et protégé autour de chaque belvédère, une gestion anticipée du site et la facilité du déroulement de manifestations via la modularité de la plateforme sommitale.

Le parcours de visite

Au sommet du Mont Ventoux, tout est visible ! De la plaine, au détour des derniers lacets, du ciel, à l’échelle du vélo ou du piéton, toute intervention dans ce paysage de pierres se voit.

Après une phase de soustraction, l’architecture de déambulation devait se marier au manteau minéral du site. La matière du ruban béton, du belvédère de Provence jusqu’au belvédère des Alpes devait épouser le pierrier, dans sa couleur et la façon dont il captait la lumière.

Le pierrier, du gris à l’ocre, est chaotique. Le béton bouchardé des cheminements est de la même tonalité mais doux. Il exprime grâce au traitement de surface une matérialité avec les agrégats du site extraits dans la plaine. Ce mariage de raison, pour l’œil et le confort des visiteurs pouvait, lui seul, résister aussi à – 40 degrés !

La minéralité du parcours de visite lui confère une pérennité qui, dans le cas du Mont Ventoux, est essentielle. Le béton bouchardé se marie au pierrier, résiste aux chasse neige et son confort plait aux cyclistes !

L’alliance du minéral et du végétal

Le projet de réhabilitation du Mont Ventoux a permis de restaurer les pierriers sur les différents versants et de les reconstituer aux endroits où l’ancienne route a été démolie. Ce sol fertile, ensemencé avec la banque de graines des alentours accueille désormais de nouveaux individus. Rien n’a été planté ! Entre les pierres disposées en cordon pour créer des rives, des joints creux ou des bandes d’éveil aux cheminements, des populations de plantes endémiques, dont certaines se sont redéveloppées …

Notre métier de paysagiste développe de plus en plus des projets à vocation naturaliste. L’histoire, la composition d’ensemble, les usages, les parcours de visite créent un univers et un paysage. La nécessaire désartificialisation des espaces urbains, pour mieux infiltrer l’eau et créer des ilots de fraicheur, nous conduit à utiliser des nouvelles techniques ou revaloriser des mises en œuvre traditionnelles. La qualité des sols reste un enjeu majeur pour rendre confortable la ville de demain.

Les Services (toilettes publiques et locaux techniques), dessinés par Panorama Architecture, n’ont pas été réalisés. Ils sont pourtant nécessaires… La gestion des pierriers et des ourlets de pierres qui servent de contention sont à conforter régulièrement.

Le sommet du Mont Ventoux, olympe pour Pétrarque, Fabre, et tous les cyclistes du monde, reste un espace fragile où rien ne semble bouger alors que tout est en mouvement.

Croquis de l’agence ALEP – Atelier Lieux et Paysages

Fiche technique :

Maîtrise d’ouvrage : Conseil Départemental du Vaucluse, Parc Naturel Régional du Mont Ventoux
Assistance à maîtrise d’ouvrage : BET environnement : Naturalia – Avignon
Maîtrise d’œuvre conception : Paysagiste mandataire : ALEP – Cadenet / Architecte : Panorama Architecture- Aix -En-Provence / BET : Suez Consulting / Safeges SAS – Aix-en-Provence  / Muséographe : Parc Naturel Régional du Mont Ventoux / Graphiste : Passe-Muraille – Toulouse
Maîtrise d’œuvre travaux : Conseil Départemental du Vaucluse, Direction de l’aménagement routier
Entreprises : VRD, murs et escaliers : SRMV – Carpentras / Aménagements paysagers : PEC – Pernes-les-Fontaines / Signalétique : Alliance Consultants – Lunel / Signalisation et glissières : Miditraçage – Apt / Extrudé-GS : Agilis – Avignon / Serrureries : Terragno – Aix-en-Provence / Enrobés, zone Sud chalet : Colas – Aix-en-Provence / Enrobés, zone Nord : Eiffage – Marseille / Enrobés, sommet : SRMV – Carpentras / Sols béton : Sols Provence et Sols Méditerranée – Valence
Budget global de l’opération : 4 681 000€ TTC

À découvrir, le livre Le voyage d’ALEP, Atelier Lieux et Paysages. Éditeur Archibooks.

— Retrouvez l’article dans Archistorm 125 daté mars – avril 2024