Nouvelle rubrique sur un sujet d’actualité par Bertrand Lemoine, architecte, ingénieur et historien spécialiste de l’histoire et de l’actualité de l’architecture, de la construction, de la ville et du patrimoine aux XIXe et XXe siècles.

Texte et photos : Bertrand Lemoine

Ancien café dans le village de Valdrôme.

La prise de conscience n’est pas nouvelle, mais elle s’accentue en ces temps de campagne présidentielle car le phénomène est devenu un enjeu politique : les villes françaises se meurent. Le paysage urbain de la France a radicalement changé depuis trente ou quarante ans.

Image à la une : Maison abandonnée dans le village de Pontaix au bord de la Drôme.

(…) Le fait est là. La France est devenue plus urbaine, au profit des métropoles et de leurs habitants. Il y a en France le Grand Paris, cette région qui produit 30 % du produit intérieur brut et en consomme 25 % pour redistribuer la différence. Puis une quinzaine de métropoles, parfois bipolaires, qui jalonnent le pays et en concentrent une bonne partie de la dynamique économique, sociale et culturelle. Vient ensuite le dense réseau des villes petites et moyennes, des préfectures aux gros bourgs, qui forment l’armature urbaine de la France. Enfin les innombrables villages qui constellent les campagnes, lieux où il est désormais quasiment impossible de survivre sans voiture. Ce sont ces villes et ces villages qui sont aujourd’hui frappés non par une désertification mais par une périurbanisation qui déqualifie leurs cœurs historiques. Les grandes surfaces commerciales qui définissent désormais l’architecture des entrées de ville, les lotissements innombrables qui proposent la démocratisation du rêve de la maison isolée au milieu de son jardin, prospèrent tout autour des villes et des villages, provoquant par contrecoup la désaffection des centres, aux logements surannés et aux commerces à céder. (…)

Lotissement à Maule
© D.R.

Si le constat est aisé, les remèdes sont plus difficiles à mettre en œuvre, en supposant qu’il faille ou que l’on puisse aller contre cette tendance à l’éclatement. Et sans doute le faut-il, car ce qui est en jeu, c’est bien le modèle urbain de la ville dense, assez largement partagé en Europe et dans nombre de pays, qui est aussi le socle d’une forme de vie sociale fondée sur la proximité et le voisinage. (…) Le commerce est clairement l’un des grands enjeux. Comment à la fois limiter et contraindre l’impact déjà très puissant de la grande distribution en périphérie et favoriser la survie et le développement du petit commerce en centre-ville ? Différentes mesures à la fois contraignantes (des taxes sur les grandes surfaces et leurs parkings, un urbanisme plus maîtrisé..) et incitatives (des marchés forains, des baux préférentiels et des loyers plus faibles pour les boutiques, des autorisations d’ouvertures tardives ou dominicales en ville, une spécialisation intelligente, une meilleure synergie avec la vente sur internet…) sont possibles. Les logements proposés dans les centres ne correspondent plus aux modes de vie actuels. Il faut les remembrer pour les agrandir et les rendre plus confortables, les réhabiliter. Les difficultés de circulation et de stationnement sont souvent mises en avant par les commerçants eux-mêmes. Là aussi existent à la fois des solutions de meilleure gestion de la voirie et la possibilité de redéfinition des modes de mobilité à l’intérieur de la zone la plus dense, avec une meilleure complémentarité des modes sans pour autant céder à la tentation d’exclure l’automobile.

Bail à céder à Crest.

Le tourisme constitue clairement l’une des pistes de développement économique, en s’appuyant sur le riche patrimoine des villes et des villages et sur la qualité de leurs espaces publics, pour retrouver le charme de la vie urbaine. Mais d’autres pistes de développement économique existent aussi, par exemple faire revenir en ville l’enseignement, supérieur ou non, favoriser l’installation de jeunes entreprises, sans oublier le recentrage des maisons de retraite.

Boucherie reconvertie en galerie d’art à Crest.

Il n’y a certes pas de solution miracle pour contrecarrer cette tendance de fond. Mais l’un des enjeux des gouvernances communales dans les années à venir sera bien d’identifier clairement cette question et d’y apporter des réponses efficaces. C’est dire l’importance d’un débat au niveau national qui peut favoriser la solidarité globale comme conforter les initiatives locales.

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