EXTRAIT

Hors Série Archistorm sur l’Atelier Dalmas Architectes Associés 

 

Devant les Ateliers, un rhinocéros blanc fait les honneurs de la grosse bâtisse des années 1950 où l’agence Didier Dalmas s’est installée il y a quelques années, sur la pente d’une des collines formant le 9e arrondissement de Lyon. C’est ensuite un gorille grandeur nature qui accueille les visiteurs dans le sas d’entrée. Les deux sculptures sont les œuvres de David et Mickaël Durand, des familiers du lieu.

 

Didier Dalmas a tissé de longue date un rapport privilégié avec des artistes contemporains. Chaque année au début de l’été, une fête réunit aux Ateliers collaborateurs, famille, amis et relations professionnelles. Ces soirées sont l’occasion, depuis sept ans, d’inviter un artiste à présenter son travail. Une année, Georges Rousse a investi la piscine située en contrebas (la première piscine privée de la ville, dit-on), la transformant en espace pictural éphémère. L’an dernier, un artiste, Nicolas Ticot, a déployé ses œuvres son et lumière à l’intérieur de la maison et dans le jardin. Sous les cèdres argentés du parc, un lien étroit s’est noué entre architecture et création plastique.

Dans le même esprit, Didier Dalmas donne carte blanche à Cédric Rouillat pour photographier ses bâtiments tout juste livrés. L’artiste investit les lieux avec des comédiens, et il en résulte des images surprenantes, décalées, où l’architecture apparaît dans une mise en scène théâtralisée. Il arrive aussi à l’architecte de répondre à un concours en associant un artiste de sa connaissance ou de proposer à un autre d’intervenir dans un bâtiment en cours – il l’a fait par exemple avec Matali Crasset ou Georges Rousse. Il rêverait de faire dialoguer plus souvent architecture et art contemporain, mais la question du coût reste un frein. Quoiqu’il en soit, l’art est un stimulant pour son travail. Tout comme d’autres disciplines dont il s’entoure au quotidien.

Car les Ateliers regroupent différentes compétences : architectes, paysagistes, graphistes, webdesigners, photographes, entre lesquels circule un échange permanent. La maisonnée abrite au rez-de-chaussée l’agence de paysage d’Anne Gardoni, la compagne de Didier Dalmas et sa partenaire pour la conception des espaces extérieurs de tous ses projets. L’équipe des architectes occupe le premier étage. Les designers sont installés sous les toits, dans un grenier aménagé en vaste soupente lumineuse.

 

Et l’architecture, dans tout ça ?

 

L’atelier Didier Dalmas, créé en 2012, s’inscrit dans le prolongement de l’atelier Sur les quais qui existait depuis 1991, installé sur les berges de la Saône. Le choix du terme atelier n’est pas anodin : il contient déjà en lui l’idée de partage, de travail collectif, et l’envie de transmettre à travers l’apprentissage du métier.

Le fonctionnement de l’agence, qui regroupe une dizaine de collaborateurs, repose sur la confiance et le respect mutuel. Didier Dalmas délègue la responsabilité des projets à ses collaborateurs, et ceux-ci les portent depuis le moment où le concours est gagné jusqu’à la livraison. Chacun s’approprie le projet, l’adapte ou le modifie pour le faire sien. Un fil continu est ainsi maintenu tout au long du processus de conception puis de construction, et la mémoire en est conservée. Rien n’est plus réjouissant pour Didier Dalmas que d’entendre citer le nom du chef de projet par le maître d’ouvrage lors d’une inauguration !

Son expérience en agence pendant cinq ans avant d’ouvrir sa propre structure lui a appris ce travail collectif qui concède à tous un droit à l’erreur et permet à chaque salarié de se confronter très tôt au projet. Plus largement, il considère qu’il ne détient pas le savoir et relativise le rôle de l’architecte : il exerce un métier, c’est tout.

L’agence s’organise en fonction des disponibilités de chacun pour répondre aux concours, ces « bouteilles à la mer », qu’on lance sans savoir combien reviendront, ni même si une seule restera à la surface. Les charrettes sont évitées au maximum, pour préserver à l’équipe une vie en dehors du travail. Pour Didier Dalmas il faut savoir arrêter de chercher au bout d’un certain temps, même si tout n’est pas abouti, détaillé : « On a dit ce qu’on avait à dire, il faut apprendre à lever le crayon. »

Le fonctionnement d’un projet, c’est son axe incontournable : « Lorsque nous concevons un équipement, tout doit fonctionner, il doit être irréprochable. C’est un outil que nous proposons à la collectivité, et il faut que le bâtiment soit complètement adapté à son usage. » D’où la notion de maître d’usage, essentielle parce que le maître d’ouvrage n’est en général pas l’utilisateur de son bâtiment.

Le dialogue avec les usagers permet de mettre au point quantité de réglages. Pour un groupe scolaire, il se fera avec les enseignants, les parents, mais aussi les agents d’entretien, le personnel de la cuisine – tout le monde a son mot à dire. « Quand une personne m’explique comme elle va faire le ménage du bâtiment tous les soirs, cela m’incite à mettre des locaux d’entretien à chaque étage, c’est aussi simple que ça – mais ce n’est pas forcément écrit dans le programme. » Car si le programme constitue naturellement la base du travail de conception, il faut aussi savoir, à un moment donné, prendre des libertés, le déformer si besoin, l’enrichir et montrer que le bâtiment peut fonctionner autrement.

Le dialogue avec ceux qui vont vivre dans le bâtiment est toujours enrichissant : il permet l’appropriation par tous ; en retour, il vient nourrir le projet. Les choix formels, l’écriture se voient justifiés par ce respect de l’usage et ne relèvent jamais d’un geste gratuit. Et en même temps, dans une sorte de va et vient permanent, l’usage rend possible certains choix d’écriture. Ceux-ci sont argumentés sur le plan pratique, fonctionnel, ils prennent corps. « Par exemple si je décide d’un porte à faux devant une école : j’explique que certes, ça coûte plus cher, mais qu’il s’agit aussi de créer un espace d’attente et de convivialité pour les parents, que des poteaux à cet endroit seraient accidentogènes, etc. Cela me permet de faire passer des choix qui seraient difficilement compris en termes stricts de spatialité. »

Si elle a livré un grand nombre d’équipements scolaires, l’agence conçoit aujourd’hui aussi bien des locaux culturels ou sportifs que des logements collectifs, des résidences pour personnes âgées, ou encore des bureaux. À chaque fois, il s’agit pour Didier Dalmas de trouver la bonne réponse par rapport aux attentes, c’est-à-dire le projet juste, respectueux des contraintes et des considérations (environnementales, budgétaires, de maintenance). Trop respectueux ? En effet, cette recherche du ni trop ni trop peu ne risque-t-elle pas de brider la créativité, de produire des projets de compromis ? C’est là qu’intervient à nouveau le collectif : les collaborateurs sont là pour proposer, faire bouger ce qui est figé, aider à sortir de ce qui pourrait devenir une impasse. Avec toujours à l’esprit le bon sens qui détermine l’équilibre du propos.

Deux associés sont venus depuis peu épauler la structure et assurer son développement dans l’avenir : Frédéric Guillot, architecte et complice de vingt ans, et Sonia Monnier, directrice administrative et pilier indispensable de son fonctionnement. L’agence, qui travaille aujourd’hui essentiellement dans le bassin économique dynamique du grand Lyon et des départements limitrophes, envisage pour les prochaines années d’aller voir ailleurs, plus loin : une manière de casser la routine quotidienne et d’ouvrir de nouvelles perspectives. Toujours dans l’idée pour Didier Dalmas de la transmission et du partage, mais aussi de ne pas s’enfermer dans une conception trop absolue du métier d’architecte. Il aime à rappeler ces mots de Le Corbusier : « Je fais des baraques. »

Qu’est-ce qu’un bon projet ? L’équipe des Ateliers, dans sa demeure entourée d’arbres vénérables, veillée par ses animaux tutélaires, suit son cap à la recherche de la juste réponse.

Texte : Valérie Thouard

 

Quelques projets et/ou réalisations de l’Atelier : 

 

Le Hors-série Archistorm n°37, consacré à l’Atelier Dalmas Architectes Associés, est disponible en kiosques !