PORTRAIT

AGENCE RDAI

 

Plus on porte de musique en soi, moins on a besoin de faire du bruit. Bien loin de l’arrogance tapageuse, l’agence RDAI a choisi le feutré, comme pour s’excuser d’être sublime. Une façon élégante de se faire remarquer, qu’on appelle la « distinction ». Plus préoccupée de présence que d’apparence, RDAI incarne, mieux que le luxe, l’esprit du luxe.

À la disparition de Rena Dumas en 2009, son directeur artistique et très proche collaborateur, l’architecte Denis Montel, a repris le flambeau. Digne héritier d’une « maison » internationalement reconnue pour son savoir-faire en architecture d’intérieur, il a bien sûr maintenu la flamme mais également mis le feu aux poudres en créant un pôle design avec Julia Capp, également en charge du développement, et RDAI Architecture avec son complice Nicolas Karmochkine, rencontré sur les bancs de l’École d’architecture de La Défense. « Cette idée a germé alors que nous concevions la Maison Hermès à Séoul (2003-2006), notre premier bâtiment dessiné de A à Z », « Z » étant les petites cuillères des tasses à café. Leur dernier projet, la Cité des métiers d’Hermès à Pantin, a reçu une belle reconnaissance professionnelle en recevant le prix de l’Équerre d’Argent 2014.

RDAI a une culture « matériau » très forte. La matériauthèque est un véritable studio de recherche remarquablement organisé par Carole Petitjean. Trois personnes y travaillent à temps plein.

L’esthétique du fractal

Désireux de diversifier leur production et de se frotter à la commande publique, Denis Montel et Nicolas Karmochkine ne portent aucun a priori sur aucun programme, bien qu’ils avouent un faible pour la sphère culturelle, les arts de vivre et l’hôtellerie « où notre expertise sur le détail et la précision peut apporter une plus-value ». Car, précision importante, RDAI évolue dans l’univers du luxe depuis 1972. C’est là leur marque de fabrique, le fondement de leur savoir-faire qui, compte tenu de l’incroyable potentiel, ne saurait se limiter au seul détail : « Le luxe n’est pas lié à la valeur des choses, rappelle Denis Montel. C’est une façon de penser. C’est le temps, l’exigence que l’on prend à bien faire les choses, pour s’inscrire dans la pérennité et pour satisfaire le confort des sens. Tous les programmes s’y prêtent. »

À voir leurs projets, à les écouter, l’idée vient alors que le luxe, c’est aussi une quête de simplicité. Laquelle demande de l’esprit. L’esprit, justement : comment définir celui de RDAI ? S’évertuant à simplifier ce que le monde s’évertue à complexifier, leur démarche architecturale interdit le résumé et condamne à une liste de mots qui tient lieu de récit : « fuir l’anecdote et l’éphémère », « capter l’essence », « imaginer l’évidence », « viser l’intemporel », « cultiver au plus haut degré l’obsession du détail » où l’on sait que le diable aime à se loger, « concevoir le fragment comme une oeuvre achevée ». « Comme dans les figures fractales, on doit pouvoir lire dans toutes les parties du projet son uniformité, son unicité et son identité, précise Nicolas Karmochkine. Cela détermine une stratégie, une méthodologie, un process. Jamais un style ». Le style de RDAI, c’est justement de ne pas en avoir. D’autant que l’agence ne cultive guère le culte de la personnalité, chaque projet étant le fruit d’un travail commun.

L’exigence jusqu’au dérisoire

Chez RDAI tout est rare : l’adresse, les locaux, la matériauthèque, l’organisation de l’agence, la méthode du travail, la sémantique, l’approche architecturale, le rapport au temps sous toutes ses acceptions, l’épaisseur des dossiers d’exécution… « Une nécessité, précise Julia Capp, puisque nous avons choisi de ne pas réaliser l’exécution de nos projets. » Primo parce qu’ils sont pour l’essentiel construits à l’étranger. Secundo parce que « nous ne sommes pas des démiurges. Nous concentrons notre énergie sur la conception, à laquelle nous portons un soin infini qui confine au dérisoire. Nous préférons donc confier à des experts la mise en oeuvre et l’assemblage de ce que nous avons dessiné avec tant de précision, parfois à l’échelle 1 ».  […]

« NOUS CONCENTRONS NOTRE ÉNERGIE SUR LA CONCEPTION, À LAQUELLE NOUS PORTONS UN SOIN QUI INFINI QU’IL CONFINE AU DÉRISOIRE. »

Texte : Delphine Désveaux
Visuels : © Sami Trabelsi

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